Elle n'est pas venue en rose, contrairement à de nombreuses femmes de tous âges et quelques hommes qui se trouvaient au cinéma bernois CineBubenberg jeudi soir. «Quand y a-t-il eu pour la dernière fois une telle file devant un cinéma? Ça fait longtemps!», s'exclame Tamara Funiciello, en guise de salutations.
Au programme: Barbie. Le film sur la poupée la plus célèbre du monde – et en même temps la plus controversée – est une «critique sociale satirique sur les rôles genrés largement répandus», selon le magazine «Stern». Le magazine féminin allemand «Brigitte» y a pour sa part vu une «révolution en rose».
Est-ce un film si révolutionnaire que ça? Blick a voulu en avoir le cœur net en se rendant au cinéma avec Tamara Funiciello, coprésidente des Femmes socialistes, conseillère nationale et sans doute la féministe la plus connue de Suisse.
Tamara Funiciello avait elle-même trois Barbies
Pour poser le contexte avant de voir le film, Tamara Funiciello avait-elle elle-même une Barbie quand elle était enfant? «Même trois», répond-elle. Elle est impatiente du visionnage, elle n'a rien lu à ce sujet auparavant, mais son TikTok est remplis de contenu qui parlent de Barbie. «Ce film crée un buzz immense, c'est un gigantesque coup de pub pour le fabricant Mattel», précise-t-elle. L'entreprise a d'ailleurs cofinancé le film à 145 millions de dollars.
A peine assis dans la salle avec deux verres de vin rosé – boisson qui correspond bien à l'ambiance du film – les lumières s'éteignent déjà. Un énorme logo Warner Brothers apparaît sur l'écran. «Il n'est pas rose, de base, non?», demande Tamara Funiciello, qui n'arrive pas souvent à aller au cinéma avec son emploi du temps chargé. Non, ce n'est effectivement pas le cas d'habitude. C'est parti pour 114 minutes de film aux couleurs acidulées.
Rire du patriarcat
Le rose emplit rapidement tout notre champ de vision. Le monde en plastique dans lequel vivent les Barbies et les Ken est mignon, propret, et surtout dirigé avec sagesse par les Barbies. Lorsque Ken, l'appendice de Barbie, apparaît et quémande désespérément son attention, Tamara Funiciello ricane pour la première fois. «C'est amusant d'inverser pour une fois les stéréotypes avec lesquels les hommes et les femmes sont représentés dans les films», chuchote-t-elle.
La conseillère nationale s'amuse vraiment lorsque Ken découvre le pouvoir qu'ont les hommes dans le monde réel – et un nouveau mot magique: «patriarcat». «Le simple fait que ce mot apparaisse dans le film est vraiment surprenant», dira plus tard la Bernoise. Lorsque, dans une scène, un collaborateur de Mattel déclare: «Nous réussissons toujours aussi bien à appliquer le patriarcat, nous le cachons juste mieux maintenant», elle rit à gorge déployée.
L'action suit son cours, nous regardons Ken proclamer le Ken-dom-Land à Barbieland, les Barbies s'unir et reprendre le pouvoir, une mère et une fille se retrouver, et enfin Barbie souhaiter ne plus être une créature, mais une créatrice. Le générique de fin montre toute la collection de Barbie de Mattel depuis l'invention de la poupée, en mode throwback rétro.
«Une bonne introduction au féminisme»
Nous sortons de la salle dans la nuit bernoise et nous posons sur une terrasse, Tamara Funiciello commande un Aperol Spritz. A présent, c'est cartes sur table: Tamara, qu'en avez-vous pensé? «C'était étonnamment bien, révèle la conseillère nationale. Bien sûr, le film n'entre pas vraiment en profondeur. Mais c'est une vraie bonne introduction au féminisme.»
Beaucoup de choses y sont abordées: Le sexisme, lorsque Barbie se sent rabaissée au rang d'objet dans le monde réel, qu'elle est harcelée sexuellement et qu'elle développe des angoisses, sans savoir exactement pourquoi. La masculinité toxique à cause de laquelle Ken doit constamment se mesurer et se battre avec d'autres Ken, tout en désespérant face à son amour non réciproque pour Barbie, mais en cachant ses sentiments derrière une attitude macho. Et la colère de la mère, qui raconte l'impossibilité de réussir à jouer les nombreux rôles contradictoires que l'on attend d'une femme.
«Ce sont des images très fortes», souligne encore Tamara Funiciello.
Plus qu'un bon divertissement
Il y a bien sûr des passages qui posent problème, poursuit-elle. Lorsque, au début du film, le public voit défiler à l'écran les Barbies blondes, noires, grosses et une actrice trans, elle soupire: «Il ne suffit pas de les représenter – il faudrait soutenir ces personnes et leur donner parfois un rôle principal, et non pas toujours des rôles secondaires liés à l'envie de montrer une illusion de diversité.»
Bien sûr, le film est aussi avant tout une publicité pour vendre encore plus de poupées. «Mais Mattel ne le cache pas non plus, et c'est d'une honnêteté rafraîchissante.»
Pour fermer ce chapitre rose bonbon, quel est donc finalement le message de Barbie? «Que le féminisme rend la vie meilleure pour tout le monde. Même pour les Ken, répond Tamara Funiciello. Et en plus, ce film est un assez bon divertissement.»