Photo: Siggi Bucher

Des escarpins aux bottes en caoutchouc
Deux jours dans la tempête avec Simonetta Sommaruga

Le Blick est passé en mode urgence avec Simonetta Sommaruga. Pendant deux jours d'angoisse, nous l'avons suivie sur le terrain. Reportage.
Publié: 18.07.2021 à 12:51 heures
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Dernière mise à jour: 18.07.2021 à 13:39 heures
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Carlo Scapozza, professionnel de l'eau, décrit la situation à la conseillère fédérale Sommaruga.
Photo: Siggi Bucher
Tobias Marti, Lauriane Pipoz (adaptation)

Peu avant l'arrivée de la cheffe, quelqu'un a collé une photo sur la porte de l'équipe de gestion de crise, avec l'inscription «Bienvenue, conseillère fédérale Sommaruga». L'image montre l'Aar, brune et sale, qui écume ses eaux boueuses par-dessus le barrage du quartier bernois de la Matte. Certes, on trouve des photos plus pittoresques de la rivière. Mais ces jours-ci, l'esthétique passe au second plan.

Le pays est en état d'urgence. En ce jeudi, la situation est particulièrement tendue. Personne ne sait comment la semaine va se terminer. Les météorologues évoquent de nouvelles précipitations. Le niveau des rivières et des lacs augmente rapidement, tandis que Zurich est encore traumatisée par sa sombre nuit de tempête.

Un rapport avec des experts

Simonetta Sommaruga fait son entrée dans la grande salle. Pour le rapport de situation auquel elle participe, les experts de son Office fédéral de l'environnement (OFEV) collaborent avec leurs collègues des cantons, grâce auxquels ils peuvent émettre des avertissements et des prévisions pour tout le pays. L'atmosphère est étouffante, des écrans et des cartes des dangers tapissent les murs.

La ministre de l'environnement, chaussée d'escarpins noires, prend place. Des spécialistes externes sont connectés, on embraye rapidement sur le rapport: un coup d'œil sur la situation à l'étranger, catastrophique en Allemagne de l'Ouest. On dénombre beaucoup de morts et de disparus, l'armée allemande a mis en place son dispositif le plus conséquent.

La plupart des cours d'eau sont stables

Ensuite, on aborde le bilan de la situation en Suisse: le barrage de la Reuss tient, mais la navigation a été suspendue dans tout le pays puisque le Rhin est fermé. L'approvisionnement pourrait devenir problématique. A Zurich, le nettoyage devra probablement se poursuivre jusqu'en automne, tandis qu'à Lucerne, les touristes malheureux s'enfuient. Sommaruga lève un sourcil.

«Sur le plan hydrologique, peu de surprises», tranche Carlo Scapozza, chef de la division d'hydrologie. Ce qui devrait vouloir dire qu'actuellement, il pleut moins, que la plupart des eaux sont stables et que les événements sont conformes aux prévisions.

Des glissements de terrain sont toujours possibles, mais ne sont probablement à attendre que dans des cas isolés. Aucune question ou demande supplémentaire des autres spécialistes. La conseillère fédérale prend la parole: «Un rapport court, c'est bon signe», encourage-t-elle. L'équipe laisse échapper un soupir de soulagement: la situation pourrait en effet être pire.

Une visite de l'Aar

Les prévisions sont un exercice de funambule. Il faut certes avertir, «mais de manière objective et avec la prudence nécessaire», précise Simonetta Sommaruga. Elle a connu des situations comparables lorsqu'elle était responsable des pompiers de la commune bernoise de Köniz: «Je peux ressentir la responsabilité qui pèse sur ces personnes, on doit vraiment pouvoir compter sur elles», dit-elle en distribuant du chocolat.

Quelques heures plus tard, près du barrage de la Matte, à Berne. Sommaruga a troqué ses escarpins pour des baskets noires. L'Aar ressemble à la photo de l'équipe de crise, sinistre, et une odeur de terre s'en échappe. Les masses d'eau explosent, les appareils des pompiers hurlent, mais le niveau d'eau semble encore pouvoir être maintenu.

