Pour le patron d'Axpo, Christoph Brand, l'année 2022 est à oublier. Certes, son entreprise a réalisé un bénéfice de près de 600 millions de francs à la clôture fin septembre. Mais ce qui restera dans les mémoires, c'est que le plus grand groupe électrique du pays a dû appeler la Confédération à l'aide en raison d'un manque de liquidités. La raison? Axpo a dû déposer des garanties supplémentaires pour le négoce d'électricité à la bourse après que les prix de l'énergie ont atteint des sommets insoupçonnés.
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Jusqu'à présent, Axpo n'a pas eu besoin de recourir à la ligne de crédit demandée en urgence, qui peut atteindre quatre milliards de francs. En raison de cette requête, le géant de l'énergie a toutefois perdu la confiance de ses actionnaires notamment. Les propriétaires, les cantons de Zurich, Argovie, Zoug, Schaffhouse et Glaris ont décidé cette semaine de faire contrôler la gestion d'Axpo par un organisme externe indépendant. Une décision de défiance flagrante envers la direction du groupe.
Les activités de trading du groupe, en Suisse comme à l'étranger, étaient aux centres des réflexions menées pour cette décision. La question centrale était la suivante: les activités de négoce d'Axpo, qui se sont fortement développées ces dernières années, servent-elles encore réellement la sécurité d'approvisionnement en Suisse? L'aide de l'Etat a-t-elle été nécessaire parce que le groupe énergétique joue désormais comme une banque d'investissement?
Au niveau de Wall Street
Un audit a été réalisé et les résultats devraient être disponibles au printemps 2023. Il est déjà certain, en ce qui concerne leur rémunération, que les traders d'Axpo n'ont pas à rougir face à leurs collègues de Wall Street. Selon les propos d'anciens cadres auprès de Blick, les traders de haut niveau peuvent gagner plusieurs millions de francs, et donc plus que le CEO Christoph Brand lui-même, qui a touché un salaire d'un peu plus d'un million de francs au cours du dernier exercice.
Interrogé par Blick, Axpo ne conteste pas ces informations. Le service de presse souligne toutefois que la rémunération des traders est «liée aux résultats». «Cela implique aussi que les pertes se répercutent, via un système de malus», explique une porte-parole. L'entreprise précise en outre que la direction et le CEO ne reçoivent actuellement aucune composante salariale variable.
Axpo ne veut pas s'exprimer sur d'autres détails des contrats de travail et des salaires versés à certains collaborateurs «pour des raisons de droit et de protection de la personnalité». «De telles informations sont confidentielles», précise le service de presse. L'entreprise ne répond donc pas non plus à la question de savoir combien de traders dans ses rangs peuvent gagner plus d'un million de francs par an et si leurs rémunérations totales sont plafonnées.
Bonus de 40 millions
Le portail financier «Inside Paradeplatz» a écrit mi-septembre que, selon des initiés, 15 traders d'Axpo gagneraient plus d'un million de francs. Dernièrement, le média a renchéri en annonçant que «les meilleurs traders du géant helvétique de l'électricité» avaient même droit à des bonus individuels de 30 à 40 millions de francs.
L'entreprise ne prononce pas sur le nombre de traders mais dément toutefois que des rémunérations de 30 à 40 millions de francs soient possibles pour certains employés. «Il est faux d'affirmer qu'il existe des rémunérations liées aux résultats de l'ordre de plusieurs dizaines de millions», déclare une porte-parole.
Logiquement, cette formulation signifie aussi que des rémunérations allant jusqu'à 9,9 millions de francs ne sont pas exclues.
Impensable dans la plupart des entreprises
Le fait que, chez Axpo, certains employés gagnent parfois plus que les membres de la direction du groupe est exceptionnel et impensable dans la plupart des autres entreprises. Un ancien cadre explique cette particularité à Blick par le fait que le groupe est, d'une part, une entreprise publique qui appartient en grande majorité aux cantons, mais qu'elle est d'autre part en concurrence avec des groupes privés comme Glencore et consorts dans la lutte des négociants en énergie et en matières premières. «Par conséquent, Axpo doit aussi payer des salaires comparables. Car ces gens ne viennent pas travailler pour une bouchée de pain», précise l'entreprise.
Faut-il alors classer Axpo dans la même ligue que Glencore? Le service de presse ne considère pas ce point comme un compliment et se défend de cette comparaison. «Nous nous orientons sur les entreprises du secteur de l'électricité», souligne une porte-parole.
Un coup d'œil sur le réseau professionnel LinkedIn montre que certains collaborateurs du Département trading d'Axpo ont effectivement travaillé auparavant chez Alpiq ou FMB. Mais leurs anciens employeurs s'appellent aussi souvent BP, Mercuria, Trafigura, Vitol, ou Glencore. S'y ajoutent des institutions financières mondiales comme J. P. Morgan, UBS ou Zurich Assurance.
La diversité des lieux de travail est impressionnante: seule une partie des employés d'Axpo travaille depuis la paisible ville de Baden (AG). D'autres sont répartis dans toute l'Europe continentale, mais aussi à Londres, New York et Singapour.