Discussions au sommet de l'UE
Le camp d'asile controversé de l'Italie va-t-il devenir la norme en Europe?

Les chefs d'Etat de l'UE se réunissent jeudi pour discuter de la politique d'asile. Au menu du jour: le plan controversé de la Première ministre italienne Giorgia Meloni, laquelle souhaite refouler les réfugiés en Méditerranée et les placer dans des camps en Albanie.
Publié: 17.10.2024 à 05:07 heures
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Giorgia Meloni veut que les personnes réfugiées en Méditerranée ne touchent plus du tout la terre ferme de l'UE.
Photo: Keystone/IPA via ZUMA Press
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Chiara Schlenz

De nombreux gouvernements européens ont été marqués par un net glissement à droite. Le thème de l'immigration a donc pris une place conséquente dans les programmes d'action gouvernementaux. La population européenne en a-t-elle assez? Les nouveaux gouvernements estiment que oui. Et ils ont donc décidé de réagir en conséquence: dernièrement, l'Italie a lancé son propre programme d'expulsion.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, habituellement libérale, a annoncé mardi que le modèle italien serait justement l'un des principaux thèmes du sommet européen de jeudi. La présidente de l'Union européenne souhaite-t-elle en faire une norme dans toute l'Europe?

Grand coup de marteau sur l'asile?

Le sommet se focalisera d'une part sur l'expulsion plus rapide des demandeurs d'asile déboutés. D'autre part, les possibilités d'empêcher les migrants d'entrer dans l'espace européen et de les refouler, dans le meilleur des cas, aux frontières de l'Union, s'imposera comme la seconde thématique phare. Avec un objectif en filigrane: faciliter l'expulsion des migrants vers leur pays d'origine, voire de les dissuader de voyager.

Une part croissante de la population de l'Union européenne ne semble plus prête à supporter l'immigration incontrôlée et ses conséquences. Un sentiment qui se reflète dans les derniers résultats électoraux dans plusieurs pays d'Europe: lors des élections européennes, aux Pays-Bas, en Autriche ou en Allemagne, la population a accru sa part de votes pour les formations de droite et critiques envers l'asile. 

Les partis les plus modérés craignent que les forces populistes de droite ne deviennent encore plus fortes qu'elles ne le sont déjà en monopolisant les débats sur l'immigration. Le mot d'ordre des modérés et d'Ursula von der Leyen, est donc clair: il faut mettre la question de l'immigration sur la table. Jeudi, il sera ainsi question du nouveau (et controversé) programme d'expulsion du gouvernement italien d'extrême droite de Giorgia Meloni.

Que fait exactement l'Italie avec les réfugiés?

Le gouvernement italie va plus loin que ce que prévoit l'accord sur l'asile de mai. L'Italie devient ainsi le premier pays européen à appliquer le principe de «l'externalisation». Giorgia Meloni veut que les migrants qui traversent la Méditerranée ne puissent plus du tout atteindre un pays de l'Union.

Pour ce faire, l'Italie a construit des camps d'asile en Albanie afin d'y traiter des demandes qui n'ont de toute façon que peu de chances d'aboutir. L'expérience a été lancée juste à temps pour le sommet européen: un premier navire de la marine a accosté mercredi matin en Albanie avec à son bord 16 réfugiés en provenance d'Égypte et du Bangladesh.

Le modèle italien pourrait-il devenir la norme européenne?

Giorgia Meloni a même reçu des éloges de la très libérale Ursula von der Leyen pour son «esprit pionnier en matière de politique migratoire». Il n'est toutefois pas certain que l'UE souhaite adopter cette méthode à grande échelle. Une question morale se pose également: les camps de conteneurs en Albanie font penser à une prison et non à un havre de paix pour les réfugiés. Des organisations comme l'association allemande «Pro Asyl» ont déjà critiqué ce modèle.

On se demande en outre pourquoi le renvoi des migrants devrait être fructueux en Albanie, alors qu'en l'expérience tentée par le passé en Italie s'est soldée par un échec. D'autres pays de l'UE pourraient donc rencontrer des obstacles similaires s'ils appliquaient venaient à appliquer eux-mêmes ce modèle. À cela s'ajoute le prix élevé du projet: selon les médias italiens, le gouvernement de Giorgia Meloni a déboursé en moyenne 18'000 euros par migrant. Une dépense énorme pour une entreprise dont le seul objectif est finalement de dissuader ces personnes de venir.

Y a-t-il d'autres propositions?

Certains pays de l'UE, l'Italie en tête, font pression pour normaliser les relations avec la Syrie de Bachar al-Assad, afin de faciliter l'expulsion des migrants. Pour rappel, l'UE avait rompu ses relations diplomatiques avec le pays en 2011, après le déclenchement de la guerre civile. Selon des données du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés publiées en 2021, plus d'un million de réfugiés et de demandeurs d'asile syriens sont arrivés en Europe au cours des dix dernières années.

En matière de politique migratoire, l'UE mise également sur une coopération avec des Etats comme la Tunisie, la Libye et la Turquie. L'Union paie ces pays pour qu'ils empêchent les migrants de poursuivre leur route vers son territoire. Des experts de l'ONU ont d'ores et déjà dénoncé des violations des droits de l'homme. Ursula Von der Leyen a expliqué dans sa lettre que l'UE aspirait également à des partenariats similaires avec des pays d'Afrique de l'Ouest comme la Mauritanie, le Mali et le Sénégal.

Mais la question des réfugiés divise profondément l'Europe. Outre le plan italien controversé, le sommet abordera un autre sujet explosif: la Pologne a exprimé sa volonté exprimée de suspendre complètement le droit d'asile. Une proposition radicale qui intervient alors que le chef du gouvernement hongrois Viktor Orbán vient d'exiger une fermeture totale de l'UE aux migrants.

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