La Confédération ne devra pas financer la recherche dans le domaine de l’endométriose via le Fonds national suisse. Lundi 11 décembre, le Conseil des États a rejeté, par 23 voix contre 11 et 9 abstentions, une motion portée par le Valaisan Benjamin Roduit (Le Centre).
Une décision qui fait bondir la Verte Céline Vara. Ce mardi, au lendemain du vote, la sénatrice neuchâteloise se dit «dépitée». Interview.
Céline Vara, le Conseil des États a voté «non» au financement de la recherche sur l’endométriose, ce lundi 11 décembre. D’après vous, est-ce que la composition majoritairement masculine de la Chambre haute peut expliquer ce rejet?
Comme on dit, «on ne protège que ce que l’on connaît». Je constate que l’endométriose est une problématique intimement liée à la condition féminine et qu’au Conseil des États, il n’y a manifestement pas une sensibilité majoritaire pour lutter contre cette maladie. C’est aussi, malheureusement, le cas dans la recherche. Quand vous tapez le mot «prostate» dans le moteur de recherche du Fonds national suisse de recherche, 246 projets financés apparaissent.
Et pour «endométriose»?
C’est seulement 9. Pourtant, c’est la cause d’infertilité d’une femme sur deux en Suisse. Les femmes ont subi et continuent de subir une errance médicale longue et coûteuse. Il faut souvent des années pour poser un diagnostic. Il y a une normalisation des douleurs menstruelles, on fait croire que c’est normal. Mais non, ça ne l’est pas.
Quel message adressez-vous aux élus qui se sont opposés à cette motion?
Je peux comprendre l’argument selon lequel la politique ne doit pas donner d’injonction à la recherche. Ce n’est pas à nous de dire à la science ce qu’elle doit faire. Mais il y a là un déséquilibre manifeste. La volonté vient aussi d’en bas. La motion de Benjamin Roduit (Le Centre) a été élaborée avec des professionnels de la santé et soutenue par la Société suisse de gynécologie et d’obstétrique. Une pétition a également été signée par près de 19’000 personnes.
Le conseiller fédéral Guy Parmelin a appelé à voter contre la motion. Il avançait que plusieurs projets finançant les recherches sur l’endométriose existent déjà. Que lui répondez-vous?
Des projets qui visent spécifiquement des recherches sur l’endométriose, il n’y en a plus depuis 2014. Le projet auquel il fait référence ne porte pas directement sur l’endométriose. Notre objectif aujourd’hui, c’est de trouver la cause de cette maladie et d’en guérir! La France et l’Allemagne ont des plans d’actions nationaux. On ne parle pas d’un simple financement de recherche, mais bien d’une priorité politique en matière de santé publique.
Qu’est-ce qui explique ce retard de la Suisse par rapport à la France ou l’Allemagne?
En Suisse, il y a un mépris des maladies féminines. C’est complètement fou comme peu de crédit est accordé à ces questions alors qu’elles concernent la moitié de la population! On a un système patriarcal encore extrêmement fort. L’égalité, les besoins liés au postpartum ou encore aux maladies féminines sont peu défendus en Suisse. Je rappelle que nous avons le congé maternité le plus court du territoire européen et seulement un semblant de congé paternité.
Comment garder espoir dans ces conditions?
Je suis dépitée, de manière générale, sur toutes ces questions. On me répond toujours: «On sait», «on a conscience que», «on comprend la souffrance». Et, au final, on ne débloque pas les moyens politiques et financiers… Mais si on baisse les bras, qui agira? J’ai été élue pour représenter les personnes qui sont touchées par ces thématiques et qui comptent sur moi.
La santé des femmes en général est une thématique qui vous tient à cœur, vous travaillez actuellement sur l’encadrement des femmes subissant une dépression postpartum. Quelle est votre ambition politique?
Faute de résultats au Parlement, une initiative fédérale portant sur la prise en charge autour de la femme et de l’enfant pourrait voir le jour. Le Parlement fait régulièrement preuve de dédain à l’égard des besoins et de la condition des femmes, ce qui motive les associations à travailler sur un tel projet. C’est une question de santé publique. Étant donné qu’il y a une absence de volonté à aller de l’avant, j’ai le sentiment qu’il faudra donner une impulsion qui vient de la population, appuyée par les milieux associatifs…