L’Union démocratique du centre (UDC) cherche à convaincre le conseiller fédéral socialiste Beat Jans de durcir la politique d’asile, tantôt avec la carotte, tantôt avec le bâton. D’abord le bâton: il y a un mois, le parti a qualifié de «200 jours d’échec» le bilan actuel du nouveau chef du Département fédéral de justice et police (DFJP).
C’est à présent au tour de la carotte. Le comité directeur de l’UDC a ainsi invité Beat Jans à un échange. Blick a pu consulter la missive d'invitation. On peut y lire: «Un dialogue ouvert entre vous et nous permettrait de trouver et de mettre en œuvre des solutions constructives dans le domaine de l’asile. Nous serions heureux que vous acceptiez notre invitation». On comprend que les chefs du parti conservateur veulent évoquer leurs nombreuses revendications en termes d'immigration à cette occasion.
L’Allemagne comme mauvais exemple
Le président de l’UDC, Marcel Dettling, dit attendre du Conseil fédéral «un changement de mentalité» en matière de politique migratoire. «Nous ne voulons pas d’une situation comme celle de l’Allemagne», a-t-il assuré à Blick, invoquant les violences revendiquées par le groupe État islamique en terres allemandes, dont un récent exemple est l’attaque meurtrière de Solingen, qui a fait trois morts et huit blessés, et dont l’auteur présumé est un réfugié syrien qui aurait des liens avec l’organisation jihadiste.
Marcel Dettling souligne toutefois que le comité directeur de l’UDC avait déjà pris la décision d’initier un dialogue avec Beat Jans avant l’attaque de Solingen. «Faut-il qu’il y ait des morts [en Suisse, ndlr] pour que le Conseil fédéral agisse?», interroge le chef du parti de droite, en référence au tour de vis sur l’asile décrété en Allemagne après la sanglante attaque.
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Le gouvernement, composé des trois partis de la coalition du chancelier Olaf Scholz (sociaux-démocrates, écologistes et libéraux) a en effet pris des mesures quant à l’asile: expulsions plus conséquentes, renforcement de l’interdiction des armes blanches, augmentation des budgets consacrés à la lutte contre l’islamisme radical. Des premiers délinquants d’origine afghane ont déjà été expulsés vers leur pays d’origine.
«Beat Jans doit surmonter ses réserves»
Le chef de file du parti conservateur allemand Union chrétienne-démocrate (CDU/PPE), Friedrich Merz, va encore plus loin et demande d’arrêter d’accueillir tout court les Afghans et les Syriens. Il demande aussi la réintroduction de «véritables contrôles» aux frontières. Marcel Dettling commente ce plaidoyer: «Quand j’ai entendu les propos de Friedrich Merz, je me suis dit: il défend des positions presque plus dures que celles de l’UDC.»
Marcel Dettling dit être conscient du fait que le conseiller fédéral de gauche n’adoptera pas soudainement la posture de l’UDC en matière d’immigration à la suite d’un entretien. Mais, «en ce qui concerne la protection des frontières, le Conseil fédéral pourrait agir immédiatement», plaide-t-il quoi qu’il en soit.
Les Autrichiens l’ont fait avec succès, les Suédois aussi. Même en Allemagne, un pays gouverné par la gauche, ce n’est plus un tabou: «Beat Jans doit désormais lui aussi surmonter ses réserves à ce propos», affirme Marcel Dettling.
L’UDC serait-elle prête, s’il le fallait, à en faire de même en retirant, par exemple, son initiative sur la protection des frontières? Le chef des conservateurs rétorque: «Si le nombre de demandeurs d’asile diminuait effectivement de façon massive et durable, et que la criminalité baissait de manière continue, on pourrait en discuter».
Les communes sous pression?
La pression de l’asile augmente dans les cantons et les communes. De nombreux dirigeants à l’exécutif, dans les communes, se sont ainsi adressés à la conseillère nationale UDC Nina Fehr Düsel avec inquiétude, explique la principale intéressée à Blick.
«La pression sur les communes est de plus en plus forte, car le nouveau quota d’accueil de réfugiés de 1,6% n’est plus tenable, notamment en raison du manque de logements, et des défis à relever dans les écoles.» Pour elle, les logements et les infrastructures sont remplis de personnes qui «n’ont en fait rien à faire ici». Elle avance que la situation des communes zurichoises serait de plus en plus précaire.
C’est pourquoi elle s’est adressée, cette semaine, avec huit autres conseillers nationaux UDC zurichois, au conseiller fédéral en charge de l’asile, dans une lettre ouverte. Dans la missive, que le conseiller d’État zurichois socialiste Mario Fehr a aussi reçue, on demande à Beat Jans de réduire le quota d’accueil des demandeurs d’asile au niveau cantonal. A préciser que la lettre ouverte aurait été envoyée indépendamment de l’invitation de l’UDC adressée au conseiller fédéral de gauche.
Davantage de réfugiés à Zurich
Les communes zurichoises doivent accueillir davantage de réfugiés, depuis le 1er juillet 2024. Le canton de Zurich a augmenté de 1,6% le taux d’accueil des demandeurs d’asile pour toutes les communes, après avoir déjà fait passer ce taux de 0,9 à 1,3% en juin 2023. Cela correspond à 16 personnes accueillies pour 1000 habitants.
«Cela ne peut pas continuer ainsi», peut-on lire dans la lettre adressée au socialiste à la tête de la Justice et de la police. Les membres de l’UDC Thomas Matter, Gregor Rutz et Barbara Steinemann ont également signé la lettre. Ils demandent que le quota soit à nouveau abaissé au niveau de juin 2023.
Selon la clé de répartition, le canton de Zurich doit accueillir 17,9% des demandeurs d’asile qui arrivent en Suisse. Pour disposer de suffisamment de places d’hébergement, il était indispensable de recourir à l’aide des communes, et d’augmenter le quota d’accueil en juillet 2024, avait fait savoir la direction de la sécurité zurichoise au début de l’année. «Les communes font un excellent travail. Je leur en suis très reconnaissant et je suis convaincu qu’elles continueront à soutenir nos efforts», avait alors déclaré le conseiller d’Etat de gauche Mario Fehr.
Nouveau centre d’asile à Bremgarten
Il est toutefois plutôt utopiste de penser que la Confédération confierait, à l’avenir, moins de réfugiés aux cantons. De son côté, le chef de l’asile en Suisse, Beat Jans, s’attelle à augmenter le nombre de logements d’urgence pour accueillir les nouveaux réfugiés qui arrivent.
Et il se trouve que le Secrétariat d’État aux migrations veut ouvrir, probablement à partir de la mi-septembre, un Centre fédéral pour requérants d’asile temporaire à Bremgarten (AG). Quelque 120 demandeurs d’asile devraient y être hébergés jusqu’en mars 2025.