Le Covid est-il de retour? Depuis quelques semaines, c’est plutôt vers l’Ukraine que l’attention de l’Europe occidentale se porte, mais les conversations sur le coronavirus émergent à nouveau dans les cafés. Depuis le 20 février, le nombre de cas est à nouveau à la hausse et depuis le 26 février, c’est au sein des hôpitaux que les cas Covid sont en augmentation.
Le 16 février dernier, le Conseil fédéral annonçait la levée de la plupart des mesures anti-Covid. Certificat obligatoire, restrictions pour les grandes manifestations, obligation de travailler à domicile, port du masque obligatoire à l’intérieur… tout a disparu! Seuls les transports publics sont encore soumis à l’obligation de se protéger le nez et la bouche. Pour l’instant encore, car là aussi, le masque devrait tomber à la fin du mois. Et malgré des chiffres en hausse, le Conseil fédéral s’en tient à ce plan.
Quelle est la situation actuelle?
Ce lundi, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a annoncé près de 70'000 nouvelles infections pour le week-end. Le taux de positivité est en augmentation depuis la mi-février. Près de 55% des tests PCR effectués sont positifs, contre 45% des tests antigéniques rapides.
Quant au taux de reproduction R en Suisse, il est actuellement de… 1,24. Pour rappel, il s’agit du seuil à partir duquel les contaminations se transmettent de manière exponentielle: dès que ce chiffre dépasse 1, les cas se multiplient de manière accélérée. Durant des mois, le Conseil fédéral avait pour objectif de le garder en-dessous de 0,95…
Le Conseil fédéral a-t-il fauté?
Jusqu’à présent, cela n’était pourtant pas un problème. En effet, le Conseil fédéral a toujours indiqué que sa ligne rouge était celle des hospitalisations et que le variant Omicron, beaucoup moins mortel que Delta (malgré une contagiosité plus haute), amenait moins de personnes à l’hôpital. C’est ainsi que les admissions à l’hôpital sont passées de 140 par jour début janvier à son plus bas le 26 février: 49 hospitalisations. Depuis, la courbe est repartie vers le haut. Le dernier chiffre connu et fiable est celui du 4 mars, où le nombre de personnes admises à l’hôpital à cause du Covid était de 89.
Toutefois, c’est au sein des soins intensifs qu’il faut aller observer la situation. Désormais, les patients Covid n’occupent plus que 16% de ceux-ci, avec des différences régionales significatives. Ainsi, le taux d’occupation des patients Covid est de 8% à Fribourg, alors qu’il dépasse les 33% en Valais, où un seul lit de soins intensifs était disponible dans tout le canton. Cependant, la situation étant plus calme dans les autres régions, des transferts sont possibles sans problème.
Il est certain que la levée de la majeure partie des mesures anti-Covid du 16 février a joué son rôle dans l’explosion des cas. La circulation plus étendue du virus y était d’ailleurs assumée et le Conseil fédéral a rappelé que chacun devrait gérer de manière personnelle et responsable cet assouplissement.
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Le sous-variant BA.2 est désormais dominant
Mais ce n’est que la moitié de la vérité. Le 7 mars, la Task force Covid concluait que cette augmentation des cas trouvait sa source dans deux causes distinctes: l’assouplissement des mesures et… la propagation du sous-variant d’Omicron BA.2.
Alors que le variant Omicron «classique» BA.1 est dominant depuis le début de l’année, par exemple 95% des infections fin janvier, sa part va en diminuant. Fin février, il ne concernait que 57% des nouvelles infections, alors que celles de BA.2 étaient des 42%. En suivant les deux courbes, il est plus que probable que BA.2 soit désormais le variant dominant en Suisse dans les nouvelles infections.
Quelle est la différence entre BA.1 et BA.2?
Les deux sous-variant d’Omicron présentent toutefois plusieurs différences au niveau des protéines. Par exemple, la protéine spike, responsable de la capacité du virus à s’arrimer à une cellule humaine, a des caractéristiques différentes. Et c’est là, semble-t-il, que BA.2 a un «avantage de forme». Il est par exemple particulièrement bien capable de contourner la protection immunitaire, notamment celle provoquée par la vaccination. Sa contagiosité est donc encore davantage supérieure à celle de BA.1.
Le «Statens Serum Institut» danois a ainsi annoncé que BA.2 se propageait environ une fois et demie plus vite que BA.1. Des modélisateurs de l’Université technique de Berlin ont calculé ce que cela pourrait signifier pour le déroulement de la pandémie, avec plusieurs scénarios à la clé. Dans le cas le plus favorable, l’équipe a supposé qu’une infection causée par BA.1 protègerait contre BA.2, avec très peu d’impact. Dans ce cas, une vague de BA.2 serait aussi importante que la vague d’Omicron BA.1 de janvier.
Dans le pire des cas, BA.1 ne protège pas du tout contre BA.2. Dans ce scénario, une vague de ce sous-variant pourrait être deux fois et demie plus importante, avec de nouveaux nombres records de cas.
L’importance du vaccin
Heureusement, les signaux actuels semblent plutôt indiquer un scénario optimiste. Malgré des résultats d’abord alarmants, les récentes découvertes de scientifiques allemands et sud-africains indiquent que la charge hospitalière à venir devrait être similaire.
Toutefois, on ne sait pas encore avec quelle gravité le sous-variant BA.2 affecte les personnes non-vaccinées, le vaccin protégeant contre les formes graves d’un Covid causé par le sous-variant BA.2. En effet, si la population ne semble plus autant craindre le Covid qu’il y a une année, c’est en grande partie grâce au vaccin.
Les experts sont particulièrement préoccupés par l’augmentation des infections chez les personnes à risque, comme les seniors. «Chez les personnes de plus de 70 ans, le nombre de cas actuels est plus élevé que pour tout le reste de la vague Omicron, a déclaré au «Tages-Anzeiger» Urs Karrer, médecin-chef à l’hôpital cantonal de Winterthour et vice-président de la Task force Covid. Leurs défenses immunitaires sont plus faibles, ce qui pourrait entraîner davantage d’hospitalisations.»
…Et maintenant?
Le Conseil fédéral devrait décider de lever les dernières restrictions anti-Covid le 1er avril prochain. Le virus pourra continuer à se propager librement, mais devrait se heurter aux températures estivales. Les experts espèrent que l’été, combiné à l’immunité élevée de la population, permettra de confirmer définitivement la fin de la crise du Covid.
Pour les personnes à risque, cependant, les choses ne sont pas terminées. La situation devrait encore être difficile dans les semaines et les mois à venir. Pour se protéger réellement, elles devront s’isoler davantage voire complètement.
«Je comprends que les gens ont souhaité une ouverture rapide et complète, a souligné Urs Karrer. Mais du point de vue de la Task force, un assouplissement progressif et plus lent aurait été préférable. De nombreux éléments indiquent que la pandémie va faire un tour supplémentaire dans les hôpitaux, dit Urs Karrer. «Tout le monde préférerait l’éviter.»
(Adaptation par Alexandre Cudré)