Le Palais fédéral a vécu un moment presque historique lundi après-midi: les primes d'assurance-maladie vont baisser en moyenne en 2022. Du jamais-vu depuis 2008, chaque automne coïncidant avec une hausse souvent importante des factures pour l’année suivante.
Mais la baisse reste symbolique: 0,2%. Si les assureurs ont suivi l'injonction d'Alain Berset de puiser dans leur «trésor de guerre», ils n'ont lâché «que» 380 millions de leurs 12 milliards de réserve. Les économies restent modestes pour les assurés, qui disposent toutefois de l’option de changer de caisse maladie jusqu’au 30 novembre.
Le jeu en vaut-il toujours la chandelle? Blick a soumis à Simon Zurich, vice-président de la Fédération suisse des patients, les polices d'assurances de quatre de ses journalistes. L'expert nous livre son analyse en cinq points.
1. Les franchises
Les quatre journalistes de Blick ont une franchise à 2500 francs. Ce n'est pas représentatif de la population: 15% des assurés ont une franchise ordinaire à 300 francs sans limitation du libre choix, note le vice-président de la FSP. Mais cette part est en forte diminution depuis 30 ans.
Pourquoi ce choix d'une franchise haute? Il s'agit sans doute de personnes en bonne santé et/ou voulant diminuer les coûts. Ces assurés habitent dans des endroits (Lausanne ou Zurich) où les primes sont particulièrement élevées.
Si une franchise élevée permet effectivement de faire baisser la prime, la FSP recommande toujours de mettre l’argent ainsi économisé de côté: cela permet d’éviter les mauvaises surprises en cas d’opération imprévue par exemple.
Les frais d’assurance-maladie représentent un risque d’endettement important, rappelle-t-elle. De manière générale, les franchises élevées ne sont pas conseillées pour toutes les personnes qui ont des frais de santé importants, avertit Simon Zurich.
2. Les enfants
Trois cas étudiés sur quatre ont des enfants. Cela permet d'évoquer un aspect important cette année: tandis que les primes des adultes baissent dans la très grande majorité des cas (y compris en ne changeant pas de modèle), celles des enfants augmentent presque toutes!
Dans le cas des familles, l'expert relève qu'il est très intéressant de faire l'exercice d'au moins comparer chaque année. Un changement d'assurance permettrait dans les trois cas étudiés des économies conséquentes en 2022.
Globalement, la baisse de 0,3% pour les primes des enfants annoncée par l'OFSP ne se fait pas ressentir dans le cas des journalistes de Blick, relève Simon Zurich. C'est là où un changement est opportun: le potentiel d'économies dépasse 1000 francs par an dans l'un des cas.
3. Les restrictions de choix
Les personnes étudiées ont une franchise à 2500 francs avec des modèles restreignant «raisonnablement» le libre choix du médecin («médecin de famille», par exemple). C'est le cas de figure où le potentiel d'épargne est le plus faible — les primes sont déjà basses, ce qui limite les économies.
De manière générale, la FSP conseille régulièrement des modèles «médecin de famille» ou «HMO» («Health Maintenance Organization»), qui permettent d’avoir des primes plus basses, tout en bénéficiant d’un suivi par un professionnel que l’on connaît et qui nous connaît.
D’autres solutions restent possibles pour faire baisser ses primes. Il faut pour cela accepter des systèmes où l'on paie directement et on se fait rembourser par la suite: par exemple le «tiers-garant» chez Assura, choisi par une personne analysée. Or, cela peut parfois être difficilement soutenable si l'on doit sortir plusieurs milliers de francs pour une hospitalisation ou des médicaments.
Une nouvelle tendance se fait sentir chez un cas étudié, un homme d'une trentaine d'années sans enfant. Il lui serait possible d'épargner, mais ce serait au prix de choix «courageux», relève avec une pointe d'ironie le vice-président de la Fédération suisse des patients.
Soit avec des cabinets de consultants externes (BetterDoc, par exemple), soit via des applications externes qui orientent les choix médicaux. Ces deux options soulèvent des interrogations, notamment en ce qui concerne la protection des données et de qualité du suivi médical, avertit Simon Zurich.
4. Les complémentaires
Un autre point a retenu l'attention de l'analyste: l'omniprésence de complémentaires, parfois nombreuses, dans les quatre cas étudiés. «A titre d'exemple, l'un de vos collègues paie environ 50 francs par mois pour que son épouse et lui aient deux droits: le libre choix de l'hôpital et celui de la division privée ou mi-privée. Or, le premier est garanti dans l'assurance de base et pour le second, cette complémentaire est d'une utilité moindre, parce qu'il y a des franchises et des participations élevées pour l'assuré quoi qu'il arrive», résume Simon Zurich.
En clair: un piège à 600 francs par an. «Sans jugement de valeur de ma part, cela m'interroge sur les promesses et explications des courtiers.»
5. La «jungle» des modèles
Dans l'ensemble, le vice-président de la FSP se dit frappé par la complexité croissante des modèles, même pour le spécialiste qu'il est. «Cela devient de plus en plus difficile pour les gens qui n'ont pas toujours les outils pour comprendre la signification du jargon des assurances», note-t-il.
Avec, parfois, des «petites feintes» glissées dans les conditions générales. «Dans un nouveau modèle très bon marché dans plusieurs cantons alémaniques, une clause vous éjecte de l'assurance si vous allez à l'EMS durant l'année. C'est de la sélection des risques assez moche: toutes les caisses se battent pour avoir les jeunes en bonne santé, par exemple avec des incitations comme la prise en charge d'abonnements de fitness ou de massages.»