Objectifs climatiques
L'Union européenne dévoile son plan pour une économie sans carbone

Fin des voitures à essence, taxe kérosène dans l'aérien, taxation des importations, réforme du marché du carbone... Bruxelles a dévoilé mercredi son projet de «big bang» législatif pour atteindre les objectifs climatiques de l'UE.
Publié: 14.07.2021 à 17:23 heures
|
Dernière mise à jour: 15.07.2021 à 07:44 heures
Bruxelles défend notamment l'arrêt de la commercialisation des voitures à essence à partir de 2035 (archives).
Photo: GAETAN BALLY

La Commission européenne a présenté douze textes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du continent de 55% à l'horizon 2030 par rapport à 1990, mesures qui feront l'objet pendant au moins un an d'âpres discussions entre eurodéputés et Etats membres.

«L'Europe est le tout premier continent à présenter une architecture verte complète: nous avons l'objectif, et désormais la feuille de route pour l'atteindre», a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, lors d'une conférence de presse.

Fin des voitures à essence et taxe du kérosène

Si les conséquences sociales de certaines propositions inquiètent après le mouvement des «gilets jaunes» en France, elle s'est attachée à rassurer: «Notre plan combine la réduction d'émissions carbone avec des mesures pour préserver la nature et placer l'emploi et l'équité sociale au coeur de cette transformation» verte, a souligné la cheffe de l'exécutif européen.

Bruxelles défend notamment l'arrêt de la commercialisation des voitures à essence à partir de 2035, avec un coup d'accélérateur pour installer des points de chargements pour véhicules électriques «tous les 60 kilomètres».

La Commission propose également de taxer à partir de 2023 le kérosène pour les vols au sein de l'UE, tout en leur imposant un taux minimal de biocarburants (de quoi alarmer les compagnies, qui redoutent une «distorsion de concurrence» avec le reste du monde).

La fin des «permis à polluer»

Mais le pilier principal est un élargissement considérable du marché du carbone européen (ETS) établi en 2005, où s'échangent les «permis à polluer» requis pour certains secteurs (électricité, sidérurgistes, cimentiers, aviation intra-UE) représentant 40% des émissions des 27.

Jusqu'ici, l'essentiel des entreprises visées se voyaient offrir des quotas d'émissions gratuits, qu'elles peuvent revendre: Bruxelles veut les restreindre drastiquement.

Bruxelles souhaite aussi que certaines importations (acier, ciment, électricité...) soient graduellement soumises aux règles de l'ETS à partir de 2026: les importateurs devront acheter des «certificats d'émissions» basés sur le prix du carbone qu'ils auraient dû acquitter si les biens avaient été produits dans l'UE.

L'idée est d'éliminer toute concurrence étrangère «déloyale» et de dissuader les délocalisations. Pour la Commission, il s'agit d'un «ajustement aux frontières» et non d'une taxe, pour contrer l'accusation de protectionnisme. Les recettes alimenteront le budget européen.

Dans un souci d'équilibre, les quotas gratuits distribués aux industriels et compagnies aériennes de l'UE pour affronter la concurrence étrangère diminueraient très progressivement, entre 2026 et 2036, avant de disparaître.

«C'est un 'paquet climat' historique. Le prix du CO2 va monter mécaniquement à un niveau ayant un impact majeur sur les modèles économiques des industries», qui auront intérêt à adopter des technologies propres, estime Pascal Canfin, président (Renew, libéraux) de la commission Environnement au Parlement européen.

Des mesures qui vont peser sur le portefeuille des citoyens?

Bruxelles veut également étendre l'ETS au transport maritime, ainsi qu'au transport routier et au chauffage des bâtiments sur un «second marché carbone» dès 2026.

En pratique, cela reviendrait à obliger les fournisseurs de carburants ou de fioul domestique à acheter des quotas d'émissions au prix du CO2, répercutant mécaniquement ce surcoût sur la facture des ménages.

ONG environnementales et eurodéputés de tous bords s'y opposent farouchement, craignant des mouvements sociaux. «Les bâtiments accaparent 40% de la consommation d'énergie, et les émissions du transport routier ne cessent de gonfler, il faut à tout prix inverser la tendance, d'une façon juste et sociale», s'est défendue Mme von der Leyen.

La Commission promet un «mécanisme d'action sociale», un fonds alimenté par les recettes du «second ETS» et évalué par une source européenne à 70 milliards d'euros (75,8 milliards de francs) sur dix ans pour contrer la précarité énergétique.

«On voit beaucoup de carottes, sans l'ombre d'un bâton»

Mais Domien Vangenecheten, de l'ONG E3G, dénonce la prolongation attendue, pour des années, des quotas d'émissions gratuits aux industriels: «On voit beaucoup de carottes, sans l'ombre d'un bâton».

Les élus verts demandent leur arrêt immédiat, réclamant aussi «un prix-plancher» du CO2. A l'inverse, les sidérurgistes plaident pour le maintien durable de ces aides, jugées nécessaires à leur compétitivité.

La Commission veut aussi relever considérablement la part d'énergies renouvelables visée en 2030, y compris en incluant la biomasse extraite des forêts -au grand dam de l'ONG Greenpeace qui dénonce aussi l'idée d'une cible d'absorption de CO2 via les «puits de carbone» naturels (forêts) qui masquerait des baisses insuffisantes des émissions industrielles.

(ATS)

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la