L'UBS doit-elle détenir plus de fonds propres? L'autorité de surveillance des marchés financiers (Finma) doit-elle avoir plus de pouvoir? Le Conseil fédéral répondra à ces questions mercredi. Il présentera alors son rapport «Too big to fail», dans lequel il esquisse des réformes au niveau de la réglementation du secteur bancaire suisse, afin de tirer les conséquences du désastre de Credit Suisse.
Ce qui sera politiquement réalisable est une autre histoire. L'UBS et l'Association suisse des banquiers devraient mettre tout leur poids politique dans la balance pour s'opposer à des exigences considérées comme excessives par le secteur.
Depuis la chute de Credit Suisse il y a un peu plus d'un an, de nombreux rapports de recommandation ont été publiés. La Finma, la Banque nationale suisse (BNS), une commission d'experts mise en place par la Confédération, le Conseil de stabilité financière: tous ont rédigé d'épais documents à ce sujet. La «Handelszeitung» s'est amusée à présenter les principales propositions de réforme et à les évaluer.
Sur la débâcle de Credit Suisse
Le Senior Managers Regime (SMR)
Greensill, Archegos, Spygate, blanchiment d'argent: la liste des scandales qui ont éclaboussé Credit Suisse est longue. La Finma a ouvert huit procédures (enforcement procedures) contre des managers de Credit Suisse, dont cinq concernaient des membres de la direction. Mais il n'a pas été possible de maîtriser la culture du self-service et de la non-responsabilité. De nombreuses décisions critiquables ont été prises au sein des comités, si bien qu'on ne sait pas vraiment qui porte la responsabilité réelle de ces scandales.
L'introduction du Senior Managers Regime (SMR) doit changer cela. Avec ce régime, une banque doit impérativement et clairement définir le champ de responsabilité d'un top manager. Si quelque chose se passe mal dans ce domaine, le manager en question doit en assumer la responsabilité.
De telles règles existent déjà en Grande-Bretagne, à Hong Kong et à Singapour. De nombreux experts plaident, outre la Finma elle-même, pour l'introduction d'un SMR en Suisse. Même l'Association suisse des banquiers n'y est pas opposée, mais elle plaide pour une version allégée du modèle de Hong Kong. Alors qu'en Grande-Bretagne, il faut définir près de 30 fonctions individuelles, à Hong Kong, il n'y en a que la moitié environ.
Verdict: L'introduction d'un SMR est une solution, mais elle ne suffit pas à elle seule. En cas d'infraction, l'autorité de surveillance doit avoir les moyens juridiques d'agir contre les managers fautifs, par exemple en exigeant le remboursement des parts de bonus, en obligeant les banquiers à partir sur ordre de la Finma, ou même en leur faisant payer des amendes. Un SMR doit faire mal. Sinon, il ne sert à rien.
Davantage de fonds propres
Le crash de Credit Suisse aurait-il pu être évité si la grande banque avait détenu davantage de fonds propres? Faut-il donc relever les exigences en matière de fonds propres pour l'UBS? Cette question fait l'objet d'un débat controversé. La commission d'experts mise en place par la Confédération et dirigée par le professeur d'économie Yvan Lengwiler ne voit pas la nécessité de relever les exigences en matière de fonds propres. Le professeur d'économie bernois Aymo Brunetti et le co-président du KOF – le centre de recherches conjoncturelles de l'EPFZ – Hans Gersbach demandent en revanche des fonds propres nettement plus élevés.
Hans Gerbarch a par exemple évoqué un taux de fonds propres non pondéré de 10% – autrement dit, pour 100 francs de bilan total, l'UBS devrait détenir 10 francs de fonds propres, quel que soit le niveau de risque des actifs. Ce serait une augmentation massive, car l'UBS détient actuellement 5,45 francs de fonds propres pour 100 francs de total du bilan. Même la Banque nationale suisse estime qu'il faut «examiner» si, compte tenu de «l'importance systémique nettement accrue» de l'UBS, la banque n'a pas besoin de plus de fonds propres.
Laquestion de la qualité du capital est également importante. Ainsi, Credit Suisse pouvait ajouter la valeur de ses filiales étrangères aux fonds propres de la maison mère, Credit Suisse AG. Le software était par ailleurs compté dans le patrimoine. Dans ce domaine, les rênes devraient être resserrées à l'avenir.
Verdict: La faible capitalisation de la maison mère de Credit Suisse a justement joué un rôle dans la crise de confiance. Il est plus important de mettre l'accent sur la qualité des fonds propres que sur leur augmentation nominale. Des choses comme le software n'ont rien à y faire. Mais il n'est pas certain que des exigences nominales plus élevées en matière de fonds propres auraient permis d'éviter la crise de Credit Suisse.
