La télévision d'État russe était prête à tout pour mettre au tapis Viola Amherd – même à remonter jusqu'à l'enfance de la présidente de la Confédération. La semaine dernière, à une heure de grande écoute, la première chaîne russe a diffusé des images de Viola Amherd, alors âgée de 14 ans, participant à un jeu télévisé allemand avec des camarades de classe en 1976.
«Dès son adolescence, elle participe à un concours dont la victoire est payée avec de gros billets de banque, commente la présentatrice Maria Butina à propos de l'image d'archive. Depuis, plus d'un demi-siècle s'est écoulé, et rien n'a changé.» Viola Amherd est accusée d'être «banquière obscure» aux «initiatives de paix sanglantes», affirme l'ancienne agent secret à la télévision. Le ton est donné pour les 50 prochaines minutes à venir.
La Russie accuse la Suisse d'imposer des négociations
La chaîne de télévision la plus populaire de Russie a ainsi consacré une émission entière à la présidente de la Confédération suisse. Mais pourquoi cet intérêt soudain pour la politique suisses et ses acteurs? Nul besoin de chercher très loin: la conférence sur l'Ukraine qui se tiendra dans un peu plus de deux semaines au Bürgenstock, a suffi de mettre le feu aux poudres.
À lire aussi sur le Bürgenstock
Il y a quelques jours de cela, le Kremlin a fait fuiter un prétendu projet de déclaration au sujet de la conférence de paix. Le message des Russes? Tout est truqué. Sergei Garmonin, l'ambassadeur russe en Suisse, en a rajouté une couche sur la plateforme d'information Nau. On tenterait d'imposer à la Russie «une sorte de consensus» sans réelle possibilité de négociation, s'insurge-t-il.
Le contenu de la déclaration finale sera certainement différent de ce que prétendent les Russes. Mais travailler sur des propositions de déclaration avant de telles négociations est tout à fait normal.
Viola Ahmerd accusée d'être moche, célibataire et avare
Mais les affirmations que la présentatrice et les huit «experts» présents à l'émission font à propos de notre présidente sont encore bien plus abracadabrantes, rapporte la «NZZ» mercredi. La politicienne valaisanne du Centre serait une célibataire solitaire qui aime le luxe, selon la «styliste et faiseuse d'image» Galina Loboda employée par la chaîne Russia Today. La «preuve» en est l'«Omega» au poignet de Viola Amherd, qui coûte environ 10'000 francs. La politicienne est pointée du doigt pour son prétendu besoin d'argent pour s'acheter ses bijoux de luxe.
La styliste russe ne se retient même pas de faire du bodyshaming – une critique focalisée sur l'aspect physique: «Viola Amherd n'est pas très séduisante par nature», tout comme les Suissesses en général, ajoute un autre invité du studio. «Et comment les femmes se comportent-elles dans de tels cas?» Elles font carrière, assomme la Russe. Un peu plus tard, Galina Loboda en remet une couche: «Cela ne m'étonnerait pas qu'elle soit fanatiquement religieuse. Mais elle ne le montre pas.»
Nemo et l'armée suisse passent aussi au crible
Dans un enchaînement arbitraire de faits et d'images sortis de leur contexte, Viola Amherd est mise en relation avec des scandales de corruption ou dénigrée comme «tueuse de bébés» et «sataniste» parce que l'avocate s'était autrefois engagée pour le droit à l'avortement. Plus tard, la présentatrice s'entretient avec un représentant de la branche suisse du gang russe de motards Nachtwölfe. Mais lorsque celui-ci se permet de faire remarquer que Viola Amherd n'est pas vraiment très puissante en tant que présidente de la Confédération, il est rapidement déconnecté.
La présidente de la Confédération n'est pas la seule à se faire dézinguer. Le Bürgenstock et la Suisse en général se retrouvent aussi dans le collimateur de la propagande russe. Le sommet serait une «plateforme d'hypocrisie». La victoire de Nemo à l'Eurovision et l'achat d'avions de combat américains font également partie de cette mascarade pour discréditer l'événement et ses organisateurs.
Le département de Viola Amherd ne s'est pas exprimé sur l'attaque contre la conseillère fédérale. Les autorités s'attendaient à ce que la Russie tente par tous les moyens de torpiller le sommet. La propagande et les fake news ne sont qu'une partie de l'arsenal déployé par Vladimir Poutine. La Confédération met également en garde contre les cyberattaques ciblant la conférence de paix.