Économiser sur l'agriculture?
Ce que les subventions de la Confédération coûtent au contribuable

Selon une étude de l’Institut de politique économique suisse de l’Université de Lucerne, la Confédération verse trop de subventions. Des milliards de francs provenant des contribuables pourraient être économisés, notamment dans le domaine de l'agriculture.
Publié: 16.05.2023 à 10:21 heures
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Dernière mise à jour: 16.05.2023 à 10:23 heures
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Selon une étude de l'Université de Lucerne, la Confédération verse trop de subventions à l'agriculture.
Photo: Thomas Meier
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Martin Schmidt

La Suisse jetterait par la fenêtre plusieurs milliards de francs payés par le contribuable. C’est la conclusion d’un rapport établi pour la première fois par l’Institut de politique économique suisse (IWP) de l’Université de Lucerne, considéré comme un organisme d’inspiration libérale. En 2022, la Confédération a versé des subventions à hauteur de 48,5 milliards de francs. Sur cette enveloppe, 38 milliards de francs ont attiré l’attention de l’IWP parce qu’ils «génèrent plus de dommages que d’avantages». En clair: plusieurs milliards pourraient être économisés sur ces «subventions fédérales nuisibles».

Les auteurs du rapport s’inquiètent. «Les subventions ne cessent d’augmenter depuis des années, alors que la Confédération devrait faire des économies pour compenser l’augmentation du déficit budgétaire», détaille Martin Mosler, coauteur de l’étude. La Confédération s’attend en effet à un déficit de 2 à 3 milliards par an dans les années à venir. «Il n’est pas possible de s’endetter davantage, sachant qu’une augmentation des impôts se heurterait à une trop grande résistance de la part des électeurs», analyse le chercheur. Il ne reste donc que la réduction des dépenses.

Oui aux subventions pour les agriculteurs, mais dans quelle mesure?

Selon l’IWP, les subventions sont particulièrement mal utilisées dans les secteurs agricoles et alimentaires, lesquels reçoivent 3,6 milliards de francs par an de la Confédération. Une grande partie est versée sous forme de paiements directs et doit contribuer, par exemple, à la sécurité de l’approvisionnement du pays ou à l’entretien des terres cultivées. L’étude conclut toutefois que ces objectifs sont généralement loin d’être atteints. «En matière d’autosuffisance, la Suisse parvient à peine à 50% et dépend de l’ouverture des frontières. Et les subventions n’assurent pas l’entretien des terres cultivées», explique Martin Mosler.

Ce gaspillage coûte cher aux ménages suisses. Ainsi, les prix des denrées alimentaires sont près de 70% plus élevés que la moyenne de l’Union européenne, et même 130% pour la viande. «Il y a certes des arguments pour que l’agriculture reçoive des subventions. Mais il existe ici un grand potentiel d’économies. Les agriculteurs profitent ici d’un travail de lobbying efficace», estime le spécialiste.

Le président de l’Union suisse des paysans est indigné

Face à cette étude, le président de l’Union suisse des paysans gronde. «En ce qui concerne l’agriculture, ce rapport se caractérise par une ignorance flagrante. De sa tour d’ivoire, cette équipe d’universitaires a rédigé un document qui n’est bon qu’à être supprimé», assène Martin Rufer. D’une part, l’autosuffisance n’est pas l’objectif de la politique agricole en matière de subventions. «Cela montre que l’IWP se base sur des hypothèses totalement erronées dans son rapport. Leur évaluation des subventions à l’agriculture est absurde. Les paiements directs ne nuisent en aucune manière à la prospérité générale de la Suisse», avance le PLR soleurois.

En ce qui concerne le domaine de l’économie, l’IWP se montre également critique. L’institut estime que les 430 millions de francs destinés à l’assainissement énergétique des bâtiments sont souvent utilisés par des profiteurs. En effet, jusqu’à 50% des bénéficiaires de subventions rénoveraient leurs maisons et appartements sur le plan énergétique même sans soutien de la Confédération, montre une enquête réalisée en 2019.

Les retraités paient pour les chômeurs

Avec 23,5 milliards de francs, la plupart des subventions vont à l’aide sociale. Martin Mosler cite l’exemple de l’assurance-chômage: «La Confédération y injecte environ 550 millions par an. Mais pourquoi les retraités, qui ne peuvent pas du tout bénéficier de cette prestation, devraient-ils y contribuer?» Du point de vue de l’IWP, le chômage devrait être entièrement financée par le paiement des primes. «Ce serait également juste du point de vue de la politique sociale», affirme le chercheur.

Si les subventions augmentent dans un domaine, l’argent manque ailleurs. Par conséquent, les dépenses pour la formation et la recherche ont continuellement baissé ces dernières années. Dans d’autres secteurs, les réductions de subventions sont rares. La raison? «Les politiques se retiennent souvent, car ils souhaitent éviter de devenir impopulaire auprès des personnes concernées», affirme Martin Mosler.

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