«C’est indigne d’une ville capitale comme la nôtre!» Les taxis lausannois sont en colère et le font savoir. Dans une lettre ouverte adressée à Pierre-Antoine Hildbrand, municipal de la Sécurité et président de l’association intercommunale des taxis lausannois, et à Grégoire Junod, syndic de Lausanne, ils ne mâchent pas leurs mots, a appris Blick.
Les raisons de leur grogne? Le déplacement de leur place de stationnement. Normalement positionnés bien en vue en face de la sortie de la gare, ils se sont vus éjectés de plus de 200 mètres sur la droite à cause de la modernisation en cours de l’infrastructure.
Résultat: ils passent désormais inaperçus. Et leur chiffre d’affaires, affaibli entre autres par le Covid, en pâtit encore. Giuseppe di Santo ne décolère pas. «La place qu’on nous a attribuée depuis le début des travaux est impossible à remarquer pour la plupart des voyageurs», assène ce chauffeur de taxi, visiblement très remonté.
«C'est l’anarchie comme jamais!»
Il déballe les motifs de son mécontentement au volant de son quatre roues. Ce chauffeur quadrille Lausanne depuis le début de son activité en Suisse, en 1972. Proche de la retraite, l’immigré italien est fatigué. Mais il ne compte pas laisser tomber. «Et en ce moment, c’est l’anarchie comme jamais, fulmine-t-il. Et les autorités s’en fichent complètement…»
Celui qui est aussi l’ancien président de l’association des taxis lausannois est à l’origine du courrier adressé à la municipalité. «Nous attendons parfois plus de 3h dans notre véhicule, sans aucune course», souffle-t-il, dépité.
Lui et ses confrères demandent donc aux autorités d’appuyer sur le champignon. Ils veulent «un changement rapide et efficace» de leur lieu de stationnement. Et ils ne sont pas seuls, souligne Giuseppe di Santo. Leur missive est accompagnée d’une pétition d’une dizaine de pages signée par leurs clients. Bon nombre d’entre eux y racontent avoir effectivement eu de la difficulté à trouver un véhicule en descendant de leur train.
«En nous cherchant logiquement en sortie de gare, notre clientèle se retrouve égarée et sous l’emprise des taxis pirates, appuient les taximen dans leur courrier. Et que font ces derniers? Si la course demandée leur convient, ils chargent le client, et si elle est trop peu rémunératrice, ils envoient leurs clients à la station 'officielle'! C’est inacceptable!»
«De la concurrence déloyale»
«La station n’est pas directement visible, confirme à Blick Aymen Belhadj, secrétaire syndical d’Unia. Je voulais moi-même prendre un taxi là-bas récemment et c’était un peu galère…» Mais ce problème serait exacerbé par un autre, enchaîne au bout du fil le syndicaliste: «Des taxis se plaignent d’un manque d’application de la loi et de contrôle de la part de la police municipale.»
De quoi parle-t-on? Pour schématiser la situation, Uber et taxis de concession B (ndlr: sans usage accru du domaine public) font la roue près du rond-point en face de la gare lausannoise. Et s’y arrêtent volontiers à l’occasion, en toute illégalité. En effet, seules les voitures grises avec licence ont le droit de stationner.
Les taxis montent donc dans les tours. Bloqués plus haut et donc moins accessibles, ils souffrent de la baisse de leur chiffre d’affaires, résume Aymen Belhadj: «Comme ils paient beaucoup de taxes, ils considèrent que c’est de la concurrence déloyale.»
Des courses passent à la trappe
Les travaux de la gare devraient encore s’étaler sur près de huit années. Entre arrêts de chantier et histoires de paperasse, difficile de savoir combien de temps le chantier pharaonique va réellement durer, avertit un technicien de Taxi Services. Des solutions à court terme seraient-elles envisageables? Notre contact de la compagnie lausannoise nous assure que oui.
«Nous avons fait des demandes de signalisation pour indiquer l’endroit où se trouve la station», affirme-t-il. Mais, dans tous les cas, des courses continueront de se perdre: «Ce n’est agréable pour personne de se taper 200 mètres avec des bagages en sortant du train et c’est un problème pour les personnes à mobilité réduite.»
Ils seraient donc en discussion pour trouver une solution: «Mais ce projet est un véritable mastodonte, il y a beaucoup de protagonistes. Pour faire bouger les choses, cela prendra du temps.»
Un temps que les chauffeurs de taxi ne semblent justement plus avoir. Beaucoup seraient en situation de détresse, nous confie-t-on. Contacté par téléphone, Pierre-Antoine Hildbrand renvoie vers la direction du chantier. Cette dernière indique qu’elle est «bien sûr en contact avec les taxis et au courant de leurs doléances», avancent les CFF. La compagnie ferroviaire affirme que la place de stationnement attribuée serait «actuellement l’endroit le plus proche de la gare pour le parcage». Et promet de poursuivre le dialogue.
Selon le syndicat Unia, une séance d’information sur la situation de la branche de transport des personnes dans le canton de Vaud se tiendra la semaine prochaine. Celle-ci réunira les professionnels du domaine. La première étape d’un chemin de croix qui permettra enfin de débloquer les compteurs?