Des parois rocheuses s'élèvent vers le ciel derrière l'auberge d'Astrid Dittli. En bas, dans la vallée, le trafic s'engouffre en direction du tunnel du Gothard. Gurtnellen, cette commune du canton d'Uri est déserte. Seul un petit groupe s'est réuni autour d'une des tables en chêne du restaurant. Ils sont tous venus en voiture. La partie supérieure du village a en effet été coupée des transports publics.
Il y a quatre ans, le bus remontait pour la dernière fois la route sinueuse au bout de laquelle s'aligne une rangée de maisons. Mais le canton d'Uri a récemment informé la commune qu'il ne valait plus la peine d'exploiter cette ligne.
«C'était comme une claque dans la figure, proteste Astrid Dittli. On se sent complètement abandonné». Depuis, les clients de la vallée ne viennent plus en haut. Les randonneurs du lac d'Arnise passaient souvent par le village à la fin de leur itinéraire. Sans le bus, il ne viennent aujourd'hui plus.
Ce paquet d'économies crée la panique
De nombreuses communes suisses pourraient bientôt connaître le même sort que Gurtellen. Le paquet d'économies du Conseil fédéral, qui est encore en consultation à l'heure actuelle, touche les transports publics dans leur globalité.
Ici, le taux de couverture des coûts dicte sa loi. Celui-ci indique dans quelle mesure une ligne s'autofinance par la vente de billets. S'il manque au final de l'argent dans la caisse, la Confédération et les cantons paient le reste avec des subventions. Avec ce nouveau paquet d'économies, les entreprises de transport régionales qui ne sont pas assez rentables devront soit augmenter le prix de leurs billets, devenir plus efficaces ou tout simplement réduire leurs prestations.
Aujourd'hui déjà, de nombreuses lignes des régions périphériques peinent à survivre. Le Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB) met en garde: pour les lignes moins fréquentées, la mesure d'économie signifie tout simplement la fin. La Fédération suisse du tourisme et l'Alliance-Environnement s'opposent également fermement aux projets dans leurs réponses à la consultation publiées récemment.
Un service de transport à la demande, la solution?
Selon Thomas Aschwanden, responsable du service des transports publics du canton d'Uri, cette mesure d'économie pose des problèmes, en particulier aux cantons financièrement faibles, comme Uri. «Sans les contributions de la Confédération, le canton et les communes ne pourraient plus financer seuls les coûts des nombreuses lignes uranaises».
A Gurtnellen, le canton et la commune ont entretemps mis en place une solution alternative: dans le cadre d'un projet pilote, ils financent un service de transport de l'entreprise Mybuxi. Les minibus peuvent être commandés via une application ou par téléphone. L'exploitation serait plus économique, car les coûts dépendraient de la demande réelle.
Il n'est toutefois pas encore clair à l'heure actuelle si le projet sera poursuivi à long terme, car, pour l'instant, le canton et la commune financent ce projet sans aucune contribution. «Il serait souhaitable qu'à l'avenir, la Confédération soutienne de telles offres», espère Thomas Aschwanden.
En réalité, l'Office fédéral des transports (OFT) examine déjà si les règles légales pour les offres à la demande comme Mybuxi pourraient être simplifiées. Concernant les conséquences du paquet d'économies, l'OFT écrit qu'il n'est pas exclu «que certaines offres peu utilisées disparaissent ou ne soient pas mises en œuvre en raison d'un taux de couverture des coûts insuffisant».
«Trop vieux pour protester dans la rue»
Valentin Sicher a autrefois participé à la construction du tunnel de base du Gothard en tant qu'ingénieur civil. A ses yeux, un service de transport à la demande ne suffirait pas. Aujourd'hui, il se bat en première ligne pour que son village natal de Gurtnellen soit à nouveau relié par transports publics.
«Nous sommes trop vieux pour protester dans la rue, confie Valentin Sicher. Mais le village a su se débrouiller autrement: en plus du bus à la demande, nous avons organisé, avec mon association Dorfbus Gurtnellen, un service de navettes.» Pendant les mois d'été et jusqu'à la mi-octobre, elles se rendent au village tous les après-midi pendant deux heures. Le service de transport est financé par des dons. Mais combien de temps cela peut-il durer?
Malgré toute leur colère, les habitants de Gurtnellen ont gardé le sens de l'humour sur leur situation: on organise désormais une fête de village à chaque fois qu'un jeune décide de rester dans la commune.