Des techniques dignes de services secrets
Les coronasceptiques espionnent les écoles qui vaccinent

Les coronasceptiques jouent aux détectives privés. À l'abord d'écoles suisses-alémaniques qui organisent des campagnes de vaccination, ils photographient les lieux et les personnes impliquées pour établir des rapports. Certains établissements ont déjà appelé la police.
Publié: 31.10.2021 à 07:39 heures
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Dernière mise à jour: 31.10.2021 à 09:56 heures
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Selon les vaccinosceptiques à l'origine de ce projet, les documents collectés et rapports établis devront servir à un «traitement juridique des actes allégués».
Photo: Keystone
Fabian Eberhard

Le plan de vaccination dans les écoles fait enrager les coronasceptiques. Certains d’entre eux ne se contentent plus d’être spectateurs et ont décidé de passer à l’action pour combattre cette offensive qu’ils jugent «criminelle».

Ces militants anonymes ont appelé leur projet «Pression Vaccinale». Sur le service de messagerie en ligne Telegram, ils écrivent: «Aidez à documenter cette procédure criminelle dans toute la Suisse. Le projet peut prendre beaucoup d’ampleur!».

Les opposants à la vaccination ne cachent pas leur objectif. Pour illustrer leurs réussites, ils citent volontiers leur campagne à Coire début octobre. Dans cette commune des Grisons, la ville voulait vacciner les écoliers dès douze ans. C’était sans compter sur la détermination des vaccinosceptiques: leurs menaces ont poussé les autorités à annuler la campagne au pied levé. La ville craignait pour la sécurité du personnel de vaccination, des élèves et des enseignants. Selon le conseiller Patrik Degiacomi, les responsables ont même reçu des menaces de mort.

Avec le projet «Pression Vaccinale», les coronasceptiques veulent principalement contrôler et surveiller les campagnes de vaccination dans les écoles. «Nous considérons que la coopération dans le cadre de telles campagnes de vaccination est illégale et nous les documenterons en conséquence», expliquent-ils sur Telegram. La documentation servirait ensuite nécessaire à une «enquête juridique sur les actes».

Les coronasceptiques jouent aux détectives privés

Le SonntagsBlick a pu se procurer un de ces rapports. Il a été établi lors de la campagne de vaccination du 17 septembre 2021 au lycée de Berthoud (BE) et fait penser au protocole de surveillance d’un service secret.

Sur dix pages, les sceptiques décrivent en détail qui a fait quoi, où et quand. «Peu avant 9 heures: l’équipe de vaccination arrive dans une voiture Skoda grise. Il s’agit d’une voiture de location de la société X.* Une boîte réfrigérée est vraisemblablement déchargée de la voiture, contenant vraisemblablement le vaccin.» On peut lire encore plus loin: «D’après le panneau derrière le pare-brise, on soupçonne que la prétendue équipe de vaccination est composée d’employés de l’hôpital Y.*».

Pour illustrer et compléter leur rapport, les coronasceptiques ont photographié toutes les actions des personnes impliquées, ont recherché leurs noms et ont également pris des clichés de l’intérieur des voitures. Ils ont également essayé de pénétrer dans le bâtiment de l’école.

Après avoir repéré ces agissements, les responsables du lycée de Burgdorf ont informé la police. La directrice adjointe Sylvia Klöti précise toutefois ceci: «Nous ne nous sommes pas sentis menacés par les vaccinosceptiques. D’autre part, il est de notre devoir d’assurer le bon fonctionnement de l’école».

Tactiques d’intimidation juridique

On ne sait pas exactement qui se cache derrière le projet «Pression Vaccinale». Certains indices semblent mener au groupe «Familien Taskforce», une association qui lutte également contre les masques obligatoires dans les écoles. Dans un canal Telegram du groupe, les opposants aux mesures partagent des théories du complot et attisent l’animosité à l’encontre de la vaccination contre le Covid-19.

Les militants anti-vaccination ne sont probablement pas passibles de poursuites pour leurs actions de surveillance. Et pourtant, la question de leurs motivations demeure, et on ne sait pas encore si leurs rapports serviront de moyens d’intimidation juridique.

Contactée par mail, l’association «Familien Taskforce» se justifie: «Nous avons moins de choses à cacher que la liste complète des ingrédients d’un vaccin». Cela leur a donné pour letimotiv l’injonction suivante: «Ne touchez pas à nos enfants».

Malgré ces investigations, la vaccination dans les écoles suit son cours dans de nombreux cantons alémaniques. Dans le canton d’Argovie, par exemple, plus de 2500 élèves ont été vaccinés jusqu’à présent, à Zurich 4200, la plupart avec l’aide d’équipes de vaccination mobiles. En Suisse romande, le canton de Genève est pour l’instant le seul à proposer la vaccination dans les écoles.

Déploiement d’un personnel de sécurité

Bien qu’aucun accident n’ait encore eu lieu, certains cantons ont tout de même décidé de faire appel à du personnel de sécurité autour des écoles. «Jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’incidents graves», informe Michel Hassler, porte-parole du département de la santé d’Argovie. Il n’y a eu que de «petites apparitions de manifestants».

Dans toute la Suisse, près de 40% des jeunes âgés de 10 à 19 ans sont désormais complètement vaccinés. Ce taux devrait continuer à augmenter. Mardi, une autre campagne de vaccination aura lieu au lycée de Burgdorf. Les coronasceptiques à l’origine de «Pression Vaccinale» ont annoncé qu’ils renouvelleraient leur mobilisation.

* Nom connu de la rédaction

Adaptation: Louise Maksimovic

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