Elle fait face au Ministère public zurichois
Une ex-membre de la Jeunesse socialiste milite désormais dans un groupe d'extrême droite

Depuis près de quatre ans, le groupuscule Junge Tat participe à différentes actions et manifestations identitaires, homophobes et xénophobes. Aucun mouvement d'extrême droite n'est plus actif en Suisse. Mais aujourd'hui, les autorités lui portent un coup brutal.
Publié: 04.11.2024 à 11:12 heures
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Dernière mise à jour: 04.11.2024 à 11:58 heures
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Parmi les accusés figure Selina D., une ancienne militante de la Jeunesse socialiste.
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Fabian Eberhard

La rune du dieu nordique Týr est leur signe de reconnaissance: les membres de Junge Tat (Que l'on pourrait traduire par «La jeunesse en action») portent ce symbole sur des t-shirts, des écharpes et sur leurs masques d'assaut. En Allemagne, ce symbole est interdit. Sous le Troisième Reich, il servait d'insigne aux écoles d'Adolf Hitler.

Depuis près de quatre ans, Junge Tat ne provoque pas seulement par sa symbolique, mais aussi par des actions militantes. Ses adeptes perturbent des événements queer, se battent avec des adversaires politiques, exhibent des banderoles xénophobes. Avec des présentations adaptées à Instagram, il parvient à rendre l'extrémisme de droite à nouveau attractif pour les jeunes.

70'000 francs

Après une longue enquête, le Ministère public zurichois a rendu des ordonnances pénales à l'encontre de six membres de Junge Tat. Il exige des amendes d'un montant total de 70'000 francs, et poursuit son enquête. Les prévenus ont déjà fait opposition. Il s'agit d'«accusations sans fondement» et d'une «entrave à la liberté d'expression». Ils n'accepteront pas «cette répression» sans réponse.

Il s'agit pourtant d'actes punissables que des membres auraient commis entre février 2022 et avril 2024: discrimination raciale, contrainte, dommages à la propriété, écoute et enregistrement de conversations d'autrui, atteinte à la liberté de croyance et de culte, violation de la paix publique, infraction à la loi sur les explosifs, entrave à l'accomplissement d'un acte officiel et dissimulation illégale de visage.

Junge Tat aime se déguiser en mouvement de jeunesse inoffensif et patriotique et assure que ses actions s'inscrivent dans le cadre de l'État de droit. Mais le long catalogue de délits reprochés au groupe montre une autre vérité. De plus, plusieurs membres de Junge Tat ont déjà été condamnés, notamment pour haine envers la communauté juive. Lors de perquisitions, la police a saisi des armes. Les leaders du groupe se distancient de ces actes. Ce sont, selon eux, des «péchés de jeunesse».

Qu'ont-ils fait?

Aujourd'hui, les extrémistes de droite doivent répondre de leurs actes devant la justice. Et les reproches du Ministère public sont nombreux:

  • En février 2022, des membres de Junge Tat ont participé à des affrontements violents avec des radicaux de gauche, lors d'une manifestation contre les mesures covid à Zurich.

  • Le 1er mai 2022, les extrémistes de droite ont escaladé une grue de chantier clôturée à Zurich et ont hissé une banderole sur laquelle on pouvait lire: «Si tu penses, tu sers le capital! Frontières sûres, avenir sûr.» Selon le Ministère public, il s'agissait d'une violation de domicile.

  • En juin 2022, des partisans cagoulés ont pris d'assaut un service religieux de la Pride de Zurich. Selon le Ministère public, ils ont causé des dommages de près de 9000 francs et ont appelé à la discrimination des personnes non hétérosexuelles.

  • En octobre 2022, le groupe a perturbé une séance de lecture pour enfants organisée par des drag queens au Tanzhaus de Zurich. Il a déployé une banderole sur laquelle on pouvait lire «La famille plutôt que l'idéologie du genre». Cagoulés avec des écharpes blanches, les extrémistes de droite ont allumé des fumigènes et scandé des slogans homophobes. Selon l'ordonnance pénale, ils ont «provoqué une grande peur» chez les visiteurs de la séance de lecture. 

  • En novembre 2022, à Bâle, des membres de Junge Tat sont montés sur le bâtiment de la gare, ont allumé des torches soumises à autorisation et ont déployé une banderole sur laquelle on pouvait lire: «Expulser les criminels».

Le profil des auteurs

Les ordonnances pénales visent cinq hommes et une femme âgés de 20 à 34 ans et originaires des cantons de Saint-Gall, Zurich, Berne, Bâle-Ville et Thurgovie. La femme, accusée entre autres de violation de domicile, de discrimination raciale et de contrainte, est Selina D.*, 22 ans, ancienne militante pour le climat et membre de la Jeunesse socialiste. Auparavant, elle chantait la chanson antifasciste «Bella ciao» lors des manifestations pour le climat. Aujourd'hui, elle défile avec Junge Tat.

Le plus âgé des accusés, 34 ans, est originaire d'Allemagne et s'est récemment présenté sans succès comme conseiller municipal pour l'AfD, parti politique allemand d'extrême droite. La présence d'un Allemand parmi les auteurs présumés n'est pas surprenante: Junge Tat est étroitement lié à des extrémistes de droite à l'étranger. Il y a deux semaines seulement, le groupe avait invité Martin Sellner, porte-parole du Mouvement identitaire d'Autriche, à donner une conférence en Suisse. Des policiers l'ont toutefois intercepté à la frontière, car la Confédération avait interdit à l'extrémiste de droite d'entrer en Suisse.

L'amende la plus élevée est prévue pour A. C.*, 21 ans, un Thurgovien aux racines serbes. Ce nationaliste chrétien devra payer une peine pécuniaire avec sursis de 18'000 francs, à laquelle s'ajoutent une amende et des frais de justice de plusieurs milliers de francs.

Les meneurs à l'abri (pour l'instant)

Le Ministère public n'a pas encore prononcé d'ordonnances pénales contre les deux fondateurs et meneurs des Junge Tat: Manuel C.* (24 ans) et Tobias L.* (22 ans). Tous les deux ont pourtant un casier judiciaire et ont participé de manière déterminante aux actions. Mais les enquêtes à leur encontre se poursuivent. Ils étaient également présents lorsque des extrémistes de droite allemands ont assiégé un centre d'accueil de réfugiés en Bavière en février 2023. Ils ont par la suite été arrêtés. Manuel C.* et Tobias L.* risquent des peines encore plus lourdes que les autres membres de Junge Tat.

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Si la liberté d'expression existe encore en Suisse, les accusations ne conduiront pas à une condamnation
Un membre du groupe Junge Tat
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Une chose est sûre: le groupuscule d'extrême droite continuera d'occuper la justice. En 2025, un procès aura lieu pour la première fois contre Junge Tat, qui se montre confiant dans sa victoire: «Si la liberté d'expression existe encore en Suisse, les accusations ne conduiront pas à une condamnation. L'Etat ne veut que criminaliser les jeunes.»

Les extrémistes de droite collectent déjà des fonds pour le procès via leur site Internet. Jusqu'à la fin de celui-ci, ils sont présumés innocents.

* Noms connus

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