Après la suspension du système de surveillance aérienne, l'armée suisse fait face à une nouvelle débâcle informatique. Comme le rapporte la SRF, un projet de plusieurs millions de francs visant à améliorer la logistique militaire a été brusquement stoppé. Pour cause, le logiciel n'est pas assez robuste et ne fonctionne pas indépendamment de l'étranger, un must en temps de crise.
À l'origine, le Parlement avait approuvé en 2020 un montant de 240 millions de francs pour une solution SAP appelée «ERP Systeme V/ar». Cette solution devait permettre à l'armée d'être opérationnelle dans toutes les situations, de la mobilisation à la gestion des munitions. Mais les procès-verbaux du Parlement montrent aujourd'hui que le projet a échoué. Au lieu de mettre en œuvre la soi-disant «unité de réalisation 8», le programme n'a été achevé que jusqu'à l'avant-dernière unité de réalisation 7.
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Le système dépend du cloud
L'armée a confirmé à la SRF que le chef de l'armée Thomas Süssli avait pris la décision de mener ce projet à bien en juin 2023. Les raisons de cet échec s'expliquent de diverses manières. À l'origine, l'armée partait du principe que le module SAP «Disconnected Operations» était une solution pour un «système logistique militaire robuste et résilient». Cette hypothèse s'est toutefois révélée être un leurre. Le divisionnaire Alexander Kohli, chef de l'état-major de l'armée, a par ailleurs déclaré dès le mois d'avril à la commission de surveillance parlementaire compétente: «on s'est rendu compte trop tard que le système dépendait de clouds étrangers, même en cas d'urgence.»
L'armée cherche désormais des alternatives qui seront exploitées sur la nouvelle plateforme de numérisation NDP. Mais l'intégration de nouveaux logiciels dans la plateforme demande beaucoup de temps et d'argent. Le nouveau système de surveillance aérienne, actuellement suspendu, a déjà coûté deux fois plus cher, notamment à cause de ces dépenses. Plus inquiétant encore, l'armée se trouve aujourd'hui sans aucune logistique à l'épreuve des crises. Et un remplacement du système actuel ne devrait pas être opérationnel avant au moins dix ans. «Nous n'aborderons ce sujet qu'après 2035», a clairement expliqué le divisionnaire Alexander Kohli devant la commission de surveillance.
Le Parlement s'inquiète des projets de l'armée
L'abandon du projet a également heurté les membres des commissions des finances. Dans une lettre, ils ont demandé aux responsables de la politique de sécurité de procéder à un examen: l'introduction retardée d'une logistique de guerre représente-t-elle un risque pour la sécurité de la Suisse?
Les conséquences financières massives les préoccupaient tout autant. Les coûts des sept grands projets informatique et de communication au sein du département de la défense s'élèvent à 4,2 milliards de francs. Les politiciens financiers voient d'un œil critique le fait qu'"il n'existe pas à ce jour de gestion globale du portefeuille de projets du DDPS». Mais le Département de la défense se défend contre ce reproche auprès de la SRF, rétorquant qu'une telle gestion a été mise en place aussi bien au niveau du Groupement Défense qu'au niveau du département.
La Commission de la politique de sécurité du Conseil national demande maintenant des éclaircissements. Un rapport du Conseil fédéral sur l'abandon du projet doit être présenté d'ici juin 2025. D'ici là, l'armée suisse reste vulnérable en matière de logistique. Une situation particulièrement délicate en période de tensions géopolitiques.