Alec von Graffenried est déjà sur place. La presse et la télévision locales sont présentes aux côtés du maire bernois: les tempêtes sont un événement médiatique. Le président Guy Parmelin et son entourage se trouvent à Lucerne en ce moment. En Allemagne, la tempête pourrait une fois de plus déterminer qui sera le prochain chancelier: les Allemands appellent ce principe une campagne électorale en bottes de caoutchouc.

Les inondations de 1999 et 2005 sont gravées dans les mémoires

La Suisse a les yeux rivés sur le quartier de la Matte depuis les inondations de 1999 et 2005, lorsque les pompiers bernois ont dû y «voguer» comme des gondoliers vénitiens.

La conseillère fédérale fait un pas vers la rive de l'Aar. «Je suis sur votre chemin?» demande un spectateur en souriant - mais sans bouger d'un pouce. «Non, non», répond gentiment Sommaruga avant de demander aux pompiers et aux policiers qui se trouvent autour d'elle comment ils vivent la situation.

«Elle me fait bonne impression, elle est très proche des gens», commentent les Bernois Roger Friedelance et Heinz Michel, qui continuent d'observer la conseillère fédérale de loin.

Les habitants du quartier restent calmes

«Nous avons tiré des leçons des inondations précédentes», explique Simonetta Sommaruga. La population peut voir la différence par elle-même.

Rosmarie Bernasconi, une personnalité du quartier de la Matte, se trouve aussi dans l'assemblée et tente de réconforter la conseillère fédérale avec un peu d'humour: «Tant que je ne dois pas aller au front avec des palmes, tout est «easy», rigole-t-elle.

Les «Mätteler» sont une race à part: ils ne se laissent jamais abattre. Mais Sommaruga se souvient que des habitants avaient dû être évacués par hélicoptère en 2005. Elle en connaissait certains.

Un système d'urgence sophistiqué

Vendredi, les mauvaises nouvelles arrivent en masse depuis l'Allemagne. En Suisse, la situation est globalement déjà plus détendue. Sommaruga se trouve sur le canal de Hagneck, le lien entre l'Aar et le lac de Bienne. Cette fois, elle a troqué ses baskets pour des bottes en caoutchouc gris métallisé.

Pour éviter que le système de correction des eaux du Jura ne soit surchargé, certains endroits peuvent être inondés de manière contrôlée en cas d'urgence. L'eau s'écoule ainsi dans les marécages et les champs - un système sophistiqué dont les zones dévastées d'Allemagne ne disposaient pas. Là-bas, les inondations ont donné une nouvelle impulsion au débat sur le changement climatique, tandis qu'en Suisse, le non à la loi sur le CO2 il y a un mois est considéré comme l'une des plus cuisantes défaites de Sommaruga.

Mais ce n'est pas le moment de discuter politique, tranche la ministre de l'environnement. «C'est le moment de protéger la population et d'éviter de nouveaux dégâts dans la mesure du possible.» Le climat est plus qu'un événement météorologique extrême et la science indique depuis un certain temps déjà que les catastrophes pourraient devenir plus fréquentes à cause du changement climatique, rappelle malgré tout la conseillère fédérale.

La coopération est importante

Pendant ce temps, au canal de Hagneck, des géographes et des gestionnaires d'urgence expliquent leurs techniques. Simonetta Sommaruga les écoute avec intérêt et patience. C'est quelque chose de fondamental, dira-t-elle plus tard: «Les gens se connaissent, ils se font confiance, se parlent. Beaucoup de gens travaillent sur une base de milice.»

Elle observe le canal, les arbres emportés par les crues tonitruantes. La semaine dernière, la ministre de l'environnement était en Afrique de l'Ouest, qui fait face à une sécheresse extrême. «On a souvent l'impression que ces problèmes sont lointains, commente-t-elle, mais quand cela se passe dans notre pays, cela nous touche au plus profond de nous-mêmes.»

Quelques rayons de soleil se frayent un chemin à travers les nuages sombres du Seeland. La conseillère fédérale lève le regard: «Une certaine confiance vient de naître ici.» Mais elle a également constaté que des nuages très noirs s'amoncelaient plus loin.

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