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Tirs constants:Vidéo: La vie infernale entre deux stands de tir à Crostand (NE)

Coups de feu constants
La vie à côté de stands de tir: «Je me suis progressivement effondrée»

Dominique Zmoos vit à 850 mètres de deux stands de tir, dans la campagne neuchâteloise. Le bruit est constant. Elle publie un livre-témoignage et s'active pour des stands «responsables» via une association créée avec son mari.
Publié: 28.04.2024 à 06:00 heures
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Dernière mise à jour: 28.04.2024 à 08:01 heures
Dominique Zmoos vit dans un écrin de verdure, mais le bruit de tirs constants l'empêchent, elle et sa famille, de profiter de l'extérieur.
Photo: DR
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

Lorsqu'on demande à Dominique Zmoos pourquoi elle ne déménage pas, son sourire est franc, mais empreint de lassitude. «Vous verrez où j'habite, et vous aurez la réponse», glisse-t-elle.

La Neuchâteloise vit à Crostand (NE) avec sa famille. Sa maison est magnifique, le potager attend impatiemment le vrai début du printemps. Deux chevaux s'ébattent sur le vaste terrain. Et en fond sonore? Des rafales de mitraillettes. La maison est à 850 mètres du stand de tir de Plan-du-Bois. En contrebas, il y a celui de la Bôle.

Pistolet et mitraillettes

La maison familiale, achetée voilà quinze ans par Dominique Zmoos et son mari, Grégoire, n'est plus le havre de paix qu'elle a été. Tous les jours, sauf le dimanche, à des heures aléatoires, la police neuchâteloise et l'armée s'entraînent sur les deux infrastructures de tir.

Il y a le «PAN» sec des pistolets, qui résonne entre la forêt et les vallons environnants. Et les impressionnantes rafales des armes à répétition, qui tirent plusieurs coups à la suite.

L'enfer depuis sept ans

Le promeneur insouciant qui s'aventure dans la région sursaute un coup et puis s'en va. Mais Dominique, Grégoire et les membres de leur association pour des stands de tir responsable (STR) vivent l'enfer, un «harcèlement» auditif.

2017, moment décisif

Le plan de développement de l'armée, démarré en 2018, l'a fait réinvestir la région dans un but de «réancrage régional». À Colombier (NE), l'école de police a pris de l'importance en collaborant avec celle de Granges-Paccot (FR). Deux conventions ont été signées entre 2015 et 2016 par les deux Cantons. Et à la Chaux-de-Fonds (NE), un stand de tir a fermé il y a deux ans, explique Grégoire Zmoos. Cet ensemble de facteur a largement augmenté la fréquence des exercices de tir.

Le plan de développement de l'armée, démarré en 2018, l'a fait réinvestir la région dans un but de «réancrage régional». À Colombier (NE), l'école de police a pris de l'importance en collaborant avec celle de Granges-Paccot (FR). Deux conventions ont été signées entre 2015 et 2016 par les deux Cantons. Et à la Chaux-de-Fonds (NE), un stand de tir a fermé il y a deux ans, explique Grégoire Zmoos. Cet ensemble de facteur a largement augmenté la fréquence des exercices de tir.

L'utilisation des places de tir s'est largement intensifiée dès 2017. L'association, elle, a été créée en 2022. «Ça n'a pas été tout de suite évident que ces tirs nous rendaient malades. Je me suis progressivement effondrée», confie Dominique Zmoos.

Impossible d'exercer son métier

Aujourd'hui, une forme d'apaisement est revenue. Son livre, «Tirs de guerre en pays neutre», est sorti récemment. Elle y raconte son calvaire, rassemble les témoignages de riverains. «J'écrivais jour et nuit, il fallait que ce poison sorte, pose-t-elle calmement. C'est pour ça que je dis que ce livre, je ne l'ai pas écrit, je l'ai vomi.»

L'association a été créée dans la droite ligne de l'expérience de la Neuchâteloise qui a «plongé». Équicoach, elle ne peut plus exercer ce métier, car sous les tirs, difficile d’encourager le développement personnel et favoriser le lien avec les chevaux.

Des «bruits de guerre» constants

«C’est ma jument qui a été malade la première, explique Dominique Zmoos. Elle souffrait de plusieurs maux dont la cause n’était jamais claire, d’allergies… Je me suis demandée dans un coin de ma tête si elle était sensible à ces tirs, mais je me suis dit que j’étais folle.»

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«Il m'est arrivée de piquer des crises au déjeuner parce que ces bruits de guerre ne s’arrêtaient jamais»
Dominique Zmoos, fondatrice de l'association pour des stands de tir responsables
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Rapidement, l'habitante de Crostand subit à son tour ce harcèlement constant. «Tout mon corps réagissait à ces bruits, j’étais extrêmement sensible. Il m’est arrivé de piquer des crises à la table du déjeuner parce que ces bruits de guerre ne s’arrêtaient jamais.»

Puis vient un jour l’anniversaire de son plus jeune fils. «J’étais comme un zombie. On me posait des questions que je ne comprenais plus. J’étais à bout.»

