Ce que nous apprend le cas allemand
Initiative sur le frein aux coûts: faut-il craindre une médecine à deux vitesses?

Les opposants à l'initiative sur le frein aux coûts mettent en garde contre le risque d'une médecine à deux vitesses. Selon eux, une victoire dans les urnes favoriserait les titulaires d'une complémentaire. Mais est-ce vrai? Voici ce que montre l'exemple de l'Allemagne.
Publié: 29.05.2024 à 06:04 heures
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Dernière mise à jour: 29.05.2024 à 06:35 heures
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Les assurés de base vont-ils rester dans la salle d'attente plus longtemps?
Photo: geisser
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Sermîn Faki

Temps d'attente, restrictions, médecine à deux vitesses: si l'on en croit les arguments des opposants à l'initiative sur le frein aux coûts, l'acceptation de cette dernière mettrait en péril notre système de santé universel. Pour appuyer leur propos, ils se réfèrent à la Grande-Bretagne, à l'Australie – ou encore à l'Allemagne.

Là-bas, les cabinets médicaux disposent de ce que l'on appelle des budgets globaux: une certaine somme est allouée à chaque médecin généraliste. Une fois celle-ci épuisée, le médecin reçoit – sauf rares exceptions – moins d'argent pour d'autres prestations. En d'autres termes, il renonce à prendre en charge de nouveaux patients ou il y met de sa poche. 

Selon les opposants au texte sur les freins aux coûts, cette pratique a pour conséquence que les patients qui ne sont pas seulement couverts par l'assurance de base, mais par une assurance privée (où un tel budget n'existe pas), sont traités en priorité lorsqu'ils souhaitent obtenir un rendez-vous ou un traitement. Mais est-ce vraiment le cas?

Près de la moitié des patients sont pris en charge dans un court délai

Si vous prenez contact avec un médecin en Allemagne, il vous demandera immédiatement si vous êtes assuré par la loi ou par une assurance privée. Il y a donc bel et bien des différences. Mais celles-ci ne sont pas aussi importantes que le disent les opposants à l'initiative sur le frein aux coûts. Et surtout, elles ne semblent pas déranger les patients outre mesure.

C'est en tout cas ce que montre un sondage de la Kassenärztliche Bundesvereinigung, l'association fédérale allemande des médecins conventionnés, qui gère l'organisation des soins ambulatoires et qui – comme son nom l'indique – défend les intérêts des médecins conventionnés.

Ainsi, 46% des personnes interrogées affirment avoir obtenu un rendez-vous «immédiatement» ou dans les trois jours, 14% ont attendu jusqu'à une semaine, 12% jusqu'à trois semaines et 14% plus de trois semaines. Et, chose à peine imaginable en Suisse, mais normale en Allemagne: 11% sont allés chez le médecin spontanément, sans rendez-vous.

Chez les spécialistes, tout dépend de l'assurance

Les temps d'attente dépendent en outre fortement du type de cabinet médical: alors que les patients continuent d'arriver sans trop attendre chez les médecins de famille, ils doivent prendre leur mal en patience chez les spécialistes: ici, 47 % attendent plus de trois semaines pour un rendez-vous et 20% entre une et trois semaines.

Selon l'enquête, il n'y a guère de différence entre les assurés privés et les assurés légaux. Ce n'est que pour les délais d'attente supérieurs à trois semaines – qui concernent surtout les spécialistes – que le nombre d'assurés légaux est deux fois plus élevé (15% au lieu de 8% chez les assurés privés). Et selon la Kassenärztliche Bundesvereinigung, les différences se seraient même réduites au cours des dernières années. «Les urgences sont toujours traitées et ont la priorité, quel que soit le type d'assurance», déclare Roland Stahl, le porte-parole de l'association.

Les Allemands semblent donc satisfaits de leur système de santé, si l'on en croit ce sondage qui date toutefois de 2021. Mais depuis des années, la part de personnes qui estiment que le délai d'attente n'a pas été trop long gravite autour des 80%.

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