Des élus de tous bords s'allient
Le Grand Conseil se penchera sur le sort d'un homme renvoyé de force en Ethiopie

Solomon Arkisso a été expulsé en janvier vers l'Ethiopie. À l'initiative du député Hadrien Buclin, des élus – dont un PLR – invitent le Conseil d'Etat à intercéder en la faveur de l'homme «parfaitement intégré» et «en danger» dans son pays d'origine.
Publié: 10.06.2021 à 16:49 heures
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Dernière mise à jour: 10.06.2021 à 17:31 heures
Solomon Arkisso avait été arrêté et placé en détention à Frambois le 18 janvier, alors qu’il se rendait au Service de la population vaudoise.
Photo: D.R.
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

«Nous espérons qu'une majorité du Grand Conseil demandera au Conseil d'Etat d’interférer en la faveur de Solomon Arkisso auprès de la Confédération», clame jeudi au téléphone le député vaudois Hadrien Buclin (Ensemble à Gauche). «Il n'est jamais trop tard pour réparer une erreur.»

L'élu défendra sa résolution au sein de l'hémicycle mardi. Un combat loin d'être gagné d'avance, même si le Grand Conseil genevois s'est engagé fin mai en ce sens pour Tahir Tilmo, un compatriote de Solomon Arkisso expulsé dans le même avion.

Pour mémoire, le renvoi forcé du ressortissant éthiopien domicilié à Yverdon-les-Bains avait fait les gros titres en Suisse romande. Solomon Arkisso avait été arrêté et placé en détention à Frambois le 18 janvier, alors qu’il se rendait au Service de la population vaudoise pour renouveler son papier d’aide d’urgence, relatait «24 heures». L'homme, «un exemple d'intégration» selon l'association Droit de rester, avait été expulsé le 27 janvier.

«Graves violations des droits humains»

Aujourd'hui, Hadrien Buclin veut que le gouvernement vaudois conteste cette décision du Secrétariat d'Etat aux migrations, qui estimait au moment des faits qu'il n’y avait aucune situation de violence générale en Ethiopie. Si la procédure d’asile – qui exige notamment de statuer sur le renvoi – incombe aux autorités fédérales, ce sont bel et bien les cantons qui doivent exécuter les renvois. «Solomon doit obtenir un permis humanitaire car il est en danger», insiste Hadrien Buclin. «Le Canton de Vaud n'aurait pas dû l'expulser. De graves violations des droits humains sont perpétrées dans son pays, où il se trouve actuellement. Il est membre de l’ethnie Oromo, contre laquelle le pouvoir central a mené une politique de discriminations et de persécutions.»

En outre, toujours d'après l'élu, le quadragénaire – il est né en 1978 – est proche du parti OLF (Oromo Liberation Front), groupe politique victime de persécutions de la part du pouvoir actuellement en place. «Durant tout son séjour en Suisse, il s’est engagé auprès de la communauté Oromo et a participé à de nombreuses actions et manifestations publiques de contestation du gouvernement éthiopien», écrit par ailleurs Hadrien Buclin dans sa résolution. Depuis son retour en Ethiopie, cette participation l’exposerait donc à des persécutions de la part de la police.

Un PLR sort du bois

Une grosse vingtaine de députés ont signé l'appel de l'élu de la gauche radicale. Parmi ces hommes et ces femmes, trois Vert'libéraux et un... PLR. Ce dernier, Guy Gaudard, n'est pas inconnu du petit monde qui s'active pour soutenir les requérants d'asile. Il a reçu en mai le prix Diversité – Emploi – Formation de la Ville de Lausanne. Son entreprise d'électricité a en effet permis à 34 jeunes migrants d'obtenir un CFC de monteur électricien.

Guy Gaudard, député vaudois PLR
Photo: D.R.

L'homme sort du bois: «J'ai signé cette résolution parce que je suis très attentif au sort des migrants et que je pense que nous, Suisses, devons valoriser leur présence chez nous, argumente Guy Gaudard, contacté par Blick. Toutes ces personnes ont un parcours différent, souvent traumatisant. Avec les jeunes que j'ai formés, j'ai des preuves tangibles de ces difficultés».

