Tous les soirs à Buchs, dans le canton de Saint-Gall, l’histoire se répète: le train de nuit en provenance de Vienne s’arrête et est contrôlé par les garde-frontières. Il est rempli de migrants afghans.
La bourgade, frontalière de l’Autriche, a carrément implémenté un centre de traitement provisoire, qui a ouvert début janvier. Entre juillet et fin décembre 2021, plus de 4’500 migrants ont franchi illégalement la frontière à Buchs. Depuis le début de l’année, 682 autres viennent s’y ajouter.
Il s’agit presque exclusivement de jeunes hommes originaires d’Afghanistan. La moitié d’entre eux sont mineurs, la plupart ayant fui après la prise de pouvoir des talibans, en août dernier.
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«Le passage des premiers a motivé les autres»
«La plupart d’entre eux n’ont pas été scolarisés, explique l’interprète Arham Hag à Blick. Beaucoup sont analphabètes et ont grandi dans un système clanique». Lui-même est originaire d’Afghanistan et a fui les Soviétiques dans les années 80. Son job? Discuter avec ses compatriotes pour en savoir plus sur la situation.
Tous les matins, les garde-frontières appréhendent en moyenne une trentaine d’hommes. Nombreux sont ceux qui ont encore les documents de demande d’asile autrichiens dans leur sac. Outre ces quelques affaires, ils ne disposent souvent que d’un téléphone portable et de quelques centaines d’euros.
«Ce que j’entends est effrayant, témoigne Arham Hag. On me dit que des dizaines de milliers de personnes seraient en route. Après que les premiers Afghans ont réussi à passer la frontière, cela a motivé d'autres.» La plupart d’entre eux ont demandé l’asile en Autriche et ont embarqué dans le train sans attendre la décision des autorités.
Les locaux de la police étaient pleins
Vague après vague, la décision d'ouvrir un centre de traitement a été actée. Les capacités des locaux de la police saint-galloise n’étaient plus en mesure de faire face à l’affluence.
Dans le bâtiment administratif, anciennement une entreprise chimique désaffectée, la police cantonale saint-galloise, l’office cantonal des migrations et l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF) travaillent ensemble depuis début janvier pour gérer les passages illégaux de la frontière.
Direction la France et le Royaume-Uni
Depuis la fin de l’été, de nombreux Afghans se déplacent en groupe à travers l’Europe et rentrent illégalement en Suisse, souvent comme pays de transit. La plupart d’entre eux veulent se rendre en France ou au Royaume-Uni.
Ils croient — à tort — que le statut d’asile et le travail sont plus faciles à obtenir dans ces deux pays. Simon Bless, responsable des opérations de la police cantonale de Saint-Gall, qualifie les informations reçues par ces jeunes hommes, parfois naïfs, de «véritables fake news».
Après un bref examen médical à la gare, les jeunes migrants sont enregistrés avec leurs données personnelles et leurs empreintes digitales. Ils sont ensuite interrogés.
«Nous contrôlons chaque personne pour vérifier qu’elle ne porte pas d’objets dangereux et vérifions qu’elle n’est pas présente sur une liste d’individus recherchés. Les entretiens que nous menons constituent la base de départ pour une procédure «Dublin-Out» dans le pays d’asile d’arrivée», explique Simon Bless.
Ils disparaissent aussi vite qu’arrivés
Une fois les formalités remplies, ils sont conduits dans des hébergements d’urgence… d’où ils disparaissent généralement quelques heures plus tard, pour poursuivre leur voyage vers l’ouest.
«Il n’est pas possible d’arrêter ou de dénoncer les migrants originaires d’Afghanistan pour avoir franchi illégalement la frontière, car ils sont considérés comme ayant besoin de protection», explique Simon Bless, qui soutient tout de même l’utilité du travail de la police malgré l’ironie de la situation. «C’est l’État de droit», conclut-il.
Quant à l’interprète Arham Hag, il met en garde contre une prise à la légère de la situation: «Je crains que cette vague ne retombe tôt ou tard sur la Suisse. Car la France ou l’Angleterre ne veulent pas les accueillir.»
Une nouvelle plaque tournante des passeurs?
Les Afghans ne sont pas les seuls à emprunter cette route. Les autorités constatent aussi que de plus en plus d’hommes originaires des pays du Maghreb se déplacent également dans le flux afghan.
Selon les rumeurs qui circulent parmi les migrants, les passeurs auraient mis en place une nouvelle plaque tournante pour les Nord-Africains via Istanbul. Il semblerait qu’ils utilisent de plus en plus la route des Balkans au lieu de celle de la Méditerranée.
(Adaptation par Alexandre Cudré)