L'assurance-invalidité (AI) continue de faire parler d'elle. Régulièrement, des témoignages personnels démontrent à quel point les individus concernés sont souvent à la merci des experts, des tribunaux et des assurances sociales.
L'année dernière, 6% de tous les assurés en Suisse ont bénéficié au moins une fois d'une prestation AI sous forme de mesures d'intégration, de rentes d'invalidité ou d'indemnités pour impotents. Plus de la moitié d'entre eux l'ont fait en raison de maladies psychiques. Les cas sont particulièrement en hausse chez les jeunes: ils ont augmenté de 28% chez les 18-24 ans rien qu'en 2023.
L'AI manque d'un financement durable
Pourtant, au cours des 20 dernières années, l'AI s'est montrée plus réticente à accorder des rentes. Depuis 2005, le nombre de nouvelles rentes n'a cessé de diminuer, malgré une nette croissance de la population. Les chiffres le montrent en particulier pour les personnes accidentées, le nombre de bénéficiaires de l'AI a presque baissé de moitié au cours des deux dernières décennies. En effet, l'AI ne s'estime plus compétente pour les «affections douloureuses sans cause physique clairement identifiable», comme les coups du lapin ou les douleurs chroniques.
A lire aussi
En 2015, le Tribunal fédéral s'est certes opposé à ce principe. Mais deux ans plus tard, une étude de l'Institut de droit de l'Université de Zurich n'a constaté aucune amélioration. Les bureaux cantonaux de l'AI ont continué à durcir leur position, et même les personnes atteintes de troubles psychiques se voient de moins en moins souvent accorder une rente.
Plutôt que de verser des rentes, l'AI mise davantage sur des mesures d'intégration, moins coûteuses. Il faut dire qu'au tournant du millénaire, l'AI a sombré dans le déficit. En 2010, la dette vis-à-vis de l'AVS atteignait 15 milliards de francs. Grâce à des révisions et à la création d'un fonds AI, la dette a pu être réduite d'au moins un tiers durant les dix dernières années. Néanmoins, l'AI ne fait toujours pas l'objet d'un financement durable.
De nombreuses personnes concernées finissent à l'aide sociale
En 2021, une étude commandée par l'Office fédéral des assurances sociales a révélé un effet secondaire regrettable de cette nouvelle approche. Si l'AI a réussi à réintégrer un nombre croissant de personnes dans le monde du travail grâce aux mesures d'intégration, le nombre de personnes dont l'intégration professionnelle a échoué a également augmenté. En d'autres termes, vu que ces personnes n'obtiennent pas de rente AI, elles finissent souvent par dépendre de l'aide sociale. L'AI assainit ainsi ses bilans, tandis que les villes et les communes restent sur le carreau. Une accusation que l'Office fédéral des assurances sociales a longtemps niée.
Ce phénomène s'est intensifié avec l'introduction, en 2012, des examens systématiques. Selon l'étude, le risque de basculer dans l'aide sociale après la suppression d'une rente a augmenté de 20 % entre 2009 et 2015.
Des expertises douteuses et des grilles de salaires irréalistes
Comme si cela ne suffisait pas, les expertises médicales de l'AI ont été de plus en plus décriées au cours des dernières années. La société d'expertise Pmeda a d'ailleurs été particulièrement visée.
L'entreprise du neurologue allemand Henning Mast refusait à un nombre particulièrement élevé de candidats le droit à une prestation de l'AI. L'année dernière, la Commission fédérale pour l'assurance qualité dans le domaine de l'expertise médicale a constaté de «graves défauts de forme et de contenu» dans les expertises de Pmeda.
En réponse à ces critiques, le Parlement a décidé de réformer le règlement de l'AI en 2022: désormais, les assurés peuvent se mettre d'accord avec l'AI sur le choix des experts. Et les examens doivent être proprement enregistrés et documentés afin d'être vérifiables. Pour les organisations de personnes handicapées, il s'agit a minima d'un pas vers une amélioration.
Mais tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant. Ainsi, le calcul de la perte de salaire reste un point à améliorer. Même avec la nouvelle réglementation, des calculs irréalistes sont souvent appliqués aux personnes concernées, ce qui conduit à des rentes trop basses, voire inexistantes. Les discussions en cours semblent d'ores et déjà démontrer que l'AI restera au centre des préoccupations dans les années à venir.