Ne craint-il pas de se retrouver complètement isolé au sein de son propre parti, au moment des débats? «Cela va être un peu Winkelried (ndlr. un héros national de la bataille de Sempach qui s’est sacrifié pour permettre aux Confédérés de remporter la victoire sur les troupes du duc de Habsbourg) mais à un moment, soit on croit aux choses et on y va, soit on ne fait rien.»

L'élu PLR, qui ne part pas vraiment optimiste au front, relativise la situation. «J'ai l'impression qu'une certaine sensibilité est en train de naître au sein de mon parti concernant les questions de migration», analyse-t-il. «Il y a une écoute, de profondes discussions. Et je pense que c'est bien.» Verdict mardi.

En Ethiopie, «une situation plus que préoccupante»

En janvier, alors que Solomon Arkisso était arrêté mais pas encore renvoyé de force vers l'Ethiopie, des associations d’aide aux migrants dénonçaient ce retour vers un pays dont la situation est «plus que préoccupante». Parmi elles, la Coordination Asile Vaud qui fustigeait dans «24 heures» la décision prise par les autorités, «malgré la guerre, la crise et la pandémie qui frappe l’Éthiopie actuellement». La section suisse d’Amnesty International, dans la foulée, en avait fait autant en demandant l’arrêt des rapatriements forcés vers ce pays.

En outre, des hauts responsables de l’ONU et de l’Union européenne évoquaient à propos de ce pays de la Corne de l’Afrique des rapports faisant état de violences ciblant certains groupes ethniques: assassinats, pillages massifs, viols, retours forcés de réfugiés et possibles crimes de guerre. Le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) voyait, lui, les choses différemment. Il indiquait au grand quotidien vaudois suivre de près la situation en Éthiopie. Avec une attention particulière sur la région dissidente du Tigré (ndlr: théâtre d'un conflit armé depuis le 4 novembre 2020). Le SEM affirmait ainsi: «Il n’y a actuellement aucune situation de violence générale dans le pays».

Une assertion qui ne convainc pas le député d'Ensemble à Gauche Hadrien Buclin. En effet, le comité contre la torture de l’ONU et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes avaient ordonné le 26 janvier «la suspension du renvoi de deux ressortissant-es éthiopien-nes par le même vol spécial que Solomon Arkisso», rappelle-t-il dans sa résolution. Le Grand Conseil se prononcera sur ce texte mardi prochain.

En janvier, alors que Solomon Arkisso était arrêté mais pas encore renvoyé de force vers l'Ethiopie, des associations d’aide aux migrants dénonçaient ce retour vers un pays dont la situation est «plus que préoccupante». Parmi elles, la Coordination Asile Vaud qui fustigeait dans «24 heures» la décision prise par les autorités, «malgré la guerre, la crise et la pandémie qui frappe l’Éthiopie actuellement». La section suisse d’Amnesty International, dans la foulée, en avait fait autant en demandant l’arrêt des rapatriements forcés vers ce pays.

En outre, des hauts responsables de l’ONU et de l’Union européenne évoquaient à propos de ce pays de la Corne de l’Afrique des rapports faisant état de violences ciblant certains groupes ethniques: assassinats, pillages massifs, viols, retours forcés de réfugiés et possibles crimes de guerre. Le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) voyait, lui, les choses différemment. Il indiquait au grand quotidien vaudois suivre de près la situation en Éthiopie. Avec une attention particulière sur la région dissidente du Tigré (ndlr: théâtre d'un conflit armé depuis le 4 novembre 2020). Le SEM affirmait ainsi: «Il n’y a actuellement aucune situation de violence générale dans le pays».

Une assertion qui ne convainc pas le député d'Ensemble à Gauche Hadrien Buclin. En effet, le comité contre la torture de l’ONU et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes avaient ordonné le 26 janvier «la suspension du renvoi de deux ressortissant-es éthiopien-nes par le même vol spécial que Solomon Arkisso», rappelle-t-il dans sa résolution. Le Grand Conseil se prononcera sur ce texte mardi prochain.

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