Un pouvoir accru pour la Finma
Après le crash de Credit Suisse, la Finma demande désormais à disposer de plus de compétences. Concrètement, la Finma veut pouvoir infliger des amendes comme les autorités de surveillance étrangères. Jusqu'à présent, elle ne peut confisquer que des bénéfices injustifiés. Avec une compétence en matière d'amendes, la surveillance deviendrait encore plus une sorte de police financière. La question est de savoir à qui la Finma doit pouvoir infliger des amendes: contre les prestataires de services financiers eux-mêmes ou contre les managers fautifs? Un cadre juridiquement sûr est en outre indispensable pour pouvoir calculer le montant des amendes. Le diable se cache dans les détails.
La Finma veut également avoir la possibilité d'intervenir davantage dans les systèmes de rémunération. Elle propose donc que les règles actuelles, qui existent au niveau de l'ordonnance, soient coulées dans une loi.
Un autre souhait de la Finma est de pouvoir rendre compte de manière plus transparente de ses procédures d'enforcement. En l'état, elle ne peut le faire que dans des cas exceptionnels. En Allemagne, c'est exactement l'inverse: le Bafin – l'autorité allemande de surveillance des marchés financiers – ne peut s'abstenir de publier une procédure que dans des cas exceptionnels. La Finma attend de ce «naming and shaming» un effet disciplinaire.
Le Conseil de stabilité financière (CSF) – l'organe de travail des principales autorités de surveillance, des banques centrales et des ministères des Finances – demande en outre que la surveillance puisse plus facilement révoquer les managers fautifs. «La législation doit être modifiée pour donner ce pouvoir à la surveillance», écrit le CSF dans son dernier rapport sur la Suisse.
Verdict: on peut douter que les amendes infligées aux établissements financiers aient un impact. Les Etats-Unis ont infligé des amendes de plusieurs milliards à des banques comme J. P. Morgan ou Credit Suisse – cela n'a pas servi à grand-chose. La situation est différente lorsque l'autorité de surveillance inflige des amendes aux banquiers. Un système combiné pourrait être une approche dans laquelle le remboursement des bonus et les amendes supplémentaires en cas de faute grave seraient des instruments disponibles. Il semble également judicieux de donner à la Finma un mandat juridique plus clair pour révoquer complètement les managers fautifs en cas de doute. Il est encore plus important que la Finma ait le courage d'utiliser ses instruments de manière conséquente.
Diversifier l'univers des titres acceptés en garantie
Credit Suisse a été victime de deux faillites bancaires. Il a résisté à celle d'octobre 2022, mais celle de mars 2023 lui a été fatale. La banque centrale et la Finma se sont disputées pour savoir qui était responsable du fait que Credit Suisse n'avait pas préparé une quantité d'actifs suffisamment volumineuse pour que la BNS les accepte comme garantie. «Les banques devraient être tenues de préparer un volume nettement plus important de garanties pour obtenir une aide extraordinaire sous forme de liquidités auprès de la Banque nationale et des banques centrales étrangères», demande donc la BNS.
La commission d'experts mise en place par la Confédération demande à son tour à la BNS d'élargir l'univers des titres acceptés en garantie. Actuellement, ce sont surtout les hypothèques suisses qui sont utilisées.
Dans le cas de Credit Suisse, il s'est avéré que les sorties de fonds des gros clients avaient été sous-estimées lors du calcul des ratios de liquidité. C'est pourquoi la Finma veut travailler avec des tests de résistance mieux calibrés.
Verdict: Credit Suisse a été victime de runs bancaires déclenchés par la perte de confiance des clients. Des coussins de liquidités plus élevés et de meilleure qualité rendent certes les banques un peu plus sûres, mais ils n'auraient pas non plus pu empêcher la faillite de Credit Suisse. Si la confiance disparaît et que les clients s'en vont, toutes les banques sont tôt ou tard condamnées.
Mieux préparer la liquidation d'une banque
Dans ses recommandations, le Conseil de stabilité financière s'attache justement à améliorer la capacité d'assainissement et de liquidation des grandes banques. L'objectif est clair: les banques doivent pouvoir faire faillite, même les grandes banques. Ainsi, les autorités de surveillance devraient pouvoir ordonner à une banque de modifier son organisation afin qu'elle puisse être liquidée au mieux. Avec une telle prérogative, la Finma aurait pu interdire à Credit Suisse de s'organiser en plus de 1000 entités juridiques.
Verdict: même avec une meilleure préparation, il semble douteux que l'UBS soit un jour envoyée en redressement ou même en liquidation. Les bouleversements mondiaux sur les marchés financiers seraient probablement trop importants. La seule alternative valable pour la Suisse en cas de crise est sûrement la nationalisation temporaire.