Ils sont jeunes, bruyants et ont un message: «Le méthane pue!» La semaine dernière, une centaine de manifestants ont fait le pied de grue devant le siège du réseau gazier local du Mittelland, dans le canton de Bâle. Ils ont répondu présent à l'appel du mouvement de grève pour le climat. Et ils sont très déterminés. «Nous empêcherons le terminal de gaz liquéfié!», promet une banderole, accrochée à la grille qui bloque l'accès au site.
Méthode différente, mais même combat. À environ 30 kilomètres de là à vol d'oiseau, au même moment, Balthasar Glättli montait sur la scène du théâtre municipal d'Olten (SO). Vêtu d'une chemise blanche, il prépare ses délégués aux «élections climatiques de 2023». Le président des Vert-e-s arborait presque un air de défi pour l'occasion. Car Balthasar Glättli le sait bien: d'autres thèmes que l'environnement ont le vent en poupe. Entre les problèmes bancaires, l'immigration, la réexportation d'armes, le marché locatif ou encore l'inflation, la population suisse a de quoi être préoccupée en ce moment.
Mais il y a quatre ans, les réalités étaient encore différentes. À l'époque, des milliers de personnes étaient descendues dans la rue. Pour un même objectif: sauver la planète. Et l'union avait fait la force. Dans les urnes, les Vert-e-s avaient triomphé. Ils avaient augmenté leur part électorale de 6,1 points, pour atteindre 13,2% et conquérir 17 sièges supplémentaires au Conseil national.
De grands perdants
Ce printemps, le vent leur est moins favorable. Lors des scrutins cantonaux à Zurich et Bâle-Campagne, les écologistes ont fait partie des grands perdants. Et les pronostics avant les élections fédérales de cet automne n'augurent rien de bon. D'après les sondages, les Vert-e-s seront dans le rouge. Et pas qu'un peu. S'ils continuent sur cette lancée, ils devraient perdre environ 2,5% des suffrages.
La crainte du réchauffement climatique perd-elle du terrain dans l'esprit des Suisses et des Suissesses? Il semblerait pourtant que non. Cette écoanxiété caracolerait toujours en tête de leurs préoccupations. Mais ce n'est pas pour autant que qu'ils souhaiteraient voter pour le parti écologiste.
Un bilan désabusé
Les électeurs auraient-ils donc perdu foi en les Vert-e-s? Cyrill Hermann, 19 ans, militant de la grève du climat, dresse un bilan désabusé de ce qu'ils ont fait de leurs sièges jusqu'à présent. «Nous ne pensons plus grand-chose du parti écologiste», assène-t-il.
Il y a quatre ans, celui-ci avait profité d'un nouvel élan grâce à la visibilité des manifestations pour le climat. Semaine après semaine, des élèves prenaient la rue et protestaient contre la destruction de l'environnement. «Et malgré tous nos efforts, rien n'a changé, nous ne sommes pas plus avancés aujourd'hui», soupire Cyrill.
Ainsi, au lieu de jouer le rôle d'étrier pour la politique, lui et ses camarades se concentrent désormais sur leurs propres actions. Avec leurs propres méthodes: des grèves et des protestations. Ils luttent donc de leur côté contre les projets de centrales ou de terminaux à gaz, comme samedi dernier à Bâle. «Le parti écologiste est comme les autres, gifle le jeune militant. Il veut juste obtenir des sièges.»
«Nous n'avons aucune confiance en la politique»
Reto Wigger a choisi un autre groupe. À presque 40 ans, il fait partie du célèbre mouvement Extinction Rebellion, qui attire l'attention sur la crise climatique par la désobéissance civile. Lui non plus n'a pas beaucoup d'estime pour le Parlement et le gouvernement. «Nous avons une confiance nulle dans la politique», explique-t-il.
L'activiste situe le problème au niveau des partis et des médias: aucun ne comprendrait la gravité de la situation. Lors de la pandémie de Covid-19, le Conseil fédéral s'est présenté devant le peuple et a mis en garde contre les dangers pour le système de santé, argue-t-il. Quelque temps plus tard, n'importe qui dans le pays savait expliquer ce qu'était la valeur R, argue-t-il. «Alors pourquoi n'en est-il pas de même pour le point de basculement climatique?», tonne Reto Wigger.
Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le point de basculement est le seuil critique à partir duquel un système se réorganise de manière abrupte et/ou irréversible. Ce qui signifie, en pratique, que si la déforestation se poursuit en Amazonie, la forêt tropicale se transformera en savane géante une fois ce point dépassé. Les conséquences pour le climat à l'échelle mondiale et la biodiversité? Elles seraient désastreuses. «Notre base de vie serait détruite, martèle Reto Wigger. Pourtant, les politiques ne parlent pas assez de cette vérité dérangeante.»
Les associations environnementales Greenpeace, Pro Natura, ATE et WWF gardent aussi un œil sur la politique. Qu'en disent-ils? Dans leur évaluation environnementale publiée à mi-législature, il était écrit à la fin de l'année 2021 que «les préoccupations environnementales n'ont que peu de succès au Conseil national, malgré les sièges gagnés par les Vert-e-s et les Vert'libéraux.» Si l'on veut chiffrer cette déconfiture, sur 49 votes considérés comme particulièrement importants, 21 ont été perdus. Il s'agit donc de près de la moitié des objets.
Une situation difficile également au Conseil des États
Au Conseil des États, les préoccupations vertes ont eu encore plus de mal. En cause: la chambre haute est historiquement considérée comme plus conservatrice. On compte neuf décisions prises dans le sens de la protection du climat pour quatorze verdicts à son encontre.
Le Centre a notamment voté nettement plus souvent contre l'environnement que ses prédécesseurs, le PDC et le PBD. Et comme le comportement de vote des autres partis s'est déplacé en défaveur du climat, les sièges gagnés par les Vert-e-s ont fondu comme neige au soleil. Pourtant, si le parti écologiste perd autant de terrain que le prétendent les sondages, les questions climatiques auront plus de difficultés que jamais à passer dans la Berne fédérale.
Personne au sein des organisations environnementales ne veut se mouiller et s'exprimer publiquement sur les pronostics des Vert-e-s. On est nerveux et on ne veut surtout pas mettre en danger la campagne de votation pour la loi sur le climat. La date butoir approche: elle est fixée aussi 18 juin. À ce moment-là, le destin des Vert-e-s sera scellé pour les élections de 2023. «Si nous ne parvenons même pas à faire passer cela, la politique climatique sera morte dans ce pays», glisse tristement à Blick une personne très engagée dans la campagne pour le oui.
Au sein du parti, on attend avec impatience le dimanche de votation de cet été. Au moins, on sera fixé. Balthasar Glättli refuse de se laisser gagner par l'abattement et préfère voir le verre à moitié plein. «Un oui clair donnerait un coup de fouet aux Vert-e-s», assure-t-il, confiant.
Des thèmes électoraux défavorables
Mais pour l'instant, les discussions sur d'autres thèmes dominent le débat politique. Des thèmes sur lesquels les Vert-e-s ont bien sûr aussi quelque chose à dire. Ils demandent l'interdiction des résidences secondaires dans les villes où sévit la pénurie de logements, ils s'opposent aux livraisons d'armes pour des raisons pacifistes et à un système bancaire qui récompense les risques et pénalise les contribuables. Pourtant, les Vert-e-s sont toujours perçus dans tout le pays comme un parti mono-thématique.
Mais ils ne s'avouent pas vaincus. «Bien sûr, nous devons appuyer sur le champignon», admet la cheffe du groupe du parti écologique au Parlement Aline Trede. Elle comprend bien les critiques des militants. «Selon moi aussi, tout va trop lentement, soupire-t-elle. Mais c'est précisément pour cette raison que je suis entrée en politique!»
Elle assure que les slogans scandés dans la rue sont tout aussi importants que les petits pas au Parlement. En 2015, la Bernoise a obtenu 35'000 voix, quatre ans plus tard 70'000, rappelle-t-elle. «Nous devons répéter cette mobilisation», assure Aline Trede. Et pour cela, il faudrait que tout le monde se serre les coudes.
Quant au président Balthasar Glättli, il s'en tient à son mantra: «Notre planète brûle, nous devons prendre le tournant écologique maintenant. C'est pourquoi il faut une élection climatique!» Mais les Vert-e-s auront certainement besoin de bien plus qu'un slogan pour l'emporter.