Deux initiatives déposées
Les couples mariés pourront-ils bientôt payer moins d'impôts?

La pénalisation du mariage en matière d'impôts, bientôt de l'histoire ancienne? C'est ce que souhaitent le Centre et les Femmes PLR. Les deux groupes ont chacun déposé une initiative en ce sens, avec des solutions différentes. Décryptage.
Publié: 19.10.2022 à 13:19 heures
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Dernière mise à jour: 19.10.2022 à 13:39 heures
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Le Centre et le PLR veulent lutter contre la discrimination des couples mariés en matière d'impôts et d'AVS.
Photo: keystone-sda.ch
Daniel Ballmer

Jusqu'à quand les couples mariés seront-ils pénalisés en matière fiscale? C'est la question qui préoccupe deux partis: le Centre et le PLR. Les deux formations bourgeoises sont en concurrence sur ce dossier, puisqu'elles préconisent des solutions différentes. Blick décortique tout cela pour vous.

Commençons par le Centre. Mardi, le parti a lancé pas moins de deux initiatives populaires pour mettre un terme à la pénalisation des couples mariés en matière d’impôts et de rentes. «Personne ne doit être discriminé en raison du modèle de vie qu’il a choisi», a souligné le président du parti, Gerhard Pfister, devant les médias.

Votation annulée en 2019

Cette cause n'est pas nouvelle pour le parti. Alors qu'il s'appelait encore le PDC, en 2016, il avait échoué devant le peuple. Le texte «Pour le couple et la famille - Non à la pénalisation du mariage» avait crevé au poteau avec 49,2% de suffrages positifs. Fait rarissime, la votation avait été annulée en 2019 par le Tribunal fédéral. «Le caractère incomplet et le manque de transparence des informations fournies par le Conseil fédéral violent la liberté de vote des citoyens», avait estimé la Cour.

Voilà donc que le Centre revient à la charge, avec peu ou prou le même argumentaire: comme l’impôt fédéral direct est progressif, les couples mariés casquent davantage que les concubins non mariés. Ils sont aussi désavantagés pour l’AVS: un couple marié ne reçoit qu’une rente et demie, contre deux rentes, logiquement, pour un couple «normal».

Un individu, une déclaration d'impôt

Le parti n'est donc pas le seul dans la brèche, puisque la pénalisation fiscale des couples mariés est aussi dans le viseur des Femmes PLR. Elles ont, elles aussi, déposé une initiative populaire. Leur cheval de bataille? L'imposition individuelle: à l'avenir, chaque individu, marié ou non, devrait remplir sa propre déclaration d'impôt.

De quoi augurer une guerre fiscale à Berne. Avec de nombreuses questions à la clé: qui seraient les gagnants ou les perdants de chaque réforme? Quel modèle de vie l'État doit-il encourager fiscalement?

L'un des paramètres fondamentaux, c'est ce que vont coûter ces éventuelles réformes. Selon la solution du Centre, l’Etat devrait calculer à la fois le montant des impôts du couple marié ensemble et séparément. Les partenaires seraient alors redevables de la somme la plus basse. Mais il y a un hic: pour les autorités fiscales, cela doublerait la charge de travail. Et cela coûterait aussi à la collectivité, puisque ce système coûterait deux milliards de plus par an, selon le Centre lui-même.

Couples mariés désavantagés, vraiment?

Ce que dénoncent certains, c'est que cette réforme ne profiterait qu'à une minorité, la couche la plus aisée de la population. Seuls les couples mariés à revenu élevé — à partir de 15’000 francs par mois — sont, en effet, concernés par la pénalisation du mariage.

Pour les deux tiers des couples mariés qui travaillent, ce système a des avantages: ils paient moins d’impôts fédéraux que les concubins ayant le même revenu, a révélé le think tank libéral Avenir Suisse. Ce dernier va même plus loin en concluant, sans équivoque: «Le système fiscal suisse subventionne les couples mariés.»

L’imposition individuelle, proposée par les Femmes PLR, aurait d’autres effets: elle réduirait la charge fiscale sur le second revenu, ce qui pourrait inciter les partenaires, notamment les femmes, à travailler davantage. L’initiative pourrait même contribuer à remédier à l’actuelle pénurie de main-d’œuvre qualifiée: quelque 50’000 emplois à plein temps pourraient trouver preneur, ou 300’000 à 20%. De plus, elle éviterait de creuser un trou dans les caisses de l'État, comme la solution du Centre.

La solution PLR profite aux riches

D'autres avantages, mais aussi d'autres inconvénients: l’économiste Beat Hintermann, de l’Université de Bâle, met en garde contre le fait qu’une grande partie de la population pourrait se retrouver perdante. Selon la mise en œuvre de l’initiative, certains pourraient même subir une hausse d’impôts de plusieurs pourcents de leur revenu. D’autant plus que l’initiative des Femmes PLR ne prévoit pas de solution pour amortir le choc.

Dans ce scénario, les perdants seraient d’une part les familles à un revenu et d’autre part les couples à faible revenu, s'inquiète Beat Hintermann. En revanche, les revenus élevés et les couples qui gagnent à peu près le même montant en profiteraient de manière disproportionnée. «L’introduction de l’imposition individuelle renforcerait l’inégalité des revenus», résume l'économiste.

Concurrents sur le dossier, les deux partis n'hésitent pas à s'envoyer des piques sur leur solution respective. Ainsi, mardi en conférence de presse, en plus de présenter sa solution, le Centre n'a pas hésité à dénoncer les discriminations engendrées par la proposition des Femmes PLR. La lutte fiscale est officiellement ouverte.

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