«Les CFF sont une organisation rigide, davantage dans le diktat que dans le dialogue!», s’étrangle au bout du fil François Baertschi, député du Mouvement citoyens genevois (MCG) au Grand Conseil du bout du Léman. En cause: le retard des travaux à la gare de Genève, révélé par Blick ce mardi 28 novembre et confirmé par un communiqué signé par l’ancienne régie fédérale et ses partenaires étatiques (Office fédéral des transports, Ville et Canton) deux heures plus tard.
En effet, les transformations de la gare Cornavin, qui devraient débuter après une mise à l’enquête prévue pour fin 2027, devaient initialement durer jusqu’en 2035. La nouvelle mouture du projet «amélioré» et plus «capacitaire» s’étalera en réalité au moins jusqu’en 2038 (voire 2040, d’après nos sources).
Concrètement, la nouvelle gare disposera de deux passages inférieurs supplémentaires pour les voyageurs ainsi qu’un tunnel ferroviaire à double voie en direction de l’aéroport, «ce qui accroîtra considérablement sa capacité par rapport au projet initial». Une modernisation de la plateforme ferroviaire en surface fera l’objet d’un projet séparé ultérieurement.
Pour un total de 1,9 milliard de francs (c’est 300 millions de francs de plus que précédemment annoncé), la «durée des travaux de la gare souterraine est estimée à 9 ans environ». À la suite de cette annonce, Blick a donné la parole aux politiques du bout du Léman. De la gauche à la droite, les députés qui siègent à la Commission des transports ne cachent pas leur indignation.
«Un frein à la mobilité douce»
Dans le communiqué publié ce mardi, les CFF écrivent notamment que «la gare de Genève est la troisième gare de Suisse en termes d’affluence. À ce titre, elle joue un rôle central dans les voyages au niveau local, en Suisse et vers l’étranger.»
François Baertschi n’est pas convaincu par l’importance que disent accorder les CFF à l’infrastructure. Il ne mâche pas ses mots: «Genève est très déçue par l’annonce du retard des travaux. Nous constatons, encore une fois, que les cantons romands sont des cantons de seconde zone pour les CFF. Et je pense que les intérêts de Genève au niveau de la mobilité n’ont pas été assez bien défendus, à Berne, lors de la précédente législature.»
Le président du MCG mitraille: «Le fait qu’on apprenne ce retard des travaux par la bande, avant la parution du communiqué, montre qu’il y a clairement un manque de dialogue entre les CFF et les autorités cantonales. Et, à mon avis, les CFF ont trop de pouvoir.»
La socialiste Jennifer Conti, elle aussi membre de la Commission des transports, se fend d’un commentaire moins véhément, mais guère plus optimiste: «Le retard des CFF est en effet regrettable, car il représente un frein considérable au développement de la mobilité douce dans notre canton, tel que souhaité par la population genevoise.»
Réfléchir à plus long terme
Également contacté, le député du parti à la rose Matthieu Jotterand connaît bien le sujet: ce mécanicien de locomotive de profession travaille pour les CFF. Ce qui ne l’empêche pas de livrer une analyse sans langue de bois.
Pour lui, la problématique de la modernisation du réseau ferroviaire dépasse la Suisse romande: «C’est un problème au niveau de tout le pays: les projets de travaux des CFF prennent du temps à être mis en place, et lorsqu’ils sont enfin concrétisés, ils sont déjà presque dépassés. Car la Confédération et l’Office fédéral des transports (OFT) réfléchissent à moyen terme, sur une échelle d’une quinzaine d’années. Alors que nous devrions plutôt réfléchir à long terme, à l’échelle des cent prochaines années, soit la durée d’utilisation de ces infrastructures, par exemple…»
L’homme de gauche embraie: «Il y a aussi le problème du morcellement des travaux. On les fait bout par bout, gare par gare, mais on manque de vision d’ensemble. La nouvelle ligne Lausanne-Genève devrait être construite d’un coup, comme l’a été la ligne Berne-Olten, d’une longueur similaire, dans le cadre de Rail 2000. C’est moins cher à terme, cela impacte moins l’exploitation, et cela répondrait plus rapidement au besoin très urgent de désaturer cet axe.»
Genève versus Zurich
Matthieu Jotterand déplore encore le manque de marge de manœuvre des Cantons: «Même si Genève était prête à avancer des montants pour accélérer les travaux, la Confédération l’interdit, désormais. Nous sommes donc dans une impasse, alors que le S-Bahn de Zurich n’aurait, par exemple, jamais pu être développé aussi bien sans ce mécanisme. Il s’agit là d’une question de cohésion nationale.»
Également joint, le député du Parti libéral-radical (PLR) Murat Alder abonde dans le sens de son collègue socialiste: «La gare souterraine de Zurich a été inaugurée en 2014 (ndlr: les travaux avaient débuté en 2007). À l’époque, Doris Leuthard avait déclaré que ce qui est bon pour Zurich est bon pour le pays entier. Cela est tout aussi valable pour Genève. Je ne peux donc que déplorer qu’une génération entière doive attendre la gare souterraine de Cornavin!»