Dans les faits, les bains thermaux de Loèche-les-Bains (VS) devraient contribuer à la détente. Au lieu de cela, une petite guerre fait rage depuis des années entre les deux grands bains de la station thermale. Une question de pouvoir et de gros sous.
Aujourd'hui, la situation a définitivement dégénéré. Le procureur enquête pour abus de pouvoir et falsification de documents, des élus de la commune sont dans le collimateur de la justice. Pire encore: un avocat s'est mis en tête de mettre des membres du conseil municipal derrière les barreaux!
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Sur le plan pénal, l'affaire a démarré le 15 mars. Ce jour-là, le canton du Valais a chargé le Ministère public d'agir. «Par la présente, nous vous signalons un éventuel acte punissable qui sera poursuivi d'office», peut-on lire dans une lettre, dont Blick a obtenu copie.
Une guerre économique
Retour en arrière: en novembre, Blick a publié un article sur la «guerre des bains à Loèche-les-Bains». Le problème: il y a deux grands bains. Le plus petit des deux appartient à Alpine Rose Resort AG et est en mains privées. En revanche, My Leukerbad AG, l'exploitant du plus grand bain, est en mains publiques. La SA appartient pour moitié à la commune de Loèche-les-Bains et pour moitié à la bourgeoisie, une forme de collectivité publique propre à certains cantons, notamment le Valais. Son financement est en grande partie assuré grâce aux taxes de séjour.
Et c'est justement là que le bât blesse: le prestataire privé, Alpine Rose Resort AG, doit en effet encaisser les taxes de séjour de ses clients. Et les reverser ensuite quasi directement à la concurrence.
Roland Märki représente en tant qu'avocat l'Alpine Rose Resort AG, le deuxième plus grand acteur de la branche touristique locale. Il résume le problème de la manière suivante: «Si nous avons un client, la caisse de la concurrence se met à sonner.»
Les thermes alpins valaisans ont donc exigé que la taxe de séjour fasse l'objet d'un pot commun et que 375'000 francs leur soient retournés. Ils ont porté l'affaire devant le Tribunal fédéral, lequel a déclaré l'année dernière que la situation constituait effectivement un désavantage concurrentiel pour les thermes privés.
Mentir dans une décision
La commune a donc reçu du tribunal l'ordre de résoudre enfin le problème et de mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Mais la commune n'aurait rien fait.
Celle-ci a annoncé dans un premier temps que la procédure avait été suspendue. Le temps de vérifier la véracité des accusations de partialité, lancées par l'avocat d'Alpine Resort AG à l'adresse du conseil municipal. Pour ce faire, le canton a été sollicité, afin de voir comment procéder. Concrètement: «La commune a demandé au Conseil d'Etat, il y a quelques semaines, des informations contraignantes sur la suite de la procédure», peut-on lire dans la décision correspondante, signée par le président de la commune Christian Grichting et datée de juin 2023. Un document que Blick a pu consulter.
Seulement, cette lettre n'est jamais parvenue au canton. En effet, lorsque l'avocat des thermes privés a voulu consulter la missive, il a reçu une réponse inattendue du canton. Celui-ci n'a «pas trouvé de lettre de ce type, même après des recherches intensives», dit-il dans une réponse que Blick a également obtenue.
Plus étonnant: Roland Märki était en contact depuis longtemps avec le canton, lorsque le conseil communal s'est enfin décidé à réagir à la mi-octobre 2023, en remettant au Conseil d'Etat la fameuse demande de renseignements qu'il avait soi-disant déjà déposée cet été. «Les motifs de la décision de suspension de l'époque étaient donc mensongers», affirme l'avocat.
L'avocat demande la prison
Cela doit avoir des conséquences, poursuit l'avocat. «Il est condamnable que des conseillers communaux commettent des délits dans l'exercice de leur fonction, car cela jette également le discrédit sur d'autres membres des autorités.»
Comme la décision de suspension est un document officiel et qu'il est prouvé que le conseil communal y a menti, l'organe s'est rendu coupable de faux dans les titres. «Le statu quo est ainsi maintenu plus longtemps que nécessaire, tout en favorisant massivement les bains thermaux appartenant au domaine public», explique l'avocat. Il s'agit d'un abus de pouvoir.
Puis les choses deviennent personnelles. l'avocat réclame des peines de prison pour ses adversaires à la commune: «La peine doit être claire, à notre avis, trois ans de prison ferme sont appropriés.» Une exigence que Roland Märki a également formulée auprès du Ministère public valaisan, qui doit maintenant enquêter sur l'affaire.
Dimanche, Christian Grichting, président de la commune de Loèche-les-Bains, n'avait pas encore pris position. Il pourrait le faire lundi. Toutes les personnes impliquées bénéficient de la présomption d'innocence. Le dernier chapitre de la guerre des bains thermaux n'est de loin pas encore écrit.