Le bitcoin, monnaie numérique décentralisée et cryptée, se positionne en alternative technologique du futur face aux systèmes monétaires vétustes d’après-guerre. Cependant, la reine des cryptomonnaies souffre d’un défaut très «siècle dernier»: son mauvais score environnemental.
Extrêmement énergivore, sa production doit se rabattre sur d’autres solutions que les énergies fossiles. Car à voir la puissance de calcul aujourd’hui requise par la blockchain du bitcoin (à savoir son «hashrate» ou taux de hachage), sa consommation d’énergie n’a jamais été aussi élevée.
Une consommation d’énergie au plus haut
Bitcoin a dépassé les Pays-Bas
Le minage du bitcoin utilise en effet d’énormes quantités d’électricité. Pour créer de nouveaux bitcoins, les participants au réseau doivent les «miner». Cela signifie qu’ils doivent valider les transactions sur la blockchain, en résolvant des problèmes mathématiques complexes. Cela nécessite une énorme puissance de calcul.
Les mineurs s’affrontent pour trouver la solution, et le gagnant reçoit les nouveaux bitcoins minés en récompense. Ce processus, appelé «proof of work» (PoW), est responsable des émissions de gaz à effet de serre.
L’électricité consommée par l’algorithme est souvent produite par des énergies fossiles, qui émettent du CO2 et d’autres gaz à effet de serre, responsables de réchauffer la planète. Actuellement, il est estimé que la consommation énergétique du bitcoin atteint 75% de celle de la France et dépasse désormais celle des Pays-Bas.
Bank of America avait par ailleurs calculé, en mars 2021, que les émissions de CO2 du bitcoin par volume, par exemple pour 1 milliard de dollars de transactions, était plus élevé que pour n’importe quelle autre activité humaine. L’achat d’un bitcoin à un prix de 50'000 dollars (il est à 30'000 actuellement) avait une émission carbone de 270 tonnes, soit 60 moteurs à combustion de voitures. Un afflux de 1 milliard de dollars dans le bitcoin équivalait à 1,2 million de voitures ayant roulé une année, ou à la consommation de 12,7 millions de barils de pétrole.
Solution 1: Changer le code?
Dès lors, le bitcoin et les autres cryptomonnaies sont la cible des activistes du climat, dont Greenpeace. Ceux-ci plaident notamment pour modifier le processus de minage. Un changement de code informatique peut, selon eux, réduire l’impact environnemental en réduisant le besoin de puissance de calcul. Le code est open-source. Il est donc publiquement accessible.
Plutôt qu’une vérification Proof-of-Work, les activistes du climat réclament un processus moins intensif en énergie, qui ne repose pas sur la vitesse. Comme le «Proof-of-Stake» (PoS), protocole utilisé par l’autre grande cryptomonnaie, Ethereum.
Mais cette solution PoS ne fait pas l’unanimité chez les spécialistes, qui estiment qu’elle ne peut pas garantir une sécurité des transactions de même niveau que le PoW. En outre, il faudrait que l’ensemble des mineurs de bitcoin soient d’accord d’adopter la nouvelle solution, ce qui semble loin d’être garanti. Rien ne les empêcherait de continuer d’utiliser la solution polluante.
Solution 2: Energies renouvelables
Moins technique, la solution des énergies renouvelables. Bonne nouvelle, on assiste à une constante migration de l’activité de minage vers ces nouvelles énergies, souligne Ludovic Thomas, COO chez Prosperity Digital et expert en infrastructures de minage alimentées par l’énergie renouvelable.
Au point que plus de la moitié de la consommation électrique du minage serait aujourd’hui d’origine renouvelable (56%), contre 52,5% en septembre 2022, et 39,7% en mars 2021. Un progrès significatif. En comparaison aux autres secteurs, le bitcoin serait même premier de classe, avance Ludovic Thomas: «La part renouvelable est de 39,2% pour le secteur bancaire, de 32% pour l’industrie et de 12,8% pour l’industrie de l’or.»