«200 à pleurer le soir»

L’accompagnante équestre fait un séjour en clinique pour se reposer. Puis le livre arrive comme une évidence. «J’écrivais tout le temps, le jour, la nuit. Désormais, cet ouvrage existe comme un témoignage du dommage que ces tirs représentent pour la santé publique.»

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«On est peut-être 200 à pleurer le soir?»
Dominique Zmoos, fondatrice de l'association pour des stands de tir responsables
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Les lecteurs concernés lisent le livre de Dominique et sont touchés en plein cœur, pleurent même en découvrant ses mots couchés sur le papier. «Ces gens sont avec nous, ils sont là parce qu’ils souffrent. On est peut-être 200 à pleurer le soir, même si l’on est 20 à l’assemblée générale de l’association. Cette idée a apaisé quelque chose en moi, développe l’autrice. Ça donne de l’espoir. C’est hallucinant la colère dans laquelle cela nous met.»

Expertise d'un psychiatre

Son mari réalise également que ces déflagrations l’impactent. «Un jour, j’étais juste devant la maison, et j’ai senti physiquement l’impact du bruit, d’une intensité affolante. C’était comme un souffle contre moi», se souvient Grégoire.

Lorsqu'un psychiatre rejoint le comité, ses explications bouleversent la mère de famille. «Il nous a parlé de la réaction du corps au harcèlement et je me suis dit, ‘c’est ma vie qu’il décrit, là’!»

Rencontrer le Conseil d'État? «Un pet dans l'eau!»

Cette analyse du médecin, les témoignages des voisins des stands de tir: tout cela est rapporté au Conseil d’État lors de nombreuses interpellations ou lors des rencontres de STR avec les services concernés de l’État et de l’armée. «Mais c’est comme un pet dans l’eau! tonne Dominique. Ils ne reconnaissent pas du tout l’importance de notre situation.»

Le stand de tir de la Bôle est adapté aux tirs longue-distance, sur 300 mètres.

Le 22 avril, des parlementaires neuchâtelois, sensibles à la cause de STR, ont déposé un postulat au Grand Conseil. Il demande une étude pour évaluer les souffrances et les atteintes à la santé des voisins de stands de tir. Comme cela existe pour le bruit routier, ferroviaire ou aérien.

Des halles insonorisées changeraient tout

Tout ce que demande l’association, ce sont des stands de tir «responsables». Ils ne sont ni contre la police, ni contre l’armée, ni contre le tir sportif. Leur requête est simple: des halles insonorisées pour tirer en intérieur. L’armée finit d’en construire une à Sion actuellement.

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«Avec une halle insonorisée, le problème serait résolu à 100%»
Grégoire Chabloz Zmoos, président de l'association pour des stands de tir responsables
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Grégoire le sait, c’est tout à fait envisageable techniquement. Ça se fait d’ailleurs beaucoup dans les pays voisins, comme la France. «Le problème serait résolu à 100% et les officiers pourraient tirer 24h/24. Plusieurs milliers de personnes sont impactées rien que dans la région, alors que tout pourrait être réglé en construisant des infrastructures adéquates.»

La mesure des décibels est décriée par le couple. «Les normes sont édictées de façon aléatoire. Il n’y a aucune considération pour la santé de la population.» Et les stands ne seraient pas aux normes, justement — mais le délai court jusqu'en 2025 pour y remédier.

Canton propriétaire, armée locataire

L'association est déçue par le gouvernement neuchâtelois, qui n’a jamais adressé la question de la santé publique. Pourtant, il est propriétaire de ces infrastructures de tir, qu’il loue à l’armée. «Peut-être que si cette dernière était propriétaire, elle agirait plus vite?», se demande Grégoire. Mais Dominique n’est pas convaincue.

La fréquence et l’intensité du bruit empêchent le couple de recevoir du monde à la maison. «On ne peut plus rien prévoir, regrettent Dominique et Grégoire. On a un potager, des animaux, on vivait tout le temps dehors. Mais depuis quelques années, on se replie à l’intérieur.»

Monter à cheval? Trop dangereux

Dominique n’a pas souvenir, avant 2017, d’avoir été importunée par ces nuisances. «Je partais à cheval sans regarder l’heure, se souvient-elle. Je croisais 30 recrues et je passais rapidement. Maintenant, je ne vais plus jamais du côté des stands, alors que la forêt est magnifique. Certains jours, je ne monte même plus à cheval pour des raisons de sécurité.»

Accident en Argovie

Pour indiquer les tirs, une simple barrière «HALT». Des ados curieux pourraient sans autre passer dessous. «Ou alors, ajoute Dominique, des promeneurs qui viendraient d’un sentier et arriveraient par l’autre côté. Cela ne m’étonnerait pas qu’un jour, un accident arrive.»

Quand la barrière est levée, les tireurs ne sont pas là et la forêt est paisible.

Le 23 avril, la tragédie a frappé la place d'armes de Bremgarten (AG). Une recrue a perdu la vie après avoir été touchée par un tir. D'abord considéré comme un accident, le drame serait en réalité un suicide, a annoncé l'armée suisse.

«Tirs de guerre en pays neutre», Dominique Zmoos, disponible via dominiquezmoos.livre@gmail.com 

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