Des voyages 4 étoiles aux frais de l'État
Des fonctionnaires de l'Office fédéral des routes suivent un séminaire en ligne... à l'hôtel wellness!

Alors que la Confédération doit faire des économies, des cadres de l'Office fédéral des routes ont tenu des séminaires dans des hôtels 4 étoiles – enfreignant ainsi probablement le règlement.
Publié: 26.01.2025 à 12:22 heures
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Dernière mise à jour: 26.01.2025 à 15:55 heures
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Loèche-les-Bains est connue pour ses sources chaudes.
Photo: Leukerbad Tourismus Sobli
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Fabian Eberhard

L'hôtel Therme 51 à Loèche-les-Bains (VS) veut offrir «tout et même plus». C'est ce qu'on peut lire sur son site web. Douches à jets, sauna en bois d'arolle, bain de vapeur aux herbes alpines: les clients ne doivent manquer de rien. Le 25 août 2024, deux hôtes de Berne se sont enregistrés: la cheffe de la révision interne de l'Office fédéral des routes (OFROU) et son adjointe. Ils avaient réservé trois nuitées avec petit-déjeuner – à titre de frais, comme le montrent des documents internes. Coût: 1190 francs.

Aux frais du contribuable

Le motif de ce séjour aux frais de l'Etat dans un hôtel quatre étoiles était un «séminaire en ligne». Un atelier qui aurait donc pu être organisé sans problème dans les bureaux de l'OFROU à Berne ou même à domicile. Les cheffes de la révision interne, c'est-à-dire le service qui surveille les processus commerciaux et vérifie les notes de frais, ont préféré un hôtel wellness en Valais. Mais ce n'est pas tout. Des recherches supplémentaires montrent qu'une semaine seulement après le séminaire en ligne, les deux femmes ont à nouveau séjourné dans un hôtel wellness, toujours aux frais de la Confédération. Mieux encore: elles ont emmené avec elles trois autres cadres de leur équipe.

275 francs par nuit

Cette fois, la cheffe de l'audit interne a réservé l'hôtel 4 étoiles supérieur Seepark à Thoune (BE), à 35 minutes en train des bureaux de l'OFROU. «Une oasis de calme pour les épicuriens avec vue sur l'Eiger, le Mönch et la Jungfrau», comme le promettait le site Internet de l'établissement.

C'est à l'hôtel que le groupe de cadres a suivi un atelier de deux jours du 5 au 6 septembre. Un séminaire qui a coûté cher: la nuitée avec petit-déjeuner a coûté 275 francs par personne, auxquels s'est ajouté un «Conference Package» pour les salles de séminaire et les déjeuners d'affaires pour un total de 1536 francs. Pour finir, le groupe a fait un tour en bateau et a visité les grottes de Saint-Béat, pour un supplément de 200 francs.

Toutes les dépenses – les documents internes le montrent également – ont été approuvées par le directeur de l'office Jürg Röthlisberger en personne. Détail piquant: les nuits d'hôtel à Thoune contrevenaient au règlement de l'OFROU. Celui-ci prescrit en effet que «pour les voyages de service en Suisse, les dépenses effectives sont remboursées dans le cadre d'un hébergement de classe moyenne pour les nuitées à l'extérieur avec petit-déjeuner». Le montant maximal pour une nuitée à l'extérieur (petit déjeuner compris) s'élève à 250 francs par nuitée».

Pourtant la Confédération doit faire des économies

Ces deux points n'ont donc pas été respectés. Avec ses quatre étoiles et son statut supérieur, l'hôtel Seepark à Thoune est plus qu'un hôtel de classe moyenne. Et la limite supérieure des coûts de 250 francs a été dépassée. Blick le sait: la cheffe de l'audit interne qui a réservé l'hôtel était consciente que le prix de la nuitée était en fait trop élevé.

Les ateliers organisés dans les hôtels bien-être soulèvent de nombreuses questions. En particulier dans un contexte où la Confédération doit se serrer la ceinture. Les finances fédérales sont déséquilibrées, a averti avec insistance la ministre des Finances Karin Keller-Sutter il y a un an. Le Conseil fédéral a alors ficelé un paquet d'économies de plusieurs milliards. L'éducation, la coopération au développement, l'asile – de nombreux domaines doivent se contenter de beaucoup moins d'argent.

Comment donc cela peut-il s'accorder avec les dépenses de l'Office fédéral des routes? D'autant plus qu'à la tête du Département de l'environnement et des transports (DETEC) se trouve, avec Albert Rösti, un conseiller fédéral UDC qui soutient avec conviction la cure d'amaigrissement de la politique financière du gouvernement. Le porte-parole de l'OFROU, Thomas Rohrbach, prend position. Il souligne tout d'abord que l'équipe de l'audit interne a été confrontée en 2024 à des «circonstances personnelles exigeantes». Parallèlement, de nouvelles directives auraient dû être mises en œuvre et l'équipe aurait dû y être formée.

Des «primes spontanées»?

Mais pourquoi les cheffes de l'audit interne ont-elles passé trois nuits dans un hôtel 4 étoiles à Loèche-les-Bains pour un séminaire en ligne? Selon Thomas Rohrbach, il s'agissait de discussions stratégiques et d'une formation en ligne pour «obtenir des certificats selon les normes de la branche». Les deux femmes se seraient préparées aux nouveautés. «Pour pouvoir le faire dans le calme et sans être dérangé, cet atelier a eu lieu en dehors des locaux de l'OFROU.»

Ce retrait «a favorisé et renforcé» la collaboration entre les deux cheffes. Une semaine plus tard, le porte-parole de l'OFROU s'est manifesté avec une nouvelle version: à l'Office fédéral des routes, le directeur a la possibilité d'honorer les engagements extraordinaires de collaborateurs par une «prime spontanée». Au maximum 500 francs par collaborateur et par an. Au lieu de cette prime, les deux femmes auraient été autorisées à séjourner à Loèche-les-Bains.

Des pratiques «pas inhabituelles»

Quelques jours seulement après l'excursion dans les montagnes valaisannes, un séjour de deux jours à l'hôtel au bord du lac de Thoune a suivi. Thomas Rohrbach poursuit: «Ce lieu offre des tarifs avantageux pour l'administration fédérale pour ce genre de formations et de séminaires.» Les «offres attrayantes» ne se distingueraient pas des «établissements de classe moyenne avec infrastructure de séminaire». 

Le porte-parole précise: «Les ateliers, formations et séminaires organisés en dehors des bâtiments administratifs de l'OFROU ne sont pas inhabituels.» Ceci parce que leurs locaux à l'OFROU sont limités, notamment pour les travaux de groupe. «Les salles de réunion sont régulièrement occupées.» Toutefois, l'hôtel au bord du lac de Thoune a été réservé dès le début du mois de juillet, soit presque deux mois avant l'atelier.

«
Il est important que les plafonds de coûts fixés dans les règlements ne soient pas dépassés
Albert Rösti
»

En dernier lieu, Thomas Rohrbach admet que les frais d'hébergement à Thoune ont dépassé les limites fixées par le règlement de l'OFROU. Selon le porte-parole, il faut toutefois considérer l'atelier comme un «paquet» avec un atelier similaire en 2023 – à l'époque aussi, les cadres de l'audit interne s'étaient apparemment retirés dans un hôtel.

Et que dit le chef du DETEC Albert Rösti? Selon sa responsable de la communication Franziska Ingold, il a été informé des séjours à l'hôtel. Pour lui, il est important que les plafonds de coûts fixés dans les règlements ne soient pas dépassés.

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