Les serial killers effraient autant qu’ils fascinent. Des livres aux films en passant par des séries Netflix, tout le monde semble s’être pris de passion pour ces psychopathes. Mais entre les distances qui nous séparent de ses personnages et les écrans interposés qui nous donnent la fausse impression d’avoir à faire à des mythes, nous ne semblons pas toujours nous rendre compte qu’ils sont bien réels. Certains d’entre eux étaient même des citoyens suisses qui ont sévi durant des années dans le pays.
Marie Jeanneret alias l’empoisonneuse
Sa vie: Née en 1836 au Locle (NE), la petite Marie se retrouve sans parent alors qu’elle n’est encore qu’une enfant. Elle est recueillie par un oncle et une tante qui prendront soin d’elle. Dès le plus jeune âge, Marie présente des troubles du comportement. Elle ment à son entourage et se plaint de divers maux physiques. Elle fait le tour des médecins de sa région et va même jusqu’au canton de Vaud pour rendre visite à des professionnels et se faire prescrire des médicaments.
À force de rendre visite aux docteurs, elle finit par trouver sa voie: elle veut devenir garde-malade, nous apprend les archives de la RTS. Elle commence une formation à Lausanne, mais quitte l’école au bout de deux mois. Aller au chevet des malades sans diplôme? Ce n’est pas un problème pour la jeune femme. Adepte du mensonge depuis sa plus tendre enfance, elle n’hésitera pas à inventer des références de médecins réputés et certifier qu’elle a bien son diplôme. Forte d’une pseudo expérience dans le domaine des soins, elle est rapidement engagée dans différentes institutions et c’est à elle qu’on confie la tâche d’aller chercher des médicaments dans les pharmacies…
Ses crimes: En 1867, elle est engagée dans une maison de santé à Genève. Là, trois pensionnaires décèdent de manière soudaine. Tous les trois présentaient les mêmes symptômes avant leur mort: dilatation des pupilles et vomissements. Et ce n’est pas tout. La patronne, Madame Juvet et sa fille de 11 ans, sont elles aussi au plus mal. La gamine vomit beaucoup et finit par succomber. Sa mère meurt un mois plus tard.
Marie Jeanneret est ensuite engagée chez des privés, Monsieur Gros et Madame Bouvier. Sur place, on l’invite à soigner une certaine Madame Bourcart, qu’elle tente d’empoisonner. Heureusement, la victime survit. En revanche, M. Gros et Mme Bouvier n’auront pas cette chance. Ils meurent quelque temps plus tard…
La pseudo infirmière décide alors de partir travailler à la pension Desarzens à Plainpalais. Elle s’y fait une amie qu’elle empoisonne. La pauvre finit à l’hôpital et est auscultée sur place. Apparememnt, elle aurait ingéré de l’atropine. Coup du destin, le médecin qui soigne la jeune femme travaillait aussi pour Madame Juvet, la première patronne de Marie Jeanneret. Il comprend qu’il y a un problème et informe les autorités.
Son arrestation: Marie Jeanneret est arrêtée à la pension Desarzens à Plainpalais en juin 1868.
Sa condamnation: Le procès commence en novembre 1868. Marie Jeanneret admet les faits sans les reconnaître pour autant. Ses arguments: «J’ignorais que c’était dangereux» ou «J’ai pu me tromper de flacons». Elle est finalement accusée d’avoir empoisonné neuf personnes avec de l’atropine. Elle échappe à la peine de mort, mais elle est condamnée à 20 ans de travaux forcés. Elle meurt en prison quatre ans avant sa libération.
Roger Andermatt ou l’infirmier de la mort
Sa vie: Roger Andermatt est né en 1969 à Lucerne. Il fait son école primaire en Suisse centrale et à l’âge de huit ans, il part en Allemagne rejoindre son beau-père avec sa petite sœur et sa mère. Il entame une formation à la poste, mais ce n’est pas concluant. À 21 ans, il retourne en Suisse avec pour projet de devenir prof de danse. De son côté, son beau-père se montre déçu par Roger. Ce dernier expliquera plus tard que les critiques de son paternel d’adoption l’ont beaucoup marqué, précise la SRF dans un reportage télé.
