A l'instar de Don Quichotte, Samuel Hodel se bat contre des moulins à vent. Plus précisément contre trois éoliennes. Elles doivent être installées à 900 mètres de son jardin, sur le mont Stierenberg près de Rickenbach, dans le canton de Lucerne. «Les énergies renouvelables sont importantes», admet cet électricien de formation. «Mais ici, les efforts sont disproportionnés par rapport au rendement.» Pour ces trois éoliennes, il faudrait défricher la forêt, construire de nouvelles routes et enfoncer des fondations de plusieurs tonnes dans le sol. «Or, l'électricité produite par les trois éoliennes ne suffirait même pas à couvrir les besoins de la commune.»
A Rickenbach, on voit déjà apparaître une lutte qui sera de plus en plus fréquente dans les années à venir – du moins si l'on en croit les opposants à la loi sur l'électricité. Sur des affiches, ils mettent en garde contre la présence massive d'éoliennes géantes dans les Alpes et les villages. «Si la loi sur l'électricité est adoptée, des centaines d'éoliennes seront reconstruites dans toute la Suisse et la nature sera détruite», affirme Elias Vogt, qui travaille à la protection de l'environnement et qui a participé à l'organisation du référendum.
Priska Wismer-Felder est d'un tout autre avis. La conseillère nationale du Centre est favorable à la loi sur l'électricité. Elle veut d'ailleurs installer elle-même une éolienne devant sa maison. Elle est co-initiatrice des trois éoliennes de Rickenbach. Elle n'a pas peur d'une nature défigurée ou de rotors bruyants. «Au-delà de 300 mètres, le bruit est à peine perceptible. Et les effets sur l'environnement ont été examinés de près. Ils seront compensés si nécessaire.» Elle est convaincue des nombreux avantages que présente l'énergie éolienne. «Les deux tiers de l'électricité sont produits en hiver, c'est-à-dire lorsque l'énergie solaire est moins performante.»
Craintes pour l'avenir
Elias Vogt, opposant à l'énergie éolienne, craint qu'après l'acceptation de la loi sur l'électricité, la population ne puisse plus s'opposer à de telles installations. Il est convaincu que les recours n'auraient «aucune chance» de réussite avec la nouvelle loi. «Ainsi, de nombreuses personnes ne prendront même plus la peine de faire opposition.»
En effet, la commune de Rickenbach a voté en mars pour la deuxième fois en faveur d'une zone de protection interdisant les éoliennes. Mais il n'est pas certain que cette décision soit appliquée: le département de l'environnement du canton de Lucerne recommande au Conseil d'Etat – qui doit prendre la décision finale – de la rejeter. Selon lui, une interdiction de construire n'est pas compatible avec le droit fédéral.
Pour Priska Wismer-Felder, il est clair que les opposants seront tout de même entendus, même si la décision du peuple n'aurait aucun effet. «La votation n'aurait même pas dû avoir lieu. Tous les droits doivent être protégés – y compris le droit fédéral.» Selon elle, la nouvelle loi sur l'électricité ne changera pas grand-chose en matière d'énergie éolienne. «Les opposants à la loi sur l'électricité utilisent simplement l'énergie éolienne pour mobiliser. En cas de oui, la planification et la réalisation d'un parc dureront toujours environ 20 ans! Un supposé déluge de nouvelles installations est donc tout simplement illusoire.»
Des recours seront toujours possibles
Pour l'Office fédéral de l'énergie (OFEN), les droits de participation démocratique de la population ne sont pas menacés. Les votations sur des projets concrets resteront possibles et toutes les voies de recours seront disponibles à l'avenir dans chaque procédure: «Chaque projet devra continuer à être évalué et autorisé individuellement. Par rapport à la situation actuelle, ils auront toutefois plus de chances d'être approuvés.»
L'OFEN précise que la loi sur l'électricité n'aurait d'effet que sur les installations éoliennes d'importance nationale prévues dans des zones appropriées. Soit les quelques-unes qui fournissent beaucoup d'électricité. Le projet du Stierenberg n'en fait pas partie.