Des «prix fantaisistes»
Les automobilistes se font escroquer lorsqu'ils font le plein

A point pour l'été, les prix de l'essence et du diesel sont particulièrement élevés. Qui en profite? Les exploitants de stations-service. Deux entrepreneurs révèlent ce qu'ils savent de ces bénéfices, et expliquent comment les propriétaires de voitures se font arnaquer.
Publié: 20.07.2021 à 10:28 heures
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Dernière mise à jour: 02.06.2022 à 15:38 heures
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Markus Gasser: entrepreneur de stations-service de la quatrième génération. Il nous dévoile tout.
Photo: STEFAN BOHRER
Marc Iseli

En été, la Suisse bouge: les embouteillages s'étendent régulièrement sur un kilomètre de long. Les coffres sont pleins jusqu'au toit, et les réservoirs vides après quelques centaines de kilomètres.

Dans un break normal – une Skoda Octavia, par exemple –, on met généralement 50 litres. Le diesel coûte actuellement en moyenne 1,80 franc. On compte donc 90 francs pour un plein, et dans les grandes stations-service, près de 95 francs, puisque le litre vous coûtera près de 1,90 franc.

Mais les voyageurs peuvent s'en tirer à moindre coût chez Markus Gasser. A Lucerne, ll dirige certainement la station-service la moins chère du pays. Sur son chantier de recyclage à Dagmersellen, on distingue une colonne avec cinq pompes à essence, recouverte par un petit toit en aluminium. Mais sous ce dernier, pas d'essence: Markus Gasser ne vend que du diesel. Un litre coûte 1,60 franc, un prix inférieur de près de 30 centimes à celui qui est par exemple pratiqué à la grande station-service autoroutière de Mövenpick, située à 50 kilomètres de là.

Des «prix fantaisistes» pour le diesel

Mais Markus Gasser précise qu'il gagne bien sa vie. Il achète un litre de diesel pour un peu plus de 1,40 franc. Sa dernière livraison, de 33'000 litres, a disparu en quelques jours. Il qualifie les prix pratiqués par les grands exploitants de stations-service de «prix fantaisistes».

Ce n'est pas le seul entrepreneur gêné par le manque de scrupule de certains exploitants de stations-service, qui s'en mettent plein les poches sans vergogne alors que les marges ont explosé ces derniers mois.

«Les marges sont effectivement très élevées», confirme l'entrepreneur Daniel Schöni, à la tête de l'entreprise familiale du même nom à Rothrist (AG). Cette dernière est un acteur important dans le domaine des transports: elle emploie des centaines de personnes, est active dans le monde entier et la plupart de ses camions fonctionnent encore au diesel. Le moût, l'entrepreneur l'achète lui-même. Certains prix n'atteignent «même pas 1,40 franc par litre», explique-t-il.

Les chiffres de Markus Gasser et Daniel Schöni le montrent: avec un prix moyen de 1,80 franc, l'exploitant d'une station-service perçoit près de 40 centimes par litre. Avec un prix de 1,90 franc – ce qui est assez courant dans les grandes stations-service autoroutières, en particulier sur l'arc lémanique –, on peut même atteindre près de 50 centimes par litre.

Prix «incroyablement élevés»

Or, avec les départs à l'étranger, c'est bien clair: les grands exploitants de stations-service font un tabac avec l'or noir en été. La marge brute du plein d'un break – reprenons la Skoda Octavia – représente plus de 20 francs. «C'est incroyablement élevé» pour Markus Gasser.

Mais les exploitants voient bien sûr les choses différemment. La coopérative Avia, leader du secteur avec près de 600 stations-service en Suisse, affirme que les prix sont fixés «individuellement à la pompe en fonction des prix d'approvisionnement spécifiques et des conditions du marché régional».

Agrola, filiale de Fenaco et numéro deux des stations-service dans le pays, affirme n'avoir aucune influence sur les prix. Les prix finaux sont fixés par la succursale locale de Landi. La branche des huiles minérales du groupe Coop fait référence aux prix d'approvisionnement et aux prix du pétrole brut «généralement en hausse». Quant aux responsables de Migrol, ils ont laissé nos questions sans réponse.

Briseur de prix Gasser

L'association de l'industrie pétrolière a, quant à elle, commenté en détail. Le président d'Avenergy, Daniel Hofer, a longtemps dirigé Migrol. Il affirme qu'il s'agirait du «résultat d'un marché qui fonctionne et dans lequel les prix sont contrôlés par l'offre et la demande». Chaque station-service fonctionnerait «dans un environnement de marché local», ajoute-t-il. Celui-ci est «essentiellement déterminé par les flux de trafic, les prix de l'immobilier et la concurrence existante».

Vraiment? La station-service Coop, à la sortie de l'autoroute de Dagmersellen, se situe à quelques centaines de mètres seulement de la station-service de Markus Gasser. Elle demande 1,80 franc pour un litre de diesel – ce qui se situe dans la moyenne nationale. Dans les trois stations-service Avia du village voisin de Reiden (LU), le tableau est identique. Les grands exploitants facturent systématiquement 20 centimes de plus au litre que Markus Gasser. Faisons donc le calcul: pour une Skoda Octavia, cela représente 10 francs sur chaque plein.

(Adaptation par Lauriane Pipoz)

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