Un résident suisse sur quatre aurait déjà été confronté aux poursuites, d'après un communiqué du Parti socialiste (PS) genevois, publié le jeudi 12 octobre. Intitulée «En finir avec le stigmate des poursuites», la missive présente deux projets du parti, qui viseraient à lutter contre le surendettement.
L'un est une résolution à l’Assemblée fédérale, qui demande «un cadre plus strict en matière de radiation des poursuites payées». L'autre — plus surprenant, de prime abord — est une motion fédérale, qui «propose de faciliter l’accès à la procédure de faillite personnelle».
Quel impact réel auraient de telles mesures sur le surendettements des habitants? Pour y voir plus clair, Blick a contacté le Conseiller national genevois Christian Dandrès (PS), premier signataire du projet. Interview.
Christian Dandrès, est-ce que vous avez déjà été mis en poursuites?
(Rires) Non, jamais. Mais je côtoie de près et défends des personnes qui l'ont été ou qui le sont, étant juriste à l'Association suisse des locataires (ASLOCA). Et avocat des syndicats.
Y a-t-il un tabou, autour des dettes en général, et surtout des poursuites, en Suisse?
La société suisse est très axée sur des valeurs comme le travail. Être pauvre, avoir des dettes et ne pas trouver de travail est donc un élément discriminant. On culpabilise beaucoup les personnes qui ont de bas revenus, dans une logique néo-libérale: si vous ne gagnez pas assez, ou si vous ne trouvez pas de travail, c'est votre faute, d'une façon ou d'une autre. Ainsi, les gens en difficulté financière sont des citoyens de seconde zone. Et ils sont de plus en plus nombreux, de nos jours. Pour moi, la pauvreté et la précarité sont devenues structurelles.
C'est-à-dire?
De plus en plus de personnes travaillent, mais n'arrivent pas à boucler les fins de mois. C'est une réalité. Surtout dans les agglomérations comme Genève, où les loyers sont très élevés. Sans parler de la hausse des primes d'assurance maladie annoncée pour 2024.
Votre premier texte, une motion fédérale, propose de faciliter l’accès à la faillite. En quoi est-ce que ça aiderait les personnes surendettées? Ça sonne un peu contre-intuitif…
La vraie solution contre le surendettement, ce sont des salaires qui permettent aux gens de vivre. Avec cette motion fédérale, nous sommes en aval du problème: après des mois de précarité, de nombreux ménages sont surendettés et ne peuvent plus rebondir. Et notre système des poursuites est, en l'état, assez moyenâgeux.
En quoi?
Il peut maintenir des familles précaires dans les ennuis durant des décennies... La procédure de faillite personnelle doit permettre de remettre le compteur à zéro. Aujourd’hui, les conditions sont trop restrictives. Il faut démontrer qu'on est surendetté au point de ne jamais réussir à régler ses dettes. Prouver qu'on a tenté de trouver un accord avec le créancier, mais que cela n'a pas fonctionné. Et finalement débourser... 4000 francs. Où est-ce qu'une personne surendettée est-elle censée trouver cette somme? C'est absurde.
Le second projet, déposé au niveau du canton de Genève, cette fois, demande «un cadre plus strict en matière de radiation des poursuites payées». C'est-à-dire?
Aujourd'hui, une fois qu'une poursuite a été payée, elle n'est pas automatiquement radiée du registre des poursuites. Registre dont on demande l'extrait par exemple pour obtenir un logement. Et lors de procédures d'embauche, dans beaucoup de professions. Ce texte souhaite simplement automatiser la radiation des poursuites payées, sans que le débiteur doive faire de procédures supplémentaires et payer des frais en plus. C’est une question de bon sens.
Tout cela n’empêchera pas les gens d’être mis en poursuites.
Non, en effet, et le Parti socialiste s'engage pour de meilleurs salaires et des conditions de vie dignes. Mais ces propositions permettront à celles et ceux déjà surendettés de s'en sortir et de rebondir plus facilement.