Certains ont déjà fait faillite
Un géant indien de la construction pousse des artisans suisses vers la ruine

L'entreprise générale Steiner AG, aux mains d'un géant indien de la construction, ne paie pas entièrement les artisans du lotissement «La Colline» à Arlesheim (BL). Ceux-ci veulent se défendre contre ce comportement déloyal.
Publié: 11.12.2023 à 10:35 heures
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Dernière mise à jour: 11.12.2023 à 11:16 heures
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Leurs entreprises sont assises sur des factures impayées : Aytac Cetinkaya de la société Kurt Borer AG et Mersim Zeqiri de la société MFLUR AG devant le lotissement «La Colline» à Arlesheim.
Photo: Philippe Rossier
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Daniel Jung et Philippe Rossier

Le tout nouveau lotissement «La Colline» à Arlesheim (BL) promet, selon son site Internet, «une qualité de vie maximale». Les 29 appartements en copropriété et les 16 maisons individuelles ont d'ailleurs été livrés cette année. Le lotissement a été construit par l'entreprise générale Steiner AG, un grand prestataire de services immobiliers qui fait partie depuis 2010 de la Hindustan Construction Company Ltd. dont le siège est à Mumbai. À Zurich, cette entreprise a réalisé des constructions prestigieuses comme la Prime-Tower, le centre commercial Sihlcity ou le trio de tours Vulcano.

Le problème à Arlesheim: l'entreprise générale Steiner AG est encore loin d'avoir payé intégralement tous les artisans impliqués sur le chantier. Et ce, bien que les 45 unités du lotissement aient entre-temps été vendues à des prix compris entre 1,2 et 2,4 millions de francs.

Une menace existentielle

L'entreprise MFLUR AG de Zoug, dirigée par Mersim Zeqiri, a posé des parquets et installé des escaliers. Sur un total d'environ 1,1 million de francs, il manque encore à l'entrepreneur près de 400'000 francs.

Les travaux de plomberie, de ventilation et de chauffage d'une valeur d'environ 4,2 millions de francs ont été effectués par l'entreprise Kurt Borer AG de Reinach. Le directeur Aytac Cetinkaya, 40 ans, a encore plus de 1,2 million de francs à encaisser. «Il s'agit de créances de base issues du contrat d'entreprise», souligne-t-il. Les deux entreprises sont menacées par les impayés. «Il en va de l'avenir de mon entreprise», déclare Aytac Cetinkaya. Il ne peut pas se permettre de perdre l'argent qui lui manque. «Le premier électricien qui a participé au projet a déjà fait faillite».

Un déroulement chaotique

La construction du lotissement a été menée de manière chaotique. «C'était laborieux», dit Mersim Zeqiri. Des changements ont eu lieu à plusieurs reprises au sein de la direction des travaux. Dans les phases ultérieures de la construction, la planification des délais faisait presque totalement défaut. «Personne ne voulait prendre la responsabilité de l'ensemble du projet», explique le patron de MFLUR AG. En dernier lieu, seuls des freelances coordonnaient encore les travaux sur le chantier, l'entreprise Steiner n'avait plus de chefs de projet sur place.

Les travaux de construction ont donc été retardés, selon Aytac Cetinkaya. La situation s'est aggravée parce que Steiner n'a pas versé les acomptes convenus. De plus, les fournisseurs de matériaux de construction sont devenus prudents et ont parfois exigé un paiement anticipé. Les constructions n'ont pu être achevées que grâce à l'engagement des artisans impliqués. Outre MFLUR AG et Kurt Borer AG, d'autres entreprises artisanales attendent encore leur argent — par exemple des paysagistes, des constructeurs de façades et des électriciens. Cinq entreprises veulent désormais agir ensemble contre Steiner AG.

Incendie dans la distribution électrique

Steiner AG attribue les problèmes rencontrés dans le déroulement des travaux à un incendie survenu en décembre 2022, qui a détruit la distribution électrique principale du lotissement. «En raison d'un incendie survenu peu avant l'achèvement de la première étape de construction, les livraisons suivantes ont dû être replanifiées et réorganisées», explique Alfred Köcher, spécialiste en communication. Il affirme que le paiement des entreprises a été effectué conformément au contrat. «Malheureusement, des déficits importants sont apparus dans la fourniture des prestations de certains entrepreneurs, ce qui a nécessité des mesures de remplacement». Cela signifie que pour certains travaux, d'autres entreprises ont dû procéder à des améliorations.

Un dialogue constructif est en cours avec les entreprises insatisfaites. «Steiner AG part du principe qu'à la fin du projet, au cours du prochain trimestre, tous les points en suspens auront été réglés». Une solution aurait déjà été trouvée avec une entreprise. Alfred Köcher constate que les montants dus aux entreprises susmentionnées sont «considérablement inférieurs». Au total, plus de 80 sous-traitants sont intervenus sur le chantier de «La Colline».

Problèmes à Laufen BL

Détail piquant: Blick avait déjà fait état d'un cas similaire en 2019, lorsque l'entreprise Steiner devait 359'000 francs au menuisier Felix Räbsamen. Depuis, d'autres problèmes ont été rendus publics.

En 2020, des conflits concernant le parc de la Baloise, près de la gare CFF de Bâle, ont été rendus publics. Là aussi, il s'agissait de factures non payées. Enfin, la construction de l'école secondaire de Laufen (BL) a donné lieu à un conflit public et à un désaccord entre le canton de Bâle-Campagne et Steiner AG. En mai 2020, le canton a ordonné l'arrêt des travaux. Ensuite, il a même fait appel à du personnel de sécurité pour empêcher les collaborateurs de Steiner de se rendre sur le chantier.

Nouvelle stratégie Steiner

En février 2021, Steiner AG avait annoncé qu'elle abandonnerait les activités d'entreprise totale et générale en Suisse alémanique dès que les projets en cours seraient terminés. Désormais, l'entreprise doit se positionner comme un «pur promoteur immobilier avec des compétences en construction». Selon Alfred Köcher, cette décision n'a rien à voir avec des problèmes sur les chantiers. «Il s'agissait d'une décision stratégique des actionnaires».

Les tenants et aboutissants de cette décision ne sont pas très clairs. Cette semaine, on a également appris que l'Hindustan Construction Company allait vendre la filiale de Steiner, Steiner Construction SA, au groupe de construction français Demathieu Bard. «Les entreprises générales ont les plus gros volumes de construction sur le marché», explique Aytac Cetinkaya. C'est pourquoi, selon lui, il est difficile pour une entreprise artisanale de se passer de la collaboration de ces grands acteurs.

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