Accusés d'avoir empoché plus d'argent que ce qu'ils auraient dû — des millions — sur le dos des contribuables, et en toute connaissance de cause, les Services industriels de Genève (SIG) se défendent. Contactée par Blick, leur porte-parole Isabelle Dupont Zamperini affirme ce mercredi soir que les «collaborateurs ont agi en toute bonne foi. Et je précise qu’il n’y a, dans cette affaire, aucun enrichissement personnel. Ces 22 millions sont restés dans l’entreprise et ont contribué à l’entretien du réseau.»
Pour rappel, les SIG, chargés de la distribution de l'eau potable, du gaz, de l'électricité et du chauffage sur l'ensemble du canton, sont dans la tourmente. En cause? Un communiqué de presse de la Cour des comptes, publié mardi.
On y apprenait que les SIG ont surfacturé à leurs clients — entreprises comme ménages — quelque 22 millions de francs en coûts de pertes de réseau électrique. En clair, le coût de la différence entre l'électricité introduite dans le réseau et celle qui arrive réellement à destination chez les clients.
Tout cela sur la période de 2008 à 2021, a constaté la Cour des comptes. Au total, ce surplus représente quelque 5 francs par personne et par année, d'après lematin.ch.
«Le problème était connu des SIG»
Le soir des révélations, le 13 février, le magistrat de la Cour des comptes Frédéric Varone s’est exprimé sur le plateau de Léman Bleu. À l’antenne, il n’a pas manqué d’incendier la régie cantonale. «Le problème était connu des SIG. Et malgré cette connaissance, ils ont décidé de ne pas rectifier et de ne pas rembourser rétroactivement dès 2018 leurs clients. […] Au sein du comité de fixation des prix des SIG, on a décidé de fournir au régulateur fédéral des chiffres qui n’étaient pas corrects.»
Des accusations graves, auxquelles l'organisation publique répond, à notre demande, le mercredi 14 février au soir. «Les SIG et nos collaborateurs et collaboratrices ont toujours agi de bonne foi, avance la directrice de la communication dans un e-mail. La mesure des pertes est une opération complexe, et notre méthode de calcul permet de les calculer au plus près de la réalité. D’ailleurs, notre taux de pertes est bas, et l’ElCom (ndlr: l’organe de contrôle fédéral en la matière) ne nous a jamais fait la moindre remarque sur notre taux de pertes.»
«Pas compris»
Mais ce n'est pas le seul reproche adressé aux SIG. Mardi soir, toujours sur le plateau de Léman Bleu, le magistrat Frédéric Varone avait également souligné que les dirigeants de l'entreprise, une fois mis face au problème par la Cour des comptes, n'ont pas été réceptifs... Jusqu'à ce que la Confédération n'intervienne. Ils «ont refusé en bloc nos recommandations pendant six mois [...]. Nous avons dû solliciter le régulateur fédéral, qui a donné raison à la Cour des comptes.»
Ce que l'entreprise de service public admet, en partie. Isabelle Dupont Zamperini affirme toutefois que les SIG n'ont «pas compris [la] demande» de la Cour des comptes, «au départ».
Et la directrice de la communicante de préciser: «Nous avons sans doute commis une erreur d’évaluation de cette requête. Nous livrons nos données chaque année à l’ElCom, et il y avait une incompréhension à devoir les livrer aussi à la Cour des comptes. […] Nous fournissons toutes les données à l’ElCom, qui n’a jamais fait la moindre remarque à ce sujet.»
Qui blâmer?
Mais qui est vraiment responsable de cette surfacturation, à l'interne de la firme énergétique? Les SIG pointent du doigt un organe en particulier, en tentant de blanchir au passage leur direction, sous l’égide de Christian Brunier, et leur conseil d'administration, avec l’ancien conseiller aux États Vert Robert Cramer à sa tête.
«Le président du Conseil d'administration et la direction générale ont été informés de l’enquête de la Cour des comptes, qui a eu lieu en 2023, souligne notre interlocutrice. Mais ni le président ni le directeur général n’étaient au courant, avant cela, de la décision du comité Otarie [prise] en 2018» — sous-entendu, celle de ne pas communiquer à propos de la surfacturation.
Elle insiste: «Monsieur Brunier n’était pas informé des problèmes relevés en 2018.» C’est en des termes similaires que ce même Christian Brunier, directeur des SIG, s’est exprimé sur Léman Bleu au soir du 14 février, un jour après les révélations.
Des mesures seront prises
Qu’est-ce que ce «comité Otarie»? La communicante embraie: «Un comité de spécialistes de la tarification. Il y a eu un problème de gouvernance au sein de ce comité. Et nous allons prendre des mesures pour corriger ce problème, […]. Ce comité sera renforcé par des membres de la direction générale.»
Les SIG ont par ailleurs «accepté les recommandations de la Cour des comptes, et vont appliquer la méthode de calcul préconisée par la Cour des comptes pour les pertes réseau. Les tarifs ne sont fixés qu’une fois par année. Nous allons donc intégrer les recommandations de la Cour pour les tarifs 2025.»
Isabelle Dupont Zamperini précise encore que les tarifs «sont validés par le Conseil d'État». Le ministre en charge, Antonio Hodgers (Les Vert-e-s), également président du Conseil d'État, n’a jusqu’à présent pas commenté l’affaire. La Commission de l’énergie et des services industriels du Grand Conseil s’est en revanche emparée du dossier, comme l’a annoncé Léman Bleu.