Alors qu’il est passionné de danse, Roger Andermatt décide d’entreprendre une formation d’aide-soignant. Il travaille ensuite dans plusieurs EMS où il est perçu comme un bon vivant qui passe son temps libre à organiser des événements pour les pensionnaires comme des spectacles et des cours de danse. Toutefois, on lui connaît aussi une part d’ombre. Ses collègues et ses supérieurs constatent que Roger n’apprécie ni la critique, ni la pression. Il peut même se montrer cassant et hautain envers les autres.
Ses crimes: Tout commence en 1995 lors d’une formation à l’hôpital cantonal d’Obwald où une femme de 89 ans est retrouvée morte. Comme il s’agit d’une personne âgée, on part du principe qu’il s’agit d’une mort naturelle.
Prochaine étape de sa formation, un stage dans une maison de retraite à Kussnacht (LU) où le jeune homme d’une vingtaine d’années tue plusieurs personnes âgées. Sa méthode est toujours pareille: il donne des tranquillisants à ses victimes avant de les étouffer avec un sac en plastique.
En 1999, Roger termine sa formation et retourne dans le canton d’Obwald pour travailler dans l’EMS Residenz Am Schärme. Sa première victime sur place à 84 ans. Après lui avoir donné des tranquillisants, il lui presse un sachet en plastique sur le visage. Le supplice dure 30 minutes. C’est un échec. La vieille dame survit, mais elle est très faible et peine à s’exprimer. Le tueur revient une semaine plus tard et parvient à assassiner la pensionnaire. Trois jours après ce meurtre, Roger Andermatt tue un autre résident de 91 ans.
Comme il sévit sur des lieux où vivent des gens âgées, personne ne se méfie dans un premier temps. Eh oui, la mort fait malheureusement partie du quotidien des pensionnaires et des professionnels. Roger n’est donc pas inquiété et parvient à tuer dix pensionnaires au total. Sauf que le nombre élevé de décès commence à éveiller les soupçons…
En 2001, il est engagé dans le centre pour personnes âgées Eichhof à Lucerne. Sur place, il tue neuf personnes. Mais après six mois d’engagement, il est arrêté.
Son arrestation: Alertées par le nombre élevé de décès sur son dernier lieu de travail, les autorités arrêtent Roger Andermatt en juin 2001. Il avait 32 ans.
Sa condamnation: Lors de son procès en première instance, Roger Andermatt est accusé d’avoir commis 22 assassinats, trois tentatives d’assassinat accomplies et deux tentatives inachevées. Il est d’abord condamné à 17 ans de prison. L’aide-soignant se justifie en expliquant qu’il tuait par compassion. Même si aucune de ses victimes ne lui a jamais demandé de l’aide pour mourir, il a confié sentir que ces dernières avaient une profonde envie d’en finir avec la vie. En deuxième instance, il est condamné à la perpétuité.
Werner Ferrari aka le tueur d’enfants
Sa vie: Werner Ferrari est né en 1946 à Bâle. Sa mère, qui n’avait que 18 ans au moment de sa naissance, ne s'occupe pas vraiment de lui. Quant à son père, il ne le connaîtra jamais. Il est confié à ses grands-parents durant quatre ans avant de retourner chez sa mère qui s’est remariée avec un homme alcoolique et violent. L’enfant qui n’a que 7 ans finit par être trimballé d’un foyer à l’autre.
À 19 ans, il est interné dans une clinique psychiatrique à Bâle. On lui diagnostique plusieurs troubles de la personnalité et un médecin va même jusqu’à avancer que Werner Ferrari pourrait un jour commettre un crime pédophile.
Ses crimes: En août 1971, Werner Ferrari, 25 ans, abuse sexuellement d'un petit garçon de 10 ans et l'étrangle à mort. Il l’avait repéré à une fête de village à Bâle et l’emmène ensuite dans le bois pour assouvir ses penchants. Il est condamné à douze ans de prison en 1972 et est relâché en 1979 avec trois ans de probation pour bonne conduite.
