La bataille sur la réforme de l’AVS bat toujours son plein. Un autre chantier de la réforme des retraites concerne la réforme de la prévoyance professionnelle (LPP). À partir de jeudi, les conseillers nationaux débattront au sein de la commission des affaires sociales de la manière de procéder avec les fonds de pension. La question est complexe. Des dizaines d’amendements ont été déposés, concernant les cotisations salariales supplémentaires, une somme salariale assurée plus large, la réduction du taux de conversion et le financement des mesures compensatoires.
Ces derniers constituent le véritable cœur du problème. En effet, si le taux de conversion passe de 6,8 à 6,0%, pour 100’000 francs d’avoirs de vieillesse, vous ne recevrez plus que 6000 francs par an au lieu de 6800. Soit une réduction de la pension de 12%!
Complément de pension ou complément ponctuel?
Les politiciens veulent compenser ce manque à gagner. Le Conseil fédéral propose un supplément de pension comme élément central. Une génération transitoire de 15 ans recevrait 100 à 200 francs par mois selon le moment du départ à la retraite, après quoi le supplément serait variable. Il serait financé par un supplément de 0,5% des salaires. Cela implique une certaine redistribution des salaires les plus élevés vers les salaires les plus bas. Une sorte de mini-AVS.
Le Conseil fédéral s’appuie sur le «compromis des partenaires sociaux» que les employeurs ont forgé avec les syndicats. Les partis bourgeois se sont longtemps déchaînés contre cet accord. «Nous refusons ce mécanisme de redistribution», déclare le chef de fraction de l’UDC, Thomas Aeschi.
Au lieu de cela, les bourgeois flirtent avec le modèle de la «voie médiane», que diverses associations industrielles et l’association des fonds de pension Asip ont introduit dans le débat. L’idée est que chaque fonds se prendrait en charge et financerait sa propre compensation sur une période de dix ans grâce à ses réserves. La première cohorte de retraités recevrait un supplément unique de 13% sur son avoir de vieillesse LPP obligatoire. Par la suite, le supplément diminuerait de 1,3% chaque année pour atteindre zéro. Presque tous les fonds auraient des réserves suffisantes, affirme l’association. Moins de trois pour cent devraient financer cela à partir du compte courant. Selon certaines sources, il s’agit du modèle que l’UDC propose de mettre en œuvre.
Le soutien civique s’effrite
Pendant ce temps, le soutien à cette idée s’effrite dans le camp bourgeois. «Il faut se demander à qui appartiennent ces réserves, où elles se trouvent réellement et jusqu’où elles vont durer pour maintenir le niveau des pensions», déclare le conseiller national du Centre Christian Lohr. Il faut trouver une solution qui puisse également être financée par les PME. «Certains fonds se rendent la tâche trop facile».
Pour la conseillère nationale PLR Regine Sauter, une forme de solidarité est indispensable: «Il faut une certaine solidarité entre les caisses de pension.» Avec le modèle Asip, a-t-elle dit, il n’a pas encore été possible de démontrer de manière concluante que son approche décentralisée pourrait fonctionner. «Il faut s’assurer que le mécanisme de compensation fonctionne au-delà de quelques années».
Des doutes subsistent quant à la possibilité de financer aussi facilement la réforme par des provisions. «Le système sera déstabilisé. Ce sont surtout les fonds proches de la LPP obligatoire qui vont avoir des problèmes», déclare Gabriela Medici de l’Union syndicale suisse. Il faudrait alors qu’il y ait un filet de sécurité, ou que les employeurs et les employés financent une partie de leur poche.
L’Office fédéral des assurances sociales met en garde
Ce problème est également souligné par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) dans un rapport aux parlementaires. Il est vrai que les quelques 1000 caisses de pension en Suisse disposent de 16,5 milliards de francs de réserves. Toutefois, pour les quelque 200 caisses liées à la LPP, dont les prestations dépassent à peine les exigences minimales légales, ce chiffre ne dépasse guère un milliard. Sur ce montant, seuls 600 à 900 millions de francs pourraient probablement être utilisés à des fins de compensation.
L'autre problème, selon l'OFAS, c'est que ce système basé sur les réserves des caisses sera difficile à mettre en place dans les branches à faible valeur ajoutée et à bas salaires, si les caisses d'assurances ne se montrent pas solidaire. L'Office prévient: «Cela pourrait faire peser une charge financière supplémentaire sur les employeurs concernés et leurs employés, voire fragiliser la situation financière de leurs fonds de pension.»
Asip défend l’idée
Hanspeter Konrad, directeur de l’Asip, rétorque: «Le grand avantage du modèle de mise à disposition est qu’il coûte deux fois moins cher que le modèle du Conseil fédéral.» Les dispositions sont là, dit-il. Le directeur continue: «La redistribution est effectivement réduite au lieu d’être massivement étendue aux dépens des jeunes.»
Le choix de la commission du Conseil national reste ouvert. Une décision finale sur la question de la compensation ne sera probablement pas prise avant la rentrée.