Donald Trump a déjà gagné
Ces entreprises suisses courbent l'échine face à Trump et délocalisent des emplois

Victoire pour le président américain: ll lui a suffi d'agiter la menace des droits de douane pour que nos entreprises investissent des milliards aux Etats-Unis ou y délocalisent leur production, ce qui porte préjudice à la recherche et l'industrie suisses.
Publié: 13.04.2025 à 17:59 heures
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Dernière mise à jour: 13.04.2025 à 19:51 heures
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Plusieurs entreprises suisses annoncent délocaliser leur production, peu après les annonces de droits de douane.
Photo: IMAGO/ABACAPRESS
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Beat Schmid

La déclaration de Novartis vendredi a eu l'effet d'une bombe: le groupe pharmaceutique bâlois a annoncé investir 23 milliards de dollars aux Etats-Unis au cours des cinq prochaines années. En effet, l'entreprise veut augmenter massivement sa production sur place. De plus, le directeur du groupe, Vas Narasimhan, prévoit de construire un laboratoire de recherche à San Diego. Même si ces mesures étaient prévues depuis longtemps, il y a fort à parier que le moment de leur annonce a été calculé pour amadouer le gouvernement américain.

«Ils me lèchent le cul», a déclaré cette semaine Donald Trump à propos des partenaires commerciaux qui tenteraient de conclure un accord avec lui. Roche, concurrent direct de Novartis, a également annoncé qu'il envisageait de nouveaux investissements aux Etats-Unis pour «continuer à répondre aux besoins des patients américains». Contrairement à Novartis, Roche est bien plus ancré aux Etats-Unis, avec son acquisition de l'entreprise de biotechnologie Genentech et ses 25'000 employés.

Pour le site de Bâle, l'offensive américaine est un choc et présage une baisse d'investissements et de production. Interrogée par Blick, l'association «Scienceindustries» a refusé de commenter les conséquences des décisions d'investissement. Néanmoins, elle affirme que les délocalisations de production peuvent avoir «des effets différents» sur la place économique suisse.

Les PME paniquent

Novartis refuse de dire si des emplois suisses sont menacés par sa dernière annonce. «Nous restons déterminés à investir dans des marchés qui valorisent l'innovation pharmaceutique et à mettre en œuvre des directives et des réglementations qui favorisent un accès rapide et large des patients aux médicaments innovants», a déclaré une porte-parole. Des explications peu claires et peu rassurantes pour la Suisse. 

Mais l'industrie pharmaceutique n'est pas la seule à se repositionner dans la guerre commerciale. Des entreprises de l'industrie des machines et des technologies envisagent aussi d'augmenter leurs capacités de production aux Etats-Unis. Par exemple, le groupe technologique ABB veut investir au total 120 millions de dollars dans deux usines au Tennessee et au Mississippi. Ou encore, la petite entreprise technologique biennoise MPS envisage d'étendre sa production aux Etats-Unis.

Et que pense l'association de l'industrie suisse de cette vague de délocalisation? «C'est une tâche essentielle de chaque entreprise que de trouver la réponse adéquate à des conditions-cadres changeantes», a déclaré un porte-parole de Swissmem. Selon l'entreprise, une délocalisation de la production peut être «la bonne étape», mais pas pour toutes les sociétés, notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME). 

La Confédération donne un coup de main

A l'écoute des PME, l'agence de promotion des exportations «Switzerland Global Enterprise» (S-GE) reçoit des appels sans arrêt ces derniers jours. «Oui, nous recevons des demandes d'entreprises qui souhaitent établir ou développer une présence locale aux Etats-Unis. Ces derniers jours, la majorité des questions concernaient des sujets douaniers techniques», explique une porte-parole. Un séminaire en ligne sur le soutient aux entreprises suisses la semaine prochaine affiche déjà complets, avec 1000 participants.

Mais S-GE conseille aussi les entreprises qui souhaitent investir aux Etats-Unis pour y installer leur production. «Grâce à notre réseau, nous établissons des contacts avec des conseillers spécialisés», explique la porte-parole. Mais est-ce bien le rôle d'une organisation mandatée et financée par la Confédération d'aider les PME suisses à délocaliser des emplois de l'autre côté de l'Atlantique? D'autant plus que l'ex-conseillère fédérale Ruth Metzler est à la tête de S-GE. «Notre travail consiste à renforcer la compétitivité des entreprises suisses et à garantir ainsi les emplois dans le pays», répond la porte-parole.

Victorinox toujours suisse

A contrario, Carl Elsener, patron de Victorinox, ne veut pas entendre parler de délocalisation. Le roi du couteau de poche d'Ibach produit exclusivement en Suisse et cela ne changera pas, a-t-il déclaré samedi à Bloomberg. Pourtant, environ 20% du chiffre d'affaires de Victorinox est réalisé aux Etats-Unis, les droits de douane pourraient donc peser lourd sur ses bénéfices. «Nous examinons actuellement dans quelle mesure des adaptations de prix sont possibles sans que cela nous fasse perdre des parts de marché significatives», a déclaré Carl Elsener.

A l'image de Victorinox, un exode des entreprises suisses semble peu probable. En effet, l'association Swissmechanic, qui représente les PME de l'industrie technologique suisse, a mené une enquête auprès de ses membres cette semaine. Il en ressort que 95% des personnes interrogées ne prévoient pas de délocaliser leur production aux Etats-Unis et que seuls 5% l'envisageraient. Sur un total de 1350 entreprises membres, cela correspond à environ 65 entreprises, explique le président de l'association, Nicola Roberto Tettamanti.

Nicola Roberto Tettamanti dirige son entreprise familiale Tecnopinz au Tessin. Il se bat pour la place industrielle suisse: «Notre association propose différents services dans le domaine de l'exportation pour nos entreprises membres, mais pas dans le domaine de la délocalisation de la production, car en tant qu'association suisse, nous nous engageons précisément pour la place industrielle suisse», dit-il. «Nous sommes fiers de la qualité de nos produits et de l'importance du 'Swiss made'.»

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