Si vous êtes venu en train à Zurich, vous avez probablement déjà aperçu les blocs colorés avec balcon, à gauche des voies. On les appelle les «maisons Sugus». Et une centaine de locataires qui y vivent traversent un véritable cauchemar, juste avant les fêtes de fin d'année. Ils ont trois mois pour quitter leur appartement, situé à la Neugasse.
La raison invoquée par la nouvelle administration: une rénovation complète, notamment des cuisines et des salles de bain. Une décision qui sème le trouble parmi les locataires. «Bien sûr, on pourrait déjà faire quelques travaux, mais ce n'est pas vraiment nécessaire», raconte à Blick Sarah K.*, une locataire de 35 ans qui souhaite rester anonyme.
Nouveau propriétaire et nouvelle vision
Les locataires soupçonnent qu'il y ait une autre raison derrière ce qu'ils qualifient de rénovation «prétexte». Il se trouve qu'à la suite d'un héritage, une nouvelle propriétaire aurait repris trois immeubles du lotissement et aurait mandaté une nouvelle administration. «Nous avons reçu une lettre dans laquelle on nous annonçait une augmentation de loyer», explique Sarah K. La lettre n'aurait même pas été envoyée en recommandé. Les locataires se seraient directement opposés à l'augmentation de loyer.
Cette vision semble contraster avec l'idée initiale du constructeur de ces logements. En effet, les maisons «Sugus» étaient autrefois considérées comme un projet phare de logements abordables. Elles ont été construites par Leopold Bachmann, décédé en décembre 2021. Il était connu pour ses méthodes de construction rapides et efficaces, visant à assurer un logement aux personnes et familles à faibles revenus. Au début des années 2000, Leopold Bachmann était considéré comme l'un des plus grands propriétaires de logements privés de Zurich, avec environ 5000 appartements en sa possession.
Aujourd'hui, l'aspect social semble être tombé aux oubliettes. D'autant plus avec la nouvelle propriétaire. «Tout ce qui compte, c'est l'argent. On se fout de l'œuvre de toute une vie du constructeur», déplore la locataire, frustrée. Elle se dit désemparée, et a peur de l'avenir.
Des logements «insatisfaisants»
Selon une lettre que Blick s'est procurée, les trois immeubles ont été repris le 26 novembre par la nouvelle propriétaire. Après que les locataires se soient opposés à l'augmentation de loyer, une lettre de résiliation leur est parvenue le 28 novembre. Pour les six autres immeubles du lotissement, rien ne s'est passé jusqu'à présent.
Dans le communiqué de l'administration concernant les résiliations, on peut lire que «l'évaluation de la structure du bâtiment» a révélé que «l'état des propriétés nécessitait une rénovation complète». «La situation insatisfaisante des logements n'est plus acceptable pour les locataires. Les immeubles collectifs doivent impérativement faire l'objet d'une rénovation complète afin de pouvoir leur assurer un avenir durable et écologique», stipule le courrier. «Mais nous mettre à la rue, ça, c'est acceptable?», rétorque Sarah K. à Blick.
Un timing qui interroge
Cette locataire assure que «les immeubles sont en bon état». Elle affirme que les toits ont été rénovés récemment et que plusieurs appartements sont actuellement inoccupés. «On pourrait d'abord les rénover, puis laisser les gens s'y installer petit à petit, de manière transitoire, pendant que leurs appartements sont rénovés», estime Sarah K.
La rénovation aurait-elle eu lieu si les parties avaient accepté l'augmentation de loyer? Le timing interroge en tout cas. «La rénovation ne peut donc pas être si urgente», estime la locataire.
L'administration des bâtiments n'a pas répondu à cette question, ni à d'autres posées par Blick. Lorsqu'on évoque les reproches des locataires, l'administration renvoie à sa prise de position officielle du 26 novembre.
*Nom modifié par la rédaction