Caroline George, une juriste et guide de montagne en Valais, s'y connaît en matière d'accidents sur les sommets. En tant que présidente du groupe spécialisé dans l'expertise des accidents de montagne (FEB), elle aide la justice et les assurances à évaluer les accidents de montagne. Lorsqu'il s'agit d'analyser les décès dans les Alpes, c'est elle l'experte!
Le mercredi 3 avril 2024, à 9h25, Caroline George a elle-même enduré une rude épreuve: son mari Adam George a perdu la vie dans le tragique accident d'hélicoptère survenu au Petit Combin, dans les Alpes valaisannes, avec deux autres personnes. Outre le guide de montagne suisse, le pilote Vincent T.* et l'irlandais Conor A.* on été tués dans l'accident impliquant un hélicoptère d'Air Glacier. «Adam est sorti de chez lui à 07h du matin. C'est la dernière fois que je l'ai vu», raconte la quadragénaire dans un entretien à Blick, environ 50 jours après la tragédie.
Trois autres passagers ont miraculeusement survécu au crash.
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«Pour l'instant, c'est difficile de penser à mon travail»
Depuis le drame, la vie de Caroline George et de sa fille Olivia est bouleversée. «Adam a toujours su qu'il côtoyait la mort», explique sa veuve. «Aujourd'hui, nous continuons à recevoir des lettres pour lui.» Le souvenir de cette perte tragique lui revient sans cesse. «C'est très, très difficile pour moi».
Malgré le chagrin causé par la mort de son mari, Caroline George veut rester forte: «Je dois être là pour mon enfant, pour qu'elle puisse faire le deuil de son père.» La veuve souhaite aujourd'hui que la vie de sa fille se poursuive aussi «normalement» que possible.
Au deuil s'ajoutent désormais certaines angoisses difficiles à gérer. «Pour l'instant, c'est difficile de penser à mon travail de guide de montagne», explique Caroline George. «S'il m'arrivait quelque chose, ma fille serait orpheline. C'est impensable», cauchemarde la guide. Même vivre dans la maison familiale relève de l'épreuve: «Adam l'a construite de ses mains. Vivre ici n'est pas facile pour moi.» Tout rappelle Adam. Sur le mur, une photo de la famille au sommet d'une montagne, des visages souriants. «Je ne sais pas comment tout ça va continuer», lâche alors la veuve.
Des conditions météos «difficiles» et un phénomène très spécifique
Comprendre les raisons du drame est devenu vital pour Caroline George. En tant qu'experte en accidents de montagne, elle s'est elle-même intéressée à l'affaire qui a coûté la vie à son mari. Caroline George ne veut certes pas aller plus vite que l'enquête du Service d'enquête de sécurité suisse (Sust), mais elle est certaine que «cette chute aurait pu être évitée». La veuve estime que plusieurs facteurs ont pu conduire à l'accident.
En quête de réponses, elle s'est entretenue avec des pilotes et des guides de montagne. Mais surtout, avec les trois survivants. «Les conditions sur le lieu d'atterrissage devaient être très difficiles ce jour-là», analyse-t-elle-
Parmi les hypothèses avancées par la veuve? Un possible «whiteout» (ou temps laiteux), un phénomène optique durant lequel les contrastes sont nuls et où tout semble enveloppé d'une lueur blanche qui atténue la visibilité. Ainsi, s'il y avait beaucoup de neige fraîche sur le Petit Combin, celle-ci aurait été soulevée par l'hélicoptère en approche. «Avec les nuages, cela aurait pu conduire à un whiteout qui pourrait atténuer la visibilité du pilote. Dans un tel cas, tout est blanc, on ne voit rien», explique la guide de montagne. L'hélicoptère a ensuite probablement percuté le sol et a chuté d'environ 1000 mètres sur la face nord.
L'accident aurait-il pu être évité?
Le plus tragique dans l'affaire, c'est que le pilote de l'appareil aurait pu savoir ce qui l'attendait sur le lieu d'atterrissage. Caroline George a fait des recherches à ce sujet: «Peu avant lui, deux engins avaient apparemment déjà atterri à cet endroit, ils avaient vu à quel point les conditions y étaient difficiles.»
Mais il n'y a pas eu de message radio d'avertissement pour les hélicoptères qui suivaient. «Il n'y a malheureusement pas de protocole ni d'obligation pour cela dans l'aviation héliportée», explique l'experte en accidents. «Ainsi, le pilote de l'appareil de mon mari a peut-être été surpris par les conditions. Une circonstance qui peut être fatale en cas de whiteout.»
Mais Adam George semblait, lui, conscient du danger: «Pendant le vol, il a écrit à un collègue pour lui dire qu'il n'était pas sûr qu'un atterrissage soit possible. C'est son dernier signe de vie», raconte sa veuve.
«Nous n'avons actuellement aucune information sur le déroulement de l'accident», explique Bernard Vogel, CEO d'Air Glaciers, qui renvoie à l'enquête de la Sust. On ne sait pas non plus si les engins qui ont atterri avant auraient pu ou dû avertir les appareils suivants. «Le fait est qu'il existe une fréquence spéciale pour les vols en montagne, sur laquelle tous les pilotes qui atterrissent sur des places d'atterrissage en montagne sont en contact les uns avec les autres», conclut Bernard Vogel.
* Noms modifiés