400 employés sur la sellette
Une fabrique de munitions menace de fermer, le Conseil fédéral s'en moque

La fabrique de munitions Swiss P Defence à Thoune, dans le canton de Berne, menace de délocaliser. Certains élus s'en inquiètent et demandent au Conseil fédéral de prendre des mesures. Mais celui-ci ne veut rien savoir... et essuie une pluie des critiques.
Publié: 05:48 heures
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Dernière mise à jour: 07:10 heures
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La Confédération a vendu la fabrique de munitions de Thoune Ruag Ammotec au fabricant d'armes italien Beretta, deux semaines après le début de la guerre en Ukraine.
Photo: Keystone
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Daniel Ballmer

Werner Salzmann, conseiller aux Etats de l'Union démocratique du centre (UDC), se désole: «Le Conseil fédéral n'a pas pris conscience de la gravité de la situation, il se contente de croiser les bras.» La fabrique de munitions de Thoune, qui appartenait à la Confédération jusqu'en 2022, est pourtant menacée de disparaître.

Le nouveau propriétaire, le groupe italien Beretta, envisage en effet de fermer la fabrique qui emploie près de 400 personnes et de délocaliser le site. Une idée motivée par le régime d'exportation strict en vigueur en Suisse. Or, en cas de fermeture, l'armée deviendrait tributaire de munitions provenant de l'étranger.

«En cas de crise, nous serions dépendants de l'étranger, ce qui serait fatal en termes de politique de sécurité», souligne Werner Salzmann. Certes, une garantie de site de cinq ans a été convenue au moment de la reprise du site par Beretta. Mais une fois le délai écoulé, rien n'empêchera le propriétaire de tirer la prise, ce qui inquiète bon nombre d'élus. Werner Salzmann et ses camarades se sont d'ailleurs toujours opposés à toute délocalisation.

«Même le Conseil fédéral a reconnu une erreur»

La vente de l'usine a été bouclée deux semaines après le début de la guerre en Ukraine. Depuis, la situation sécuritaire en Europe s'est considérablement aggravée, estime Werner Salzmann. Ce dernier a donc demandé au Conseil fédéral comment il comptait garantir la production de munitions en Suisse, et s'il imaginait racheter l'entreprise ou des parts de celle-ci: «Après tout, même le Conseil fédéral a reconnu a posteriori que la vente était une erreur».

En effet, le Conseil fédéral admet aujourd'hui que le maintien de Swiss P Defence en Suisse «serait avantageux pour l'armée». La ministre de la Défense Viola Amherd avait également reconnu au micro de la SRF que la situation était différente au moment de la transaction. «Dans la perspective actuelle, on pourrait certainement considérer cette décision différemment», avait-elle déclaré.

Le Conseil fédéral ne veut pas agir

Le Conseil fédéral ne veut toutefois pas prendre de mesures concrètes pour empêcher le départ de l'ancienne filiale de Ruag. Comme la fabrique de munitions dépend avant tout d'un certain volume de commandes, le Département de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) a décidé d'effectuer pour l'armée des commandes d'un volume similaire à celui des années précédentes.

Le Conseil fédéral estime toutefois que le marché national est trop limité pour pouvoir convaincre l'entreprise de rester, écrit-il en réponse à la demande de Werner Salzmann. Une justification suffisante pour la Confédération, qui n'a étudié aucune autre option.

Vers une refonte de la législation?

Un rachat de l'entreprise n'est en tout cas pas à l'ordre du jour pour le Conseil fédéral: ni la Confédération ni l'entreprise d'armement Ruag, propriété de l'Etat, ne disposent des moyens nécessaires à cet effet, argumente-t-il. Le gouvernement n'aborde même pas la question de la sévérité des règles en matière d'exportation d'armes, que l'actuelle propriétaire invoque comme une raison de son départ à venir.

Une justification, dont ne se satisfait guère Werner Salzmann. «Continuer simplement à commander des munitions ne suffit pas», déclare-t-il. «Avec son comportement, le Conseil fédéral fait tout pour que l'entreprise disparaisse dans cinq ans. C'est incompréhensible.»

Pour le sénateur la donne est simple: si on veut préserver l'industrie suisse de l'armement, il faut adapter la législation sur le matériel de guerre. Le Parlement débattra probablement cet été d'une nouvelle proposition et il est fort à parier que beaucoup d'élus auront en tête la fabrique de munitions de Thoune.

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