Dans les sujets de tension gauche-droite classiques qui font trembler le Parlement suisse, l’armée garde une bonne place. Lundi au Conseil national, la situation s’est pourtant envenimée entre les Verts et l’aile bourgeoise de l’hémicycle au sujet de l’augmentation du budget de la défense.
Sur Twitter, le groupe parlementaire des Verts n’y est pas allé de main morte: «Les conseillers nationaux de droite, ça suffit! Vos dérapages concernant Marionna Schlatter sont irrespectueux, antidémocratiques et indignes du Parlement.»
Le tweet des Verts poursuit ainsi: «Thomas Hurter de l’UDC nie même à Marionna Schlatter sa légitimité en tant que membre de la commission. Ce n’est pas comme ça qu’on mène un débat décent et respectueux!»
Passe d’armes entre la Verte, l’UDC et le Centre
Au centre du conflit, le traitement réservé à la porte-parole du groupe parlementaire des Verts, la conseillère nationale Marionna Schlatter, qui a dû répondre aux questions de ses adversaires politiques au cours d’un débat, se positionnant contre l'augmentation du budget de l'armée. Après qu’elle a indiqué que celle-ci n’avait aucune idée de la manière dont elle allait utiliser l’augmentation du budget, le ton est rapidement monté.
Marianne Binder (Centre/ZH), lui a par exemple demandé si elle avait bien lu la documentation produite par l’armée. Son collègue de partie appenzellois Thomas Rechsteiner lui a demandé franco si elle désirait encore ou non la suppression de l’armée.
La tension était déjà forte mais pour les Verts, c’est l’UDC zurichois Thomas Hurter qui a versé la goutte ayant fait déborder le vase en demandant ce que Marionna Schlatter faisait à la Commission de la politique de sécurité. Selon lui, elle refuse d’accorder l’argent nécessaire à l’armée alors que le peuple s’est prononcé trois fois en faveur du maintien de celle-ci.
La présidente du Conseil national Irène Kälin, elle aussi verte (et chroniqueuse chez Blick) a appelé la moitié bourgeoise de l’hémicycle à s’en tenir strictement au sujet.
«J’ai touché un point sensible»
Qu’en pense la principale intéressée? «Je trouve discutable que la partie adverse ait quitté le terrain de l’objet politique à débattre», déclare Marionna Schlatter. Mais elle considère aussi comme un signe de force le fait que l’aile bourgeoise se soit mise «à dix» pour lui poser des questions. «J’ai manifestement touché un point sensible, assure-t-elle. Le concept qui doit définir comment ces deux milliards de francs supplémentaires au budget de l’armée doivent être utilisés est tout bonnement inexistant.»
Thomas Hurter a son propre avis sur la question. «Quand on assène des affirmations comme Mme Schlatter l’a fait, j’estime qu’on doit aussi accepter de se faire poser des questions», explique-t-il à Blick. Il se défend du reproche d’avoir remis en question la légitimité de la conseillère nationale verte. «J’attendais de la part d’un membre de la Commission de sécurité une contribution plus constructive au débat», déclare-t-il.
Mauvais timing pour le slogan de Stop F-35
Pour Marionna Schlatter, cette passe d’armes n’est pas une première. Engagée dans l’initiative Stop F-35 du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), la présence de la parlementaire de gauche dans la Commission fait parfois jaser.
Sa photo, présente dans le matériel de campagne de l’initiative qui s’oppose à l’achat des jets américains, a été utilisée par le président du PLR Thierry Burkart pour railler et critiquer la position des Verts. En cause, le slogan «La guerre froide, c’était hier», apposé à son portrait, qui a pris des allures très datées à l’heure de l’invasion russe de l’Ukraine.
«Je suis une cible de choix pour la droite», déclare la conseillère nationale. Selon elle, sa position en tant que politicienne de gauche sur des questions de sécurité est en cause. «Remettre en question mes compétences de manière ciblée, c’est un réflexe typique des vieux hommes de droite», assène-t-elle.
Un ton moins offensif du côté socialiste
Du côté de la fraction bourgeoise de la Commission de sécurité, certains jouent volontiers la carte de la franchise. «Marionna Schlatter est à gauche en matière de politique de sécurité et polarise un organe dominé par la droite, c’est certain, reconnaît Mauro Tuena (UDC/ZH). Elle a notamment été prise pour cible lundi car c’est la seule intervenante de gauche à avoir une position résolument critique à l’égard de l’armée.»
Car du côté du Parti socialiste, le ton est en effet moins virulent contre l’armée qu’au sein des Verts. La soleuroise Franziska Roth et le jurassien Pierre-Alain Fridez, par exemple, tous deux présents au sein de la Commission de sécurité, ont affirmé ouvertement qu’ils ne soutenaient pas la suppression de l’armée, bien que ce point soit encore dans le programme du parti.
(Adaptation par Alexandre Cudré)