Comme beaucoup de seniors, ce Suisse a perdu son permis
«Le test d'aptitude à la conduite est d'une absurdité totale»

Michael Geissbühler, un Suisse de 77 ans, s'est vu retirer son permis de conduire pour s'être assoupi quelques secondes lors d'un test d'aptitude à la conduite. Ce cas est loin d'être isolé: en Suisse, de plus en plus de seniors perdent leur droit à conduire.
Publié: 17.02.2025 à 06:13 heures
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Dernière mise à jour: 18.02.2025 à 07:00 heures
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Michael Geissbühler, 77 ans, a travaillé pendant des décennies comme entraîneur de plongeon.
Photo: Helena Graf
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Helena Graf

A 77 ans, Michael Geissbühler est en colère. L'Office de la circulation routière de son canton lui a retiré son permis de conduire. Cet athlète amateur, qui vit à Herrenschwanden, dans le canton de Berne, est atteint d'apnée du sommeil, un trouble qui l'empêche de respirer pendant de courtes périodes lorsqu'il dort.

A 75 ans, il a dû se soumettre à un examen obligatoire d'aptitude à la conduite. Un test qu'il n'a malheureusement pas passé. «L'apnée du sommeil n'a jamais intéressé personne», déplore le Suisse auprès de Blick. «Maintenant, tout à coup, voilà que je suis dangereux.»

Le cas du Bernois est loin d'être isolé. Dans toute la Suisse, de plus en plus de personnes âgées doivent rendre leur permis de conduire. Même si l'on tient compte du fait qu'il y a toujours plus de seniors dans notre pays, le pourcentage de conducteurs âgés 75 ans ou plus qui se voient retirer leur permis est aujourd'hui presque deux fois plus élevé qu'il y a 15 ans.

Un test obligatoire à partir 75 ans

En Suisse, les personnes ayant 75 ans ou plus doivent passer un test d'aptitude à la conduite auprès de leur médecin de famille, et doivent renouveler l'expérience tous les deux ans. Jusqu'en 2019, cet examen était obligatoire à partir de 70 ans. Impossible de connaître le nombre de seniors qui échouent ce test. 

En revanche, les statistiques révèlent que cet examen, normalement réalisé chez un médecin, est un motif fréquent de retrait de permis: la moitié des plus de 75 ans perdent leur autorisation de conduire pour cause de maladie ou d'infirmité. Pour les conducteurs âgés de moins de 75 ans, qui n'ont pas à passer d'examen, la proportion de retraits de permis pour cause de maladie ou d'infirmité est beaucoup plus faible, puisqu'elle s'établit à moins de 10% chez les moins de 70 ans et à environ 19% chez les 70 à 74 ans.

Rester éveillé sans bouger dans une pièce sombre

Pendant deux ans, Michael Geissbühler, s'est battu dans l'espoir de conserver son permis. Sans succès. Tout a commencé par un examen obligatoire chez sa médecin de famille, qui a donc refusé de confirmer l'aptitude à conduire de son patient en raison d'une apnée du sommeil jugée problématique. Le Suisse a alors été envoyé dans un hôpital à Berne, pour y passer différents examens.

Celui-ci a ainsi dû se soumettre à un test de maintien de l'éveil (TME), durant lequel il est resté assis 40 minutes dans une pièce sombre, sans bouger ni faire de bruit, avec comme seul objectif de rester réveillé. Cette opération, il a dû la répéter à quatre reprises. Dans un premier temps, Michael Geissbühler semble avoir réussi sans trop de problème. Seulement voilà, les capteurs ont enregistré dix «microsleeps», à savoir de très brèves phases de sommeil.

Et le couperet ne tarde pas à tomber. L'Office de la circulation routière du canton de Berne décide de lui retirer provisoirement son permis de conduire. Quant aux quelque 1000 francs de test, l'homme de 77 ans doit les payer de sa poche.

Valeur informative controversée

L'utilité du test de maintien de l'éveil sur la capacité de conduire est controversée. Des experts critiquent notamment le fait que les conditions du test sont très éloignées de la réalité de la conduite automobile. On ne dispose pas de chiffres exacts sur la fréquence des échecs.

«Ce test est d'une absurdité totale», s'insurge le retraité. Ce qui le dérange également, c'est qu'il a souligné à plusieurs reprises pendant le test qu'il ferait immédiatement une pause s'il sentait venir la fatigue lorsqu'il était au volant. «Mais mes déclarations n'ont pas été prises au sérieux.»

Toujours est-il que dans sa décision, l'Office de la circulation routière lui intime de passer un autre examen, après quoi seulement son retrait serait définitif. «Je pensais que j'avais encore une chance», raconte Michael Geissbühler.

1000 francs pour rien

Lors de ce second examen, le Bernois passe avec brio les tests de concentration et de réaction. Pourtant, dans son rapport au service des automobiles, le médecin du trafic refuse de le déclarer apte à la conduite, invoquant... son échec au test de maintien de l'éveil. Cette fois, le retrait de permis est définitif. Michael Geissbühler n'en revient pas: «Un fois de plus, j'ai dû débourser plus de 1000 francs pour des tests dont le résultat n'ont servi à rien.»

Kristina Keller, responsable de la médecine du trafic à l'université de Zurich, est parfaitement au courant des critiques adressées au test de maintien de l'éveil. «On se demande régulièrement dans quelle mesure ce test est encore d'actualité pour déterminer l'aptitude à la conduite», explique-t-elle à Blick.

«Ils ne se rendent pas compte qu'ils s'endorment»

Avec son équipe, elle cherche à développer des méthodes d'évaluation alternatives. Elle a par exemple mis au point un test qui se déroule, non plus dans une pièce sombre, mais dans un simulateur de conduite. La personne testée doit ainsi suivre un véhicule lors d'un trajet long, monotone et dans l'obscurité, tout en prouvant qu'elle peut réagir à l'imprévu.

«Certaines personnes s'endorment pendant ce trajet, et souvent, elles ne le remarquent même pas. C'est d'autant plus effrayant pour elles lorsqu'un accident se produit.» Le Bernois, quant à lui, se dit conscient de l'enjeu. Mais cela ne fait pas tout: «Il y a des jeunes conducteurs qui prennent beaucoup plus de risques sur la route.»

Michael Geissbühler espère que les services des automobiles reconsidéreront leur méthode d'examen. A cause de son retrait de permis, il ne peut plus rendre régulièrement visite à ses petits-enfants: «Avant, je leur préparais le repas de midi plusieurs fois par semaine. Mais avec les transports publics, je mets beaucoup plus de temps. Cela n'en vaut plus la peine.»

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