De nombreuses sociétés de minage ont établi des contrats avec des fournisseurs d’énergies renouvelables. Ces derniers peuvent, en périodes de surproduction d’énergie, utiliser l’énergie en trop pour miner du bitcoin.
Cette solution permet d’éviter de gaspiller de l’énergie renouvelable et de la mettre à profit pour créer des bitcoins, tout en faisant gagner de l’argent aux fournisseurs. «Le projet Volcano Energy, au Salvador, est prêt à accueillir l'une des plus importantes installations de minage de bitcoins au monde, utilisant des sources d'énergie solaire et éolienne», indique Géraldine Monchau-Richard, senior manager chez Criptonite Asset Management à Genève.
Des data centers énormes ont par ailleurs été construits dans des pays politiquement stables, comme les Etats-Unis, offrant des sources d’énergie renouvelables, comme Riot blockchain au Texas. «Cependant, met en garde Ludovic Thomas, des infrastructures de cette taille représentent un risque de centralisation, mais aussi un risque économique pour une société en cas de catastrophe naturelle ou même de changement au niveau des régulations.»
Solution 3: L’énergie nucléaire
«Étonnamment, l'énergie nucléaire pourrait être une solution», estime Géraldine Monchau-Richard. Elle évoque l’exemple de Nautilus, la première mine de bitcoin alimentée par l'énergie nucléaire, qui commencera ses activités cette année aux Etats-Unis. «Elle n'émettra pratiquement pas de carbone!» Pour l’experte, cette palette des solutions montre déjà «qu’il existe de nombreuses options durables à explorer et que celles-ci soutiendront l'adoption du bitcoin à une plus grande échelle».
Solution 4: Economie circulaire
«C’est la phase que nous commençons à vivre actuellement, souligne Ludovic Thomas. Les compagnies de minage cherchent à incorporer le minage avec d’autres activités, notamment en réutilisant la chaleur qui est émise».
Ce partage de ressources permet la création d’une économie circulaire, avec la réutilisation de la même énergie deux fois (d’électrique à thermique) et permet également aux compagnies de minage de générer des revenus supplémentaires en revendant la chaleur. Une perspective prometteuse qui permet de collaborer avec des collectivités ou des producteurs agricoles, par exemple pour complémenter le chauffage à distance, préchauffer de l’eau ou chauffer des serres.
Solution 5: Cesser de miner
En mars 2021, une étude d’un hedge fund néerlandais préconisait tout simplement d’arrêter de miner des bitcoins. «A quoi bon miner 2,4 millions de bitcoins en plus? s’interrogeait l’un des associés fondateurs, Bram Cornelisse.
Son raisonnement était que, pour passer des 19 millions de bitcoins actuels aux 21 millions définitifs, il y aurait beaucoup de gaspillage d’énergie peu utile. «Qu’il y ait 19 millions ou 21 millions de bitcoins en tout n’est pas un facteur déterminant pour le prix du bitcoin, qui est déterminé par le marché.» Et même si 100% du bitcoin était miné en utilisant de l’énergie renouvelable, cette électricité pourrait être utilisée pour des activités plus utiles à la société, qui sont actuellement dépendantes d’énergies fossiles, estimait l’analyste basé à Amsterdam.
Bram Cornelisse maintient ce point de vue aujourd’hui. Pour lui, miner moins n’a que des avantages, puisque cela signifie aussi de préserver la rareté du bitcoin, et donc sa valeur, tout au bénéfice des investisseurs qui en possèdent.
La consommation d’énergie du bitcoin va augmenter à l’avenir, rappelait le financier, car la confirmation des transactions par algorithmes deviendra toujours plus intensive en énergie. Sachant cela, les bénéfices d’avoir davantage de bitcoins valent-ils l’impact environnemental? Sa conclusion: pour ceux qui veulent un actif rare, et un environnement propre, la réponse est: cessez de miner du bitcoin!