Des ghettos de riches
«La classe moyenne ne peut presque plus se permettre de vivre en ville»

La pénurie de logements dans les villes rend la recherche de logements abordables de plus en plus difficile. La classe moyenne en ressent désormais les effets, et est petit à petit poussée vers les périphéries. Un phénomène risqué en terme économique.
Publié: 11.03.2023 à 12:29 heures
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Dernière mise à jour: 11.03.2023 à 12:33 heures
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Dans la ville de Zurich, il y a beaucoup trop de demandes pour trop peu d'appartements.
Photo: Keystone
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Christian Kolbe

De tout temps, les gens ont été attirés par les villes. «Leur air rend libre», disait-on au Moyen Âge. Elles ne promettaient pas seulement la liberté, mais aussi la possibilité de travailler, de s'élever socialement et de prospérer économiquement. Aujourd'hui, la force d'attraction des centres est toujours aussi forte, déclare l'expert immobilier Donato Scognamiglio à Blick.

Le revers de médaille? Les prix coûteux et le manque de logements disponibles au centre-ville. Les loyers sont élevés et ils continuent d'augmenter. «La classe moyenne ne peut presque plus se permettre de vivre en ville», explique Nicola Hilti, chercheuse à la Haute école spécialisée de Suisse orientale à Saint-Gall. «C'est particulièrement le cas à Zurich, Zoug, Genève et Bâle.»

Les loyers élevés découragent les nouveaux arrivants

Rien d'étonnant à cela, puisque le taux de logements vacants est de 0,1% à Zurich, de 0,33% à Zoug et de 0,5% à Genève. Seule Bâle connaît une situation un peu plus détendue, avec 1,6%. Résultat: la classe moyenne en pâtit.

Le revenu médian en Suisse est de 80'000 francs. Dans un ménage, le loyer ne devrait pas représenter plus d'un tiers du budget, soit environ 2200 francs pour une personne seule. Les appartements bon marché sont extrêmement rares. Si deux personnes s'installent ensemble, le budget du ménage augmente, et avec lui les chances d'obtenir un logement. «Il est tout à fait possible de dépenser 3500 francs pour un appartement», explique Donato Scognamiglio.

Mais lorsque les enfants arrivent, le besoin d'espace augmente, tandis que le budget diminue en raison de la réduction du temps de travail ou des frais de crèche. C'est alors que de nombreuses familles de la classe moyenne se retrouvent à sec.

L'Union des villes suisses s'inquiète

Certaines doivent se tourner vers la campagne, notamment lorsque leur logement bon marché est entièrement rénové ou démoli au profit d'une nouvelle construction. «Beaucoup doivent partir», affirme Nicola Hilti, qui s'est entretenue avec de nombreuses personnes concernées pour une étude. «Soit dans un autre quartier, soit complètement en dehors de la ville.»

Cette crise dans les centres urbains préoccupe également l'Union des villes suisses. «L'espace pour des logements est trop restreint dans la plupart des 130 villes qui nous sont affiliées», explique sa vice-directrice Monika Litscher. «Les villes ont besoin de bonnes conditions cadres pour la construction de logements, le développement urbain et la mobilité.» Sinon, elles risquent de se désertifier. «Pour une bonne mixité, il faut des personnes de tous revenus. Ainsi que des célibataires, des personnes âgées et des familles», poursuit-elle.

La classe moyenne doit être aussi large que possible, sinon les villes auront un problème, assure la sociologue spécialiste de l'urbanisme Barbara Emmenegger: «Si un groupe de citadins ou de citadines disparaît, cela ne fait pas de bien à la ville. Nos cités vivent de la diversité et de l'interaction.» Cela a également des conséquences pour le commerce local: «Si la classe moyenne fait défaut, une partie de l'économie s'effondre. Les magasins et les restaurants destinés à ce public disparaissent», craint-elle.

Se rapprocher pourrait aider

Si les ouvriers et les employés ne peuvent plus se permettre d'habiter en ville et partent à la campagne, le trafic routier risque d'exploser, explique Barbara Emmenegger.

Le danger de cette crise du logement est connu, mais il n'existe malheureusement pas de solution immédiate. Il faudrait avant tout inverser la tendance à l'augmentation de la surface habitable par personne. «Aujourd'hui, beaucoup de gens vivent seuls, chacun a besoin d'une salle de bains et d'une cuisine. Cela prend beaucoup de surface», explique Donato Scognamiglio.

«C'est pourquoi il faut, en particulier dans les villes, des alternatives et des espaces de tailles différentes, afin que les gens déménagent à nouveau dans des appartements plus petits», ajoute Monika Litscher. En effet, les personnes âgées restent souvent dans des logis plus grands parce qu'il n'existe pas de petits logements abordables.


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