Si l'on demandait à des conductrices et à des conducteurs de tout âge confondus de quelle manière ils évaluent leurs compétences au volant, la plupart vous répondraient qu'ils s'estiment au-dessus de la moyenne. En principe, les mauvais conducteurs ce sont les autres! Il en va de même entre les générations: les jeunes se pensent meilleurs conducteurs que leurs ainés, alors que ces derniers estiment le contraire, puisque les juniors ont forcément moins d'expérience.
L'article sur Michael Geissbühler (un sénior qui a passé un test d'aptitudes de conduite, qui l'a échoué et qui a donc perdu son permis de conduire) a fait couler beaucoup d'encre. Certains jeunes ont commenté la publication, relevant que les séniors sont un danger au volant, ce à quoi de nombreux aînés ont répliqué qu'au contraire, ce sont les jeunes qui sont les plus dangereux, puisqu'ils sont inexpérimentés, qu'ils surestiment leurs capacités et ne gèrent pas la puissance de leur véhicule. Alors, que disent les experts? Quel groupe d'âge est le plus dangereux au volant et pourquoi?
Pour commencer, posons déjà cela: les statistiques le prouvent, les jeunes conducteurs et les seniors sont tous deux des groupes à risque. Selon l'Office fédéral de la statistique (OFS), les jeunes conducteurs ont joué un rôle plus important en 2023, en particulier dans les accidents avec morts et blessés graves. Ils ont été responsables de 15,5% des blessés graves et des tués sur la route. Chez les plus de 65 ans, ce chiffre s'élève à 11,8%. En revanche un élément n'est pas pris en compte: les jeunes parcourent en moyenne beaucoup plus de kilomètres que les seniors.
Les examens d'aptitudes n'ont rien changé
Depuis 2019, les personnes âgées de 75 ans et plus doivent passer un examen d'aptitude à la conduite tous les deux ans. Néanmoins, cela n'a pas entraîné de baisse mesurable du nombre d'accidents. «Il ne faut pas mettre toutes les personnes âgées dans le même panier», explique le neuro-psychologue et psychologue de la circulation Gianclaudio Casutt.
Une fausse sécurité
L'expert n'est pas partisan des tests obligatoires: «Cela conduit à une fausse sécurité. Certains seniors pensent après le test qu'ils sont encore assez en forme pour conduire parce qu'ils ont reçu le feu vert d'un médecin et non parce qu'ils se sentent effectivement encore prêts à le faire eux-mêmes.» Par ailleurs les séniors se fient souvent plus à l'expert qu'à leur propre évaluation.
Alors que de nombreux jeunes conducteurs se surestiment, d'autres facteurs jouent un rôle chez les seniors: «L'un des aspects les plus importants est la capacité cognitive. Avec l'âge, la flexibilité mentale diminue fondamentalement, ce qui peut influencer la capacité à réagir et à évaluer correctement les différente situations». La vitesse de réaction, la perception et la prise de décision seraient affectées à partir d'un certain âge, mais il faut toujours évaluer l'individu. A partir de cet âge, ces faiblesses seraient compensées par une conduite plus prudente.
Et ailleurs?
La comparaison entre jeunes conducteurs et seniors n'est toutefois pas facile, comme le dit l'expert: «Contrairement aux aînés, les jeunes conduisent volontiers un peu trop vite ou tapent des messages sur leur smartphone, tandis que les seniors sont plutôt dépassés dans des situations imprévisibles et commettent ainsi involontairement des erreurs critiques qui conduisent à des accidents.» Une chose est cependant clairement visible: le groupe situé entre les jeunes et les aînés conduit généralement de manière plus sûre.
Si l'on compare les jeunes et les vieux, un coup d'œil de l'autre côté de la frontière, en Allemagne, permet d'en savoir plus: en matière d'accidents, les jeunes conducteurs de 18 à 24 ans sont responsables de 70% des accidents dans lesquels ils sont impliqués, alors que chez les personnes âgées de 75 ans et plus, cette proportion dépasse 75%.
Les jeunes conducteurs sont responsables de la plupart des accidents graves
Les jeunes conducteurs restent toutefois responsables de la plupart des morts et des blessés graves en Suisse. En 2010, ils étaient plus de 660, tandis que les plus de 75 ans étaient responsables de 165 morts et blessés graves, soit cinq fois moins.
Il convient également de préciser que «les personnes âgées conduisent moins souvent et sont plus vulnérables. Un accident entraîne plus facilement une blessure grave que chez un jeune conducteur», explique Gianclaudio Casutt.
De son point de vue, l'idéal serait de combiner les deux approches, soit la responsabilité personnelle et le contrôle: «Une approche qui me semble judicieuse est d'attirer l'attention des conducteurs sur leur propre état. Ils devraient être encouragés à remettre en question leurs propres capacités et à les examiner de manière critique». Si quelqu'un se rend compte qu'il a des difficultés à conduire sa voiture en toute sécurité, il devrait être prêt à passer à d'autres moyens de transport: «C'est plus sûr pour tout le monde, et cela peut aussi aider à conserver son indépendance à un âge avancé».