Avec son sommet pour la paix prévue les 15 et 16 juin au Bürgenstock (NW), la Suisse fait les gros titres dans le monde entier. L'objectif est ambitieux: il s'agira de convaincre des états influents comme la Chine à envoyer des représentants en Suisse centrale. Même le président américain Joe Biden pourrait y assister.
Mais l'absence (de taille) de la Russie fait aussi énormément réagir. Le Kremlin justifie ce refus car, selon lui, seul le plan de paix des Ukrainiens servira de base. Une affirmation que le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis a nié ce mercredi lors d'une conférence de presse. Et puis Moscou considère surtout que la Suisse n'est plus un pays neutre en raison de ses sanctions et de sa position prise dans la guerre.
Dans ces conditions, peut-on espérer le succès du sommet suisse, ou est-il voué à l'échec avant même d'avoir commencé?
Une chose est sûre: il ne faudra pas s'attendre à une solution pour la paix en juin. Laurent Goetschel, directeur de la Fondation suisse pour la paix Swisspeace, précise: «Il ne s'agit pas d'une véritable conférence de paix, mais d'une conférence sur un processus de paix potentiel en Ukraine.» Son succès dépendra de qui participera réellement, des sujets abordés, de ce qui sera ignoré et si les participants parviendront à un consensus à la fin. «À l'heure actuelle, faire une prévision est très difficile», ajoute Laurent Goetschel.
Pour que la Suisse réussisse en tant que médiatrice, il conseille: «En tant qu'hôte et organisateur, il faut paraître le plus impartial possible et rester discret dans la communication.»
Des détours pour arriver au but?
Le Bürgenstock pourrait toutefois être le début d'un processus qui, par des voies détournées, conduirait à un apaisement de la situation en Ukraine. Ulrich Schmid, spécialiste de la Russie à l'Université de Saint-Gall, estime que «la conférence est une initiative pragmatique, car on pourra éventuellement augmenter la pression sur Poutine, notamment par le biais de la Chine».
Pour Ulrich Schmid, il est exclu que la Russie elle-même participe un jour à un tel sommet en Suisse. Les deux parties du conflit accepteraient probablement plus facilement d'entamer des négociations dans des lieux tels que la Turquie ou les Emirats arabes unis.
Mais même avec le Kremlin à la table, la question se pose de savoir si l'on peut faire confiance à la Russie. «Toutes les solutions de paix avec Poutine sont précaires, car peu avant l'invasion de l'Ukraine, il avait menti aux chefs d'Etat occidentaux en leur disant qu'il ne prévoyait pas d'attaque», explique Ulrich Schmid. La situation est complexe. Selon lui, «la Russie a toujours simulé une volonté de négocier, pour donner l'impression au monde que l'Ukraine s'oppose à une solution pacifique.»
Pas de deuxième Yalta
C'est pourquoi la question se pose de savoir quel dommage moral serait déjà causé si l'on proposait à la Russie une place à la table des négociations. Ulrich Schmid souligne: «La Russie ne veut pas négocier avec l'Ukraine, mais avec les Etats-Unis. Cela signifierait la création d'une nouvelle conférence de Yalta, avec toutes les conséquences catastrophiques pour les pays dont le sort serait décidé.»
Lors de la conférence de Yalta en Crimée en février 1945, les chefs d'État alliés Franklin D. Roosevelt (États-Unis), Winston Churchill (Grande-Bretagne) et Joseph Staline (URSS). Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils ont décidé du partage de l'Allemagne sans les prendre en compte, ce qui a conduit à un pays divisé pendant des décennies.
Le chemin vers la paix
La solution pour la paix n'existe pas. C'est ce qu'a déclaré Dan Smith, directeur de l'institut de recherche sur la paix SIPRI à Stockholm, dans une interview accordée à Blick en janvier. Il considère certes toujours la Suisse – à côté d'Etats du Proche-Orient ou d'Asie du Sud – comme un lieu approprié pour une telle conférence, mais il se montre plutôt pessimiste. Jeudi, il a déclaré à Blick: «A l'heure actuelle, il semble peu probable que la conférence mette la Russie sous pression de manière décisive.»