En 1987, dix enfants sont portés disparus ou retrouvés morts en l’espace de six mois. Mais c’est le meurtre d’une petite fille dont le corps a été retrouvé proche d’une forêt qui permet de faire arrêter Werner Ferrari. Les autorités ont récolté suffisamment de preuves pour retrouver le tueur et surtout, ils ont interrogé une fillette qui avait accompagné la victime et son bourreau vers la forêt.
Au moment de l’interrogatoire policier, le psychopathe reconnaît trois meurtres: un enfant de 10 ans en 1983, un de 7 ans en 1985 et un autre de 10 ans en 1987. À chaque fois, le tueur procède de la même façon: il emmène le bambin loin des regards, procède à des attouchements et l'étrangle à mort. L’homme s’en prend plus tard aux cadavres en enfonçant un bâton dans leur vagin ou leur anus, note le quotidien «Le Temps».
Son arrestation: Une première fois au début des années 1970 et une seconde en août 1989.
Sa condamnation: Werner Ferrari revient plusieurs fois sur ses aveux lors de son procès en 1994. Le jugement est d’ailleurs repoussé d’une année et le meurtrier est condamné à la réclusion à vie pour l’assassinat de cinq enfants après les avoir agressés sexuellement. En 2007, il est innocenté pour l’assassinant d’une petite fille de 12 ans. Toutefois, sa peine ne change pas.
Michel Peiry, surnommé le sadique de Romont
Sa vie: Michel Piery est né en 1959 à Neuchâtel. Son enfance est pour le moins compliquée: sa famille n’a pas beaucoup de moyens et son père se montre violent. Toutefois, Michel est très apprécié de son entourage. On le trouve gentil, serviable et poli. À l’adolescence, il comprend qu’il est homosexuel, mais ne parvient pas à accepter son attirance pour les hommes. Peu avant de déménager pour Romont en 1975, il met la main sur une revue bondage. Il y découvre des images mélangeant sexe et contrainte.
Arrivé à Romont, il fréquente des milieux néonazis dans la plus grande discrétion. Un exemplaire de «Mein Kampf» sera même retrouvé chez lui après son arrestation, détaille «Le Temps». Il commence ensuite son service militaire et se prend de passion pour les voyages.
Ses crimes: Michel n’a que 22 ans lorsqu’il tue pour la première fois. Nous sommes en septembre 1981, le jeune homme sillonne les États-Unis en voiture et rencontre un Canadien. Il lui brise le crâne à l’aide d’un marteau et brûle ensuite le cadavre. Son corps ne sera jamais retrouvé. Il avouera le meurtre plus tard avant de se rétracter, d'avouer à nouveau et ainsi de suite. On ne saura donc jamais vraiment si Michel a commis le crime.
Son modus operandi est tout trouvé: il prend des gens en voiture qu’il finit par tuer. Lors de ses voyages, il assassine un jeune homme en France en 1984, puis une femme une année plus tard. Il se rend aussi en Yougoslavie en 1986 où il aurait éliminé un certain Silvio. En 1987, il aurait également liquidé un homme dans la région de Côme en Italie. Il avouera ces deux meutres aux autorités avant de se rétracter.
Mais attention, Michel Peiry ne se contente pas de tuer à l’étranger. En 1986, sa première victime suisse est retrouvée carbonisée à Abrignon en Valais. Il s'agit d'un ado de 14 ans. Faute d’indice, l’affaire n’est pas élucidée. Une année plus tard, toujours en Valais, les autorités découvrent le corps d’un adolescent de 16 ans calciné aux alentours d’Orsières. Le jeune homme aurait été attaché, battu, dévêtu de force et violé. Les deux cas étant très similaires, on commence à se poser des questions: y aurait-il un tueur psychopathe dans les parages?
