Couacs à la police lausannoise
Cinq mois d’acharnement pour faire tomber une bûche arrivée 3 ans trop tard

Deux couacs et cinq mois d'acharnement par lettre, e-mail et téléphone permettent à un Lausannois et à sa colocataire de s'éviter une grosse amende et un possible retrait de permis, pour une infraction commise plus de trois ans avant le classement de l'affaire.
Publié: 03.04.2024 à 08:37 heures
Olivier Racine, content d'éviter l'amende, se pose des questions quant aux raisons du classement de l'affaire.
Photo: DR
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

«Si on cherche l’aventure au bout du monde et que ça fait un peu loin, on peut toujours raccourcir en allant se perdre dans les méandres kafkaïennes de l’administration!» Olivier Racine, écrivain et aventurier lausannois, n'a pas tellement apprécié son récent «voyage» aux confins de sa patience. Mais les bugs du système informatique de la police municipale, et une bonne dose de persévérance, ont évité une grosse amende et un possible retrait de permis au bourlingueur et à sa colocataire, Marianna.

Rembobinons. Le 2 mars 2021, la voiture que les deux Lausannois partagent librement est flashée dans la capitale vaudoise à 16 km/h au-dessus de la vitesse autorisée. Un feu rouge est grillé. Mais durant deux ans et sept mois... Pas de nouvelles.

Qui conduisait, il y a trois ans?

C'est là qu'entre en jeu le premier bug. Une panne informatique du prestataire de la police lausannoise fait disparaître 6000 amendes, entre 2021 et 2022. En octobre 2023, la dénonciation finit par parvenir au domicile d'Olivier et Marianna.

Cette dernière «s'est rendue le jour-même de la réception de la dénonciation au bureau administratif de la police, explique Olivier Racine. Elle a regardé la photo issue du radar, mais il était impossible de distinguer qui était au volant, près de trois ans plus tôt.»

Sursis doublé

En personne, puis au téléphone, la police confirme à la Lausannoise ce «monstrueux bug», qui concerne aussi d'autres conducteurs. Cependant, l'amende n'est pas le principal souci. En tant que propriétaire du véhicule, Marianna devrait assumer les conséquences de l'infraction. Au-delà de 15km/h au-dessus de la vitesse autorisée, la douloureuse est assortie d'un sursis de deux ans, avec retrait de permis si récidive.

Or, en octobre 2023, cette probation aurait été levée, si le bug n'était pas survenu. «La prescription légale de l'action pénale pour cette contravention est bel et bien de trois ans, à compter de la commission de l'acte», confirme l'avocat du duo, Me Christian Dénériaz.

Lettres, e-mails, téléphones multiples... Les deux amis se démènent pour éviter ce sursis. Me Dénériaz demande l'abandon de «toute éventuelle poursuite pénale» à l'encontre de Marianna.

Deuxième bug

Puis, lors d'un coup de fil, le 29 novembre, Olivier apprend l'existence d'une deuxième infraction: le feu rouge grillé. En effet, cette information ne figure pas sur la dénonciation reçue début octobre. Une erreur «immédiatement corrigée», assure le Chef sécurité du trafic et stationnement de la police lausannoise, dans un courrier que Blick a pu consulter.

Olivier et Marianna au volant de la voiture qu'ils partagent

Là encore, l'attente s'installe, puisque qu'Olivier et Marianna n'ont plus de nouvelles. Début mars 2024, «nous n'avions toujours rien reçu de formel concernant cette infraction supplémentaire», déplore Olivier.

Affaire classée

Un ping-pong démarre: la police municipale parle alors d'un cas de Préfecture; à la Préfecture, le service contentieux n'a jamais entendu parler du cas, affirme le Lausannois. «J'ai appris que ce service avait reçu 800 de ces dénonciations 'égarées' à la suite du bug, mais pas la mienne», ajoute l'écrivain.

Tout prend fin, comme providentiellement, le 12 mars. Un capitaine de police adresse un courrier à Olivier, précisant que la Préfecture a le dossier en mains depuis le 5 janvier, et a classé l'affaire sans suite. Un «ouf» de soulagement plus tard, l'auteur commence à se poser des questions.

Il fallait demander

«Pourquoi le chef du service contentieux, à la Préfecture, m'a-t-il dit trois fois qu'il n'y avait pas d'affaire me concernant?, interroge-t-il. Pourquoi personne ne m'a informé du classement, si la Préfecture s'est saisie du dossier début janvier?»

Olivier aurait dû demander, répond le préfet du district de Lausanne, Serge Terribilini. «Toute personne dont le dossier est classé en est informée, dès lors qu’une procédure pénale a été ouverte à son encontre et qu’elle y a le statut de prévenu», explique-t-il à Blick. Dans le cadre de l'affaire de l'amende, il ne s'agit pas d'une procédure pénale. «La personne concernée n’est pas informée du classement de l’affaire, sauf demande de sa part», précise le préfet.

«Jouer la montre»

Mais pour l'écrivain lausannois, le classement était plutôt une manière de «jouer la montre», pour l'administration. La prescription allait tomber. «Ils savaient qu'ils allaient se faire retoquer face à un tribunal de première instance, parce qu'ils n'avaient pas le temps, estime Olivier Racine. Ils se sont dits qu'on serait contents d'éviter de payer et qu'on ne dirait rien.»

C'est notamment pour cela, estime-t-il, que Marianna n'a pas été amendée, alors que dans des cas similaires, le détenteur du véhicule l'est systématiquement, confirme Serge Terribilini. L'écrivain dubitatif conclut ainsi son aventure: «Tu raconterais ça à un cheval de bois qu'il te mettrait un sérieux coup de pied aux fesses.»


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