Selon les informations du «Financial Times», relayées par «Libération», Credit Suisse aurait demandé la destruction de certains documents à des investisseurs. Les documents en question concerneraient les activités de la banque avec de nombreux oligarques russes. Les investisseurs auraient reçu une lettre la semaine dernière dans laquelle le groupe zurichois leur demandait de détruire des documents relatifs à des prêts octroyés pour des «jets, yachts, actifs immobiliers et financiers».
Stopper la fuite d’informations
D’après le journal économique britannique, l’objectif de l’établissement financier est d’«arrêter la fuite d’informations sur une unité de la banque qui a accordé des prêts à des oligarques qui ont ensuite été sanctionnés». Le groupe zurichois est accablé par des révélations sur ses activités depuis quelque temps. Le «Financial Times» révélait déjà il y a près d’un mois les montages financiers «inhabituels» de la banque dans le but de «se décharger des risques associés aux prêts aux oligarques ultrariches et aux magnats». Ces prêts sont devenus très risqués à cause des sanctions internationales contre les grandes fortunes russes depuis 2014. Rien qu’en 2017 et 2018, la banque aurait subi douze défauts de paiements sur des prêts de yachts ou d’avions par exemple, en raison des sanctions américaines contre les oligarques russes.
Les lettres reçues récemment par les investisseurs coïncident donc avec les mesures prises par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’UE en réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’un des investisseurs s’étonne auprès du quotidien britannique: «Je ne pense pas que nous ayons déjà eu une demande comme celle-ci.» De pareilles demandes peuvent être faites, mais seulement lorsque des documents confidentiels sont envoyés par erreur.
Scandales en série
Ces nouvelles révélations interviennent dans un contexte déjà tendu pour l’établissement zurichois. Après la faillite de Greensill, l’implosion du fonds américain Archegos, les amendes pour les prêts au Mozambique et la démission de son président l’année dernière à la suite d'une violation de quarantaine révélée par Blick, Credit Suisse se retrouve depuis février au coeur d’une enquête journalistique, Suisse Secrets, qui souligne des pratiques douteuses. Pendant plusieurs décennies, la deuxième banque de Suisse aurait hébergé des fonds provenant de la criminalité, de la corruption et du détournement d’argent public.
De son côté le groupe rejette les accusations, estimant qu’elles s’appuient sur des éléments partiels, hors contexte et inexacts. Elle n’a toutefois pas (encore) réagi aux dernière révélations du «Financial Times». Le Conseiller aux États Carlo Sommaruga (PS/GE), lui, y a déjà réagi: il a réclamé jeudi auprès du Ministère public de la Confédération l'ouverture d'une enquête sur ces destructions de documents liés aux oligarques russes.