La lettre est datée d’octobre 2022, et son ton est pour le moins impersonnel. «Madame, Monsieur, vous trouverez ci-joint une facture concernant un test Covid effectué durant la période de mars à juin 2020.» Oui, vous avez bien lu: le laboratoire neuchâtelois Admed, qui analyse tous les écouvillons estampillés «Sars-Cov-2» du canton, se manifeste deux ans plus tard.
«Durant cette période, la prise en charge par les assurances est uniquement pour les patients symptomatiques, pour les cas asymptomatiques, les frais sont à la charge du patient», poursuit le courrier. Pour mémoire, ce n’est qu’à partir du 25 juin 2020 que la Confédération avait offert la gratuité. Jusque-là, les analyses étaient couvertes par les cantons et les assurances maladie.
«J’étais abasourdie»
Montant à payer pour cette lectrice de Blick: 119 francs. «Quand j’ai lu cette missive, j’étais abasourdie, tousse notre interlocutrice, qui a souhaité garder l’anonymat. Cette lettre est complètement lunaire! On me demande de prendre contact avec mon assurance maladie pour me faire rembourser un truc qui date de juin 2020… Je me suis tellement fait curer le nez depuis que je ne m’en souviens même plus, de ce test!»
Que s’est-il passé chez Admed, une fondation de droit privé dont le conseil de fondation compte trois membres de la direction d'Hôpital neuchâtelois, plusieurs médecins et dont les statuts réservent un siège à la Société neuchâteloise de médecine? Combien de personnes ont reçu cette même surprise dans leur boîte aux lettres ces derniers jours?
Le centre d’analyse invoque des règles «ni figées ni claires» au début de la pandémie. «Compte tenu des changements réguliers au niveau de la facturation des tests imposés par la Confédération, nous avons dû nous adapter en permanence, ce qui a engendré une complexité administrative ainsi que des refus de paiement auprès de certaines caisses maladie. Des bulletins de versement nous ont aussi été adressés tardivement par le CHUV (ndlr: Centre hospitalier universitaire vaudois), avec qui nous collaborons. De notre côté, nous avons aussi accumulé du retard.»
Un million de francs à récupérer
Directeur général, Julien Spacio s’agace: «Tester à large échelle était une question de santé publique durant cette période-là. La facturation des tests Covid n'était pas la préoccupation du moment.» En temps de crise, Admed effectuait jusqu’à 2000 tests par jour, appuie-t-il.
Au total, «quelques centaines de personnes» ont reçu une douloureuse plus de deux ans après s’être fait chatouiller les narines, estime-t-il. «C’est bien triste et nous en sommes navrés, s’excuse Julien Spacio au téléphone. Mais ces sommes nous ont été réclamées par le CHUV et nous sommes en droit de les récupérer. Pour rappel, conformément à la loi, nous avons cinq ans pour facturer nos prestations.»
Dans le cas présent, le centre d’analyses pourrait même disposer de jusqu’à dix ans pour réclamer son dû parce qu’on parle ici d’analyses médicales et non de soins dispensés, souligne la Fédération romande des consommateurs (FRC), contactée par Blick. «Admed peut donc encore réclamer le paiement, résume Jean Tschopp, responsable du secteur conseil de la FRC. Même si ça n’est pas très sérieux, près de deux ans et demi après l’avoir effectué...»
Délai pour se faire rembourser: cinq ans
Quid des règles pour se faire rembourser? «Si la personne avait des symptômes au moment de son test, elle peut encore transmettre la facture à son assurance maladie de base en vue d’une prise en charge, le délai de prescription en matière d’assurances sociales étant de cinq ans», tranche le juriste.
Notre source ne devrait pas rencontrer de problème de ce côté-là, confirme sa caisse maladie, qui ne veut pas être nommée. «Durant la période concernée, nous sommes toujours partis du principe que les personnes testées étaient symptomatiques, glisse sa porte-parole. Demander un rapport médical pour le vérifier nous coûterait trop cher.»