Dans les urnes, les paysans ont un franc succès. En 2017, les électeurs ont dit oui à un article sur la sécurité alimentaire dans la Constitution fédérale. Et l’année dernière, les citoyens ont massivement rejeté les initiatives sur l’eau potable et les pesticides. Le 25 septembre, l’initiative sur l’élevage intensif devrait connaître le même sort.
Les agriculteurs n’ont pourtant pas la tête à la fête. Ils ont quand même dû avaler des couleuvres. En avril dernier, le Conseil fédéral a adopté un nouveau paquet d’ordonnances pour une agriculture plus durable. La réduction des nutriments pour l’azote et le phosphore a été revue à la hausse. Nouvel objectif pour 2030: atteindre au moins 20%. Et d'ici 2024, au moins 3,5% des terres arables devront être transformées en surfaces de promotion de la biodiversité.
Le taux d’autosuffisance alimentaire devrait donc continuer à baisser. Une tendance qui risque de s'aggraver avec l'augmentation de la population. En 2020, ce chiffre s’élevait encore à 56% brut – alors qu’il avait dépassé 60% en 2014. Aujourd’hui, comme une partie de la production nationale repose sur des aliments pour animaux importés, le taux d’autosuffisance net n’est plus que de 49%.
Des conseillers nationaux prévoient une initiative
La grogne monte dans le milieu paysan. Les conseillers nationaux UDC Esther Friedli (Saint-Gall) et Marcel Dettling (Schwytz) sont très agacés par la tournure que prend la politique agricole du Conseil fédéral. Blick les a rencontrés dans la ferme de Marcel Dettling, à Oberiberg. «Le Conseil fédéral exagère complètement!», assène la conseillère nationale saint-galloise, d’entrée de jeu. «Il augmente encore notre dépendance vis-à-vis de l’étranger pour les denrées alimentaires.»
Or, la guerre en Ukraine devrait nous rappeler l’importance de l’autosuffisance, soupire l’élu schwytzois. «Si les importations de denrées alimentaires étaient totalement supprimées, une personne sur deux souffrirait de la faim», tonne-t-il.
Les deux élus alémaniques sont particulièrement fâchés contre la ministre de l’Environnement Simonetta Sommaruga. La socialiste aurait selon eux imposé ses préoccupations environnementales à tout le gouvernement. «Elle a tout gâché avec l’approvisionnement en énergie, et elle s’attaque maintenant aussi de toutes ses forces à l’agriculture», s’insurge Marcel Dettling.
Les conseillers nationaux UDC veulent maintenant faire contrepoids. Ils sont à l’origine d’une nouvelle initiative populaire issue des rangs de leur parti. Ce texte devrait encore être lancé cette année, voire, au plus tard, début 2023.
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Le taux d’autosuffisance doit augmenter
Le projet a déjà été couché sur le papier. Leur principale revendication? Le taux d’autosuffisance doit passer à «au moins 60%». «Et ce, en net!», souligne Marcel Dettling. Autrement dit, le chiffre devra augmenter de plus de 10%. Un objectif ambitieux. Concrètement, les agriculteurs locaux devraient produire un cinquième de plus qu’aujourd’hui.
Est-ce réellement jouable? «Bien sûr, si l’on augmente les incitations à produire plutôt qu’à ne rien faire, rétorque le conseiller schwytzois. Mais pour y arriver, un paysan doit pouvoir élaborer des denrées alimentaires plutôt que de compter les papillons!»
«Il faut davantage de surfaces cultivables au lieu de jachères, de prairies colorées et de tas de pierres», ajoute Esther Friedli. La part des surfaces de biodiversité s’élève aujourd’hui à 19%. Il y aurait donc plus qu’assez de surfaces écologiques. Le fait que de nouvelles terres agricoles doivent être transformées les fait complètement sortir de leurs gonds. «Il s’agit de 10’000 hectares!, explique la Saint-galloise. Si l’on cultive des céréales sur cette surface, un million de personnes pourront s’approvisionner en pain.»
Renforcer l’élevage
Mais en même temps, le duo veut éviter que son initiative ne se fasse au détriment du cheptel. Il faudrait selon eux étendre la culture des céréales et réduire l’élevage. Le projet provisoire stipule donc que l’élevage doit être renforcé.
«Environ 70% de prairies ne peuvent être utilisées qu’avec des ruminants comme des vaches ou des moutons», explique Marcel Dettling. Les animaux sont également importants pour l’entretien du paysage, en particulier dans les régions préalpines, ajoute-t-il. Ils éviteraient l’ensablement et l’envahissement par la forêt. «Ce qui profite donc aussi au tourisme», conclut-il.
Réduire la bureaucratie
Enfin, un troisième point pour cette initiative est en discussion: la réduction de la bureaucratie dans le domaine agricole. «La politique agricole actuelle rend les familles paysannes de plus en plus dépendantes de l’Etat. Elles subissent toujours plus d’exigences et de directives, se désole Esther Friedli.»
Une évolution qui inquiète profondément les deux conseillers nationaux UDC. «Notre initiative donnera un coup de pouce salutaire aux paysans, pour que les jeunes retrouvent des perspectives d’avenir», assure Marcel Dettling, confiant.