Un mois plus tard, le tueur jette son dévolu sur un jeune homme de 16 ans qui faisait de l’autostop à Lausanne. Il souhaite rentrer chez ses parents après avoir passé la soirée à la Fête du soleil au centre-ville. Michel Peiry l’emmène dans la campagne vaudoise et l’adolescent comprend alors que quelque chose ne tourne pas rond. Voyant que sa portière ne comporte pas de poignée et qu’il ne peut pas s’échapper, il décide de mémoriser tout ce qu’il voit. La voiture s’arrête au milieu de nulle part et Michel Peiry menotte le jeune garçon, le frappe à coups de marteau, le déshabille et abuse de lui. Persuadé que sa victime est morte, il abandonne le corps dans une rivière. Mais l’ado est toujours en vie! Il est recueilli par un éducateur dans le village de Sottens. Grâce aux détails qu’il a réussi à emmagasiner dans sa mémoire, le jeune homme fournit des informations précieuses à la police. Les enquêteurs font le lien avec le dernier corps retrouvé en Valais et établissent un portrait-robot ainsi qu’un avis de recherche. Entre-temps, une affaire identique refait surface. En novembre 1986, un autre jeune homme de 16 ans avait été pris en autostop à La Chaux-de-Fonds. Il avait lui aussi été violenté mais était parvenu à survivre.
Son arrestation: En mai 1987 alors qu’il effectuait un cours de répétition à Berne.
Sa condamnation: En 1989, le sadique de Romont est condamné à la réclusion à vie. En 2002 et en 2009, il fait des demandes de mise en liberté conditionnelle qui n’aboutissent pas. En 2004, Michel Piery refait parler de lui au moment où le peuple s’apprête à se prenoncer sur l’initiative populaire «Internement à vie pour les délinquants sexuels ou violents jugés très dangereux et non amendables».
Erich Hauert aussi appelé l’assassin de Zollikerberg
Sa vie: Erich Hauert est né à Bâle en 1959. Son père est alcoolique et se tire une balle quand le garçon a onze ans. Quant à sa mère, elle très prise par son travail. Erich est donc confié à un tuteur et est placé dans une famille d’accueil puis dans divers foyers. Il racontera plus tard avoir été maltraité dans ces institutions.
Ado, Erich débute un apprentissage dans un supermarché. Il est également diplômé de l’école de recrues. Il aurait voulu grader, mais ce rêve ne verra jamais le jour.
Ses crimes: En octobre 1993, Pasquale Brumann, 20 ans, est retrouvée morte dans la forêt de Zollikerber, près de Zurich. La jeune femme a été poignardée au cou et enterrée nue. On retrouvera même des traces de sperme dans son corps. Son bourreau n’est autre que Erich Hauert, un violeur récidiviste qui a déjà tué deux femmes: une étudiante en 1982 et une femme de 72 ans en 1983. Il a également été reconnu coupable de onze viols. L’homme était en liberté conditionnelle et avait tout prévu. Alors qu’on lui avait accordé un congé pour se rendre à une consultation psychiatrique, il va dans un supermarché et achète un couteau ainsi que du ruban adhésif. Comme expliqué dans un documentaire de la SRF, le psychopathe opère toujours de la même manière: posté dans les bois, il attend qu’une femme seule passe par-là pour s’en prendre à elle.
Son arrestation: Erich Hauert est arrêté pour la première fois en 1983. L’assassin est appréhendé une nouvelle fois en 1993. Après avoir retrouvé du sang sur sa montre, les tests ADN sont formels: c’est lui qui a violé et tué Pasquale Brumann lors de l’un de ses congés à l’extérieur de la prison.
Sa condamnation: Erich Hauert condamné une première fois à la réclusion à perpétuité en 1985, puis une seconde fois en 1996 lors d’un nouveau procès pour le meurtre de Pasquale Brumann. Il n'a également plus la possibilité de bénéficier d'une libération conditionnelle. En 2010, une demande de remise en liberté lui est refusée.
À noter que l’affaire est à l’origine de l’initiative «Internement à vie pour les délinquants sexuels ou violents jugés très dangereux et non amendables» acceptée par le peuple en 2004.