Colère dans le nord du Lägern
Vingt-deux propriétaires expropriés pour le dépôt de déchets nucléaires

La Nagra estime que le nord du Lägern est le site le plus approprié pour stocker des déchets nucléaires. Face à l'opposition locale, le directeur de la société assure qu'il ne s'agit pas d'une décision politique, mais d'un choix basé sur des considérations géologiques.
Publié: 13.09.2022 à 14:43 heures
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Dernière mise à jour: 13.09.2022 à 14:46 heures
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«La géologie a parlé», explique Matthias Braun, directeur de la Nagra, pour justifier le choix du nord du Lägern comme futur site de stockage des déchets nucléaires suisses.
Photo: keystone-sda.ch
Sermîn Faki, Sophie Reinhardt

Nord du Lägern: jusqu’à présent, ce nom ne disait probablement rien à personne. Mais cela a changé depuis ce week-end: c’est sur les 65 kilomètres carrés de cette région située dans les cantons de Zurich et d’Argovie que les déchets nucléaires suisses seront à l’avenir stockés, à 900 mètres de profondeur.

L’entrée du dépôt sous-terrain doit être construite dans la commune de Stadel (ZH), sur le site de Haberstal. Dix-huit propriétaires fonciers sont concernés par la construction de cette installation. S’ils ne vendent pas le terrain, ils seront expropriés, si nécessaire.

L’Allemagne demande des indemnités

Des indemnités pourraient être versées à tous ceux dont les terres perdent de la valeur à cause de la construction du dépôt. Les deux régions d’implantation du projet devraient également en recevoir. Mais le montant des réparations n'est pas encore clair. L’argent ne devrait toutefois pas être versé à des communes individuelles, mais à la région dans son ensemble. Le district allemand de Waldshut, proche de la frontière, demande également à toucher des indemnités.

Deux régions d’implantation? Oui, vous avez bien lu. Les déchets nucléaires doivent en effet être «emballés» dans le canton d’Argovie. Plus exactement, dans l’actuel dépôt intermédiaire de Würenlingen – où les employés ont déjà de l'expérience en matière de traitement de ce type de déchets et où seule une extension est nécessaire. Là aussi, des propriétaires doivent céder des terrains. Quatre, très exactement.

Pas avant 2050

Il faudra encore attendre 30 ans avant que le dépôt et l’installation d’emballage des déchets ne soient opérationnels. La Société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs (Nagra) élabore une demande d’autorisation générale qui doit être examinée par les autorités de sûreté.

Le Conseil fédéral décidera ensuite de l’autorisation vers 2029, puis le Parlement. Un référendum peut être lancé contre cette autorisation, ce qui ne manquera pas d’arriver.

La décision définitive concernant le site ne devrait donc pas tomber avant 2031. Les experts les plus optimistes estiment que les déchets seront probablement stockés dans le dépôt en profondeur à partir de 2050.

Conditions géologiques particulièrement appropriées

En théorie, il est même possible que le nord du Lägern échappe à son destin. En effet, l'Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) fixera également des critères de qualification avec l'autorisation générale. La Nagra devra prouver que ces critères sont remplis en réalisant une analyse poussée et détaillée des roches du site. Si celles-ci ne répondent pas aux critères fixés, aucun dépôt en profondeur ne sera construit à cet endroit.

Mais dans les faits, personne ne croit à cette possibilité. C’était une décision sans équivoque, a déclaré Matthias Braun, directeur de la Nagra. Elle a été prise uniquement pour des raisons géologiques. Les argiles à Opalinus – la roche dans laquelle les déchets nucléaires doivent être enfouis – sont présentes sur les trois sites.

Et au nord du Lägern, cette couche d'argile est parfaitement appropriée: elle y est de très bonne qualité, très étendue et éloignée des couches aquifères. «La roche est dense, lie les matériaux radioactifs et se cicatrise d’elle-même en cas de fissure», explique Matthias Braun.

«Pas une décision politique»

La décision a toutefois de quoi surprendre: en 2015, la Nagra ne voulait plus poursuivre l'étude du nord du Lägern, mais se concentrer sur le Weinland zurichois et l'Est jurassien.

Motif invoqué à l’époque: dans la zone de profondeur optimale de 600 à 700 mètres, l’espace disponible pour la construction du dépôt serait trop restreint. Un dépôt situé à une profondeur plus importante serait certes bien protégé contre l’érosion, mais l’endroit présenterait des inconvénients évidents en termes de construction.

L’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) et les cantons avaient toutefois refusé cette explication, soulignant que les inconvénients potentiels en matière de construction mis en avant n'étaient pas suffisamment étayés par des données. La suite lui a donné raison: lorsque la Nagra a réexaminé en détail les trois zones, «il s’est avéré que la roche au nord des Lägern était plus stable que prévu», a déclaré son directeur.

Les opposants à un dépôt en profondeur dans cette région n’en sont pas convaincus et parlent d’une décision politique: la région aurait été choisie parce que c’est là que la résistance est la plus faible.

Le patron de la Nagra n’est pas le seul à contredire ce point de vue. Le conseiller d’Etat zurichois Martin Neukom l’a également fait: «Je suis définitivement d’avis qu’il ne s’agit pas d’une décision politique.» Selon eux, les experts sont arrivés à la conclusion, dès le début de l’été, que le nord du Lägern était le site plus approprié pour accueillir un dépôt de déchets nucléaires.

(Adaptation par Quentin Durig)


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