Si l'on fait abstraction pour un instant de la débâcle de Credit Suisse, les banques helvétiques continuent de jouir d'une bonne réputation. La plupart des établissements financiers réalisent des bénéfices élevés, les clients sont satisfaits et ne changent que rarement de banque.
Mais le succès rend paresseux. Il est un domaine dans lequel les banques suisses semblent s'être vraiment laissées aller ces dernières années: la numérisation. «En ce qui concerne la numérisation, il apparaît que de nombreuses banques suisses ne se rendent pas compte qu'elles perdent de plus en plus le contact avec la concurrence», déclare Cyrill Kiefer, Banking Leader auprès de la société d'audit et de conseil Deloitte.
Dans sa cinquième étude sur la numérisation dans la banque de détail, Deloitte a comparé plus de 300 banques de 41 pays. La banque de détail comprend les activités standardisées avec les clients privés, comme l'épargne, le paiement des factures ou la construction d'un logement.
Avec ses dix banques étudiées, la Suisse arrive tout juste à la 21e place. Un milieu de tableau médiocre. Pourtant, il y a quelques années, la situation de départ était tout à fait bonne: lors de la première comparaison de Deloitte en 2016, la Suisse se trouvait encore à la 5e place.
Deux à trois semaines pour ouvrir un compte
Pour l'étude, des clients test ont ouvert des comptes réels auprès des banques et ont examiné sous toutes les coutures la fonctionnalité numérique du site web, de l'e-banking et de l'application pour smartphone.
«Dans les banques suisses, l'ouverture d'un nouveau compte peut facilement prendre deux, voire trois semaines. Dans les banques numériques de pointe, c'est déjà fait le lendemain», explique Cyrill Kiefer.
Seules deux banques suisses sur cinq permettent de commander une carte de crédit par voie numérique. Chez les leaders internationaux, la proportion est presque deux fois plus élevée. A l'étranger, les entreprises peuvent même être enregistrées numériquement.
Des structures dignes des années 1990
«Dans des pays comme les Etats-Unis, la concurrence entre les banques de détail est beaucoup plus rude», explique l'expert bancaire. Les banques se font concurrence au niveau des frais – au final, il reste beaucoup moins par client de détail qu'en Suisse. Pour que le compte soit bon malgré tout, les banques doivent faire preuve d'innovation. Entre autres, en reliant et en simplifiant les offres.
«En Suisse, les structures font souvent défaut pour cela. Les banques sont encore organisées comme dans les années 1990. La pensée en silo dans les différents domaines les rend lentes», explique Cyrill Kiefer.
Jusqu'à présent, cela reste sans grandes conséquences pour les banques suisses. «Mais à l'heure actuelle, tout peut aller très vite. Il suffit qu'un nouveau service apparaisse, pour lequel les grands groupes technologiques sont plus rapides, pour que les banques se retrouvent dans une situation difficile», explique